L’Iran ne se voitpas appliquer l’accord intérimaire de Genève avant le mois de janvier.L’ambassadeur iranien à l’AIEA (Agence internationale pour l’énergie atomique),Reza Najafi, a confié à la presse espérer voir l’application de l’accord de sixmois à compter soit de la fin décembre 2013, soit au début janvier 2014.Interrogé au sujet de la date de l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium à uneconcentration fissile à 20 %, Najafi a déclaré : « Nous devonsd’abord nous réunir pour nous coordonner, et, dès que nous nous mettronsd’accord sur une date, nous commencerons à mettre en application les mesuresacceptées par l’Iran ». Les diplomates occidentaux ont, eux, indiqué quel’allégement des sanctions entrerait en vigueur en une fois, à une date quidoit encore être déterminée. Elle sera d’ailleurs fonction de la vérificationpar l’AIEA que l’Iran remplit les conditions du marché conclu. La réunion tantattendue aurait lieu dans les prochaines semaines, selon les propos duvice-ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araqchi, cité par l’agencede presse d’Etat iranienne Fars. Il a annoncé dans une interview à latélévision que Téhéran attendait sous peu des nouvelles de la diplomate HelgaSchmid. « Mme Schmid devrait nous téléphoner cette semaine et il est fortpossible que nos experts négocient la semaine suivante à Genève ou à Vienneafin de trouver un mécanisme pour l’entrée en vigueur », a-t-il dit. Lesresponsables occidentaux et les experts avertissent toutefois : trouverune solution au conflit sera probablement un combat ardu, alors que les deuxparties sont encore très éloignées l’une de l’autre concernant la portée et lacapacité du programme nucléaire iranien.
De son côté,l’ambassadrice israélienne auprès de l’AIEA, Merav Tzafary-Odiz, a précisé auconseil d’administration de l’agence des Nations unies que l’Iran, qui nereconnaît pas Israël, faisait preuve d’une coopération sélective dans l’enquêtede l’AIEA sur la recherche nucléaire suspecte menée par Téhéran. Sans surprise,le régime nie l’accusation. « Si l’Iran fournissait un accès intégral auxinformations, documents, installations, lieux et personnels, l’AIEA enarriverait certainement à des conclusions troublantes sur la dimensionmilitaire du programme nucléaire iranien », a taclé Tzafary-Odiz. « Anotre connaissance, les hauts responsables qui ont travaillé au ministère de laDéfense sur le programme d’armement jusqu’en 2003, continuent d’officier auministère de la Défense au sein d’une organisation appelée aujourd’hui l’Organisationde l’innovation et de la recherche défensives » a-t-elle poursuivi. L’Irana, de manière répétée, rejeté de telles accusations, et affirmé qu’au contrairel’arsenal nucléaire supposé d’Israël menaçait la paix régionale.
La Turquie placeelle aussi ses pions sur l’échiquier
Selon lesdéclarations du ministre des Affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu, lorsd’une visite dans la capitale perse, une consolidation de la coopération entrela Turquie et l’Iran améliorerait la stabilité régionale. Les ministres desAffaires étrangères des deux pays ont fait la démonstration du renforcement deleur unité mercredi 27 novembre : ils ont appelé ensemble à uncessez-le-feu en Syrie, en devançant les pourparlers de paix entre les factionsde la guerre civile qui y fait rage. Ces négociations sont prévues pour le22 janvier prochain à Genève. Davutoglu a en outre annoncé que leprésident iranien Hassan Rouhani effectuerait une visite en Turquie en janvier,selon l’agence de presse iranienne Tasnim News. « La Turquie n’a cessé depoursuivre une politique étrangère constante ces dix dernières années. En fait,nous avons certaines positions différentes de nos voisins, mais les principesgouvernant notre politique étrangère n’ont pas changé », a annoncéDavutoglu lors d’une conférence de presse en présence de son homologue iranien,Mohammad Javad Zarif.
La Turquie est unpays sunnite. Historiquement, elle est hostile au régime chiite de Téhéran,auquel elle dispute la mainmise au Proche-Orient. De fait, en ce qui concernela crise syrienne, l’Iran soutient le régime de Bashar el Assad, alors que laTurquie, gouvernée par le parti AKP, est du côté de l’opposition islamiste.Selon Davutoglu les deux pays ne devraient pas attendre la conférence du22 janvier prochain dite Genève II, mais « avant cela, le terraindevrait être préparé pour un cessez-le-feu qui contribuera également au succèsde cette conférence ». La semaine dernière, le journal turc Hurriyet DailyNews citait Ahmet Davutoglu : « De mon point de vue, quand la Turquieet l’Iran joindront leurs forces, cela ne bénéficiera pas seulement aux deuxpays, mais cela deviendra aussi la colonne vertébrale de la stabilitérégionale ».
L’élu a égalementappelé à une augmentation de la coopération énergétique avec l’Iran : « LaTurquie est un pays de passage, l’Iran, un producteur. Si nous fusionnons cespotentiels, la Turquie pourrait devenir le corridor du fournisseur énergétique“Iran” ». Une déclaration derrière laquelle on peut lire la crainted’Ankara face au programme nucléaire et le besoin de s’allier à l’ennemid’hier, aujourd’hui devenu trop menaçant. « Un accord américano-iraniensur le nucléaire couplé à un règlement négocié sur la crise syrienne seraitperçu par la Turquie comme une volonté de Washington de fermer l’œil sur lacréation d’un axe chiite le long de sa frontière sud », analyse SonerCagaptay, directeur du programme de recherche turque au Washington Institutefor Near East Policy, dans un article publié par le New York Times.« Ankara a donc décidé de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panieraméricain. Ceci explique la décision récente d’Ankara d’acheter des armeschinoises, anticipant un tel accord iranien », continue l’expert.
Méfiance profondede toute part
Les acteurs sontplus que jamais sur leurs gardes. L’ambassadeur iranien, Araqchi, s’estd’ailleurs fait fort de rappeler que le plan d’action n’avait aucune forceexécutoire. En d’autres termes : l’Iran n’a aucune obligation légale à lerespecter et il n’hésitera pas à s’en désengager si les puissances occidentalesne tenaient pas leurs promesses.
En Israëlévidemment, l’extrême prudence est toujours de mise. Selon des responsablesmilitaires israéliens s’exprimant sous couvert d’anonymat et cités par leSunday Times, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a ordonné au Mossad ainsiqu’aux renseignements militaires de collecter des preuves de la duplicité deTéhéran. De telles preuves empêcheraient Barack Obama de repousser le vote denouvelles sanctions contre l’Iran par Congrès américain. Le président desEtats-Unis a, pour sa part, demandé à Bibi de « prendre une profondeinspiration » et de cesser de critiquer le plan d’action avec l’Iran,comme l’a rapporté David Ignatius jeudi 28 novembre dans le Washington Post.Les deux chefs d’Etat se sont mis d’accord pour envoyer une délégationisraélienne à Washington. Elle sera conduite par le conseiller pour la sécuriténationale Yossi Cohen et aura pour objectif de discuter en secret de lastratégie à adopter avec l’administration américaine.
De leur côté, lespays du Golfe, en particulier Bahrain et l’Arabie Saoudite, s’ils ont saluél’accord intérimaire, attendent des garanties de la part des P5 + 1pour s’assurer que ce marché ne menacera pas leur sécurité dans la région. Leministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis, Cheikh Abdullah binZayed s’est, quant à lui, exprimé en faveur d’un partenariat avec l’Iran lasemaine dernière, alors qu’il était le premier responsable officiel du Golfe envisite à Téhéran depuis la conclusion de l’accord intérimaire.
Enfin, côtéisraélien, la ministre de la Justice Tzipi Livni a suggéré, lundi 25 novembre,lors d’une conférence de paix à la Knesset, que la résolution du conflit avecles Palestiniens permettrait de construire un front uni avec les pays arabes etIsraël contre l’Iran, dans le but de parvenir au meilleur accord possible avecle régime islamique. Ramenant ce conflit régional à une échelle locale, elles’est félicitée de la défaite de la députée Shelly Yachimovich lors desrécentes primaires travaillistes, faisant porter cet échec sur l’abandon par lacandidate sortante des questions diplomatiques avec les Palestiniens. Laministre a rappelé que les 6 mois de l’accord intérimaire iranien coïncidentavec les 9 mois alloués aux négociations de paix. Démontrant une fois de plus,s’il le fallait, que la politique intérieure et les intérêts stratégiques dechaque Etat impliqué vont avoir un impact sur la résolution de ces deuxconflits majeurs de notre temps. Et que par un jeu de vases communicants,l’échec de l’un pourrait entraîner l’échec de l’autre.
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