Les Juifs du Venezuelaont subi la tyrannie de Chavez pendant plus d’une décennie. Harcelés sansrelâche, ils étaient constamment sur la sellette. Pour mémoire : la descente depolice dans une école juive, dans le but ridicule d’y trouver de potentielscoupables à inculper dans une affaire d’assassinat d’un procureur ; l’attaquecontre une synagogue de Caracas, en 2004 ; l’opération Plomb durci et lademande expresse faite à la communauté juive de désavouer Israël en guerrecontre le Hamas, en 2008 ; la constante propagande antijuive, distillée sur lesmédias… Plus récemment, un ultime coup théâtre : les services de renseignementsespionnaient la communauté juive du pays.
Et pour couronner le tout, l’alliance indéfectible de Chavez avec legouvernement iranien et sa franche amitié avec le président MahmoudAhmadinejad.
Effrayés à la seule idée de critiquer leur oppresseur, les Juifs n’en respirentpas mieux, pour le moment, avec sa disparition.
Emporté à l’âge de 58 ans par un cancer fulgurant, quelques semaines à peineaprès sa réélection pour un quatrième mandat, le dictateur laisse derrière luiun pays englué dans une grave crise économique et en proie à une criminalitéexponentielle. L’ingérence de Chavez à tous les niveaux de la vie politique etsociale du pays était tellement prégnante qu’il serait illusoire d’essayerdésormais de prédire aux Juifs vénézuéliens un nouvel avenir.
Partis en masse il y a quatorze ans, ces derniers étaient un peu plus de 20 000à l’arrivée au pouvoir du dictateur. Plus de la moitié a choisi l’exil. Au plusfort du règne Chavez, les organisations juives avaient même mis au point unplan de sauvetage pour évacuer les Juifs du pays, pour le cas où leurs viesseraient en danger. Un plan toujours d’actualité. Les Juifs ne sont pas lesseuls à avoir fui le régime. Des centaines de milliers de citoyens, parmi lescouches les plus aisés de la population et la classe moyenne, ont aussi préférés’expatrier pour échapper au marasme économique, aux nationalisations à tour debras et à l’escalade de la violence et de la criminalité.
A toutes ces raisons s’est ajouté, pour les Juifs, un antisémitisme ambiantlargement décomplexé. Maintenant que Chavez a rendu l’âme, l’air pourraitdevenir plus respirable sous le soleil vénézuélien. Encore que !
Combattre le «bourgeois-sioniste-juif »
La Constitution du pays, pour le moment en granddeuil, exige de nouvelles élections dans les 30 jours à venir. Avant de mourir,Chavez a fait savoir que son favori pour lui succéder à ce qu’il appelait sa «révolution bolivienne » était sans conteste son vice-président Nicolas Maduro.Mais celuici a un sérieux rival en la personne de Henrique Capriles Radonski,qui a perdu les dernières élections face à Chavez, en octobre dernier, de 11points seulement.
Capriles, qui possède la même rhétorique antioccidentale que Chavez, serevendique catholique. Il est cependant petitfils de rescapés de la Shoah, un «détail » que Chavez n’avait pas manqué d’exploiter largement contre son lui. Aucours de la campagne présidentielle, les médias avaient exhorté lesVénézuéliens à faire barrage au sionisme international en votant contreCapriles. Péril en la demeure, avaient-ils clamé, et intérêts nationauxmenacés, avec ce candidat de l’opposition financé par Israël. Une porte ouverteà l’invasion sioniste et ce, à l’heure où le Mossad complotait déjàd’assassiner Chavez, selon leurs dires.
A la botte du gouvernement, les médias s’étaient acharnés contre Capriles en letraitant de « bourgeois-sioniste-juif ».
La Ligue anti-diffamation américaine et le centre Wiesenthal avaient condamnéChavez pour cette rhétorique. Cette campagne diffamatoire, typiquementchavezienne, n’était d’ailleurs que la dernière en date sous l’ère dudictateur, avant laquelle les Juifs du Venezuela, profondément attachés à leurpays, ne connaissaient que de très loin l’antisémitisme.
Les premiers signes avant-coureurs d’une longue série d’attaques – survenusavec l’ascension au pouvoir de Chavez – avaient émergé durant la secondeIntifada. Le gouvernement avait pris fait et cause pour les Palestiniens etfinancé des rassemblements en leur faveur. Rassemblements populaires, au termede l’un desquels, en mai 2004, la synagogue séfarade de Caracas, TipheretIsraël, était mise à sac.
Mais il faudra un second événement marquant pour que les Juifs mesurent latournure dramatique des événements et comprennent qu’ils sont pris pour ciblepar le gouvernement.
En novembre de la même année, la police effectue un raid armé dans l’enceintede l’école juive de Caracas, Hebraica, soi-disant pour y rechercher descoupables. Selon un rapport de l’institut Stephen Roth (étude del’antisémitisme et du racisme contemporain à l’université de Tel-Aviv), « cetincident est sans doute le plus sérieux qui soit jamais arrivé à la communautéjuive du Venezuela ».
Israël diabolisé
L’antisémitisme et l’antiaméricanisme de Chavez culminent dansles années 2000, lorsqu’il traite Georges Bush de diable à l’ONU et lesEtats-Unis et Israël d’Etats terroristes.
Puis, au cours de la guerre du Liban en 2006, il accuse Israël de commettre un« nouvel Holocauste » et de se rendre coupable de crimes nazis, perpétréscontre les Libanais et les Palestiniens. Dans le même temps, le dictateurintensifie ses relations avec l’Iran des mollahs. Ce mariage contre nature d’unrégime fortement ancré dans une idéologie socialiste avec la théocratiereligieuse islamiste iranienne est rendu possible par des ennemis communs : lesEtats-Unis, l’Occident et Israël. Cette exécration partagée cimente la lune demiel du rouge et du vert pendant tout le règne Chavez ; avec l’augmentation deleurs échanges commerciaux, l’ouverture de leurs espaces aériens avec des volsquotidiens Téhéran-Caracas et les visites assidues entre les deux leaders.
A mesure que la présence diplomatique iranienne étend ses quartiers dans lacapitale vénézuélienne, l’Occident hausse le ton pour dénoncer la créationd’une plate-forme, mise à la disposition de l’Iran, pour que la théocratiechiite y cultive ses activités illicites. Pour n’en citer qu’une seule : letrafic d’armes. La rupture avec Israël est consommée en 2009.
Eclate alors le troisième conflit avec le Hamas, à la fin du mois de décembre2008. La réaction vénézuélienne ne se fait pas attendre : Chavez expulsel’ambassadeur d’Israël de Caracas et accuse l’Etat hébreu de génocide enversles Palestiniens.
Dans le même temps, il exige des Juifs du Venezuela de dénoncer ce qu’ilqualifie d’« agression » israélienne.
« Chavez s’occupe de ses Juifs »
Chavez avait beau clamer « aimer et respecterles Juifs », mettre constamment sur le même plan les Juifs vénézuéliens etIsraël signait en réalité son antisémitisme. C’est sous sa dictature quel’éclosion de graffitis antisémites se répand dans tout le pays : on yentrelace la croix gammée et l’étoile de David, pour mieux pouvoir lesconfondre. L’opus antisémite, Le protocole des sages de Sion, est vivementrecommandé sur les ondes radiophoniques comme une lecture éclairante.
C’est alors le coup d’envoi de pillages et d’actes de vandalisme à l’encontrede la communauté juive du pays. « On enseigne la haine aux gens », déclare lerabbin Pynchas Brener début 2009, avant de s’exiler pour la Floride. Pourautant, le très charismatique Chavez continue de bénéficier du soutieninconditionnel de sa population. Aucune comparaison avec Hitler ne sera jamaisévoquée. Les Juifs peuvent aller et venir, ceux qui ont fui le pays yreviennent souvent en visite, et parmi eux, le Rav Brener. Pas de quoi seplaindre, en somme.
Dans une certaine mesure, Chavez s’occupe de « ses » Juifs ».
En 2009, par exemple, le gouvernement offre une protection policière à lasynagogue de Caracas, après l’agression dont elle est victime. Mais les Juifsdu Venezuela se sentent surveillés. Suspicion confirmée il y a peu : le SEBIN,service des renseignements du Venezuela, espionne bel et bien la communautéjuive. Des révélations rendues publiques par la chaîne argentine « Analises 24» avec force rapports du service de renseignement, photos et vidéos.
Difficile de savoir pour l’heure si ce climat antisémite, enraciné pendant lesannées Chavez, survivra au dictateur.
14 ans d’une politique délétère ont contraint plus de la moitié des Juifs duVenezuela à l’exil. Ce n’est pas un pays plongé dans les affres de la criseéconomique et en proie à une hausse de la violence et de la criminalité qui valeur donner envie de se précipiter sur le chemin du retour.