La campagne n’est pas encore ouverte.
Mais plusieurs candidats se sont d’ores et déjà déclarés. Parmi les premiers àse jeter dans la bataille : Jonathan- Simon Sellem. Ce jeune trentenaire deTel- Aviv, fondateur du site d’infos JSS News, a frappé fort médiatiquementavec le choix de sa suppléante, Véronique Genest.
L’actrice chouchoute des Français, pour son personnage de femme flic téléviséJulie Lescaut, a fait une entrée fracassante en politique, dans le brouhaha desquestions acerbes d’interviewers toujours prêts à dégainer sur les défenseursd’Israël. Car l’engagement auprès de l’Etat juif de Madame Bokobza à la villen’est un secret pour personne. Ce qui lui a valu quelques coups d’essais enmatière de confrontation avec les médias. Directe et franche, elle ne cache passon manque d’expérience pour la chose politique et se décrit, lucidement, commele « porte-voix du message de Jonathan-Simon Sellem ». Message que nous nousproposerons de développer prochainement avec le principal intéressé, dans lescolonnes du Jerusalem Post.
Face à ce tourbillon médiatique, Albert Fratty, célébrité des Français deNetanya où il réside depuis 1984, gère une campagne un brin en retrait. Sacible ? Les retraités d’Israël, dont lui-même à 67 ans fait partie, et qu’ilconsidère, à juste titre, comme le principal réservoir de votants. L’heure està la préparation des fêtes de Pessah pour Monsieur Fratty. Ce Likoudnik dansl’âme « depuis toujours » a fait le choix du local en la personne de sonsuppléant, Claude Levy, « qui connaît très bien le nord du pays que, moi, je connaismal ». Son modèle en politique ? « Yaïr Lapid », rien de moins, pour sonutilisation massive des nouvelles technologies lors des récentes électionsisraéliennes. Lui-même « ouvrira donc une page Facebook après les fêtes ». «Oui, la campagne est bien lancée », affirme Fratty qui estime être le seul àvraiment connaître les Français d’Israël.
Autre indépendant, autre style, David Shapira, historien et juriste qui, pourl’heure, entreprend un véritable travail de terrain.
Rencontres avec les responsables associatifs, les leaders d’opinion, lesreprésentants des jeunes et des anciens, Shapira veut prendre le temps de poserses assises. Les soutiens s’accumulent et les outils de communication semettent habilement en place, affirme son directeur de campagne, BernardZanzouri, qui gère la course de son candidat comme celle de la tortue et non dulièvre. Mais est-il possible de se faire re-connaître en quelques semaines àpeine ? Zanzouri est confiant : « Absolument, Israël est un petit pays etl’information circule vite. Au vu des réactions et des appels que nousengrangeons, la candidature de David est considérée comme une valeur sûre ».Côté suppléant, Shapira a voulu s’associer à l’expérience de ClaudeFrankforter, ancien président du Bnai Brith et membre du conseild’administration du centre qui porte son nom – pour avoir été créé par sesparents – seule structure d’accueil pour les personnes âgées francophones deJérusalem.
Pour l’heure, d’autres noms circulent. Il est question par exemple de MeyerHabib, viceprésident du Crif ou d’Alexandre Bezardin, ancien suppléant deValérie Hoffenberg, basé en Italie, qui a lui aussi fait part de son désir dese lancer dans la bataille.
Mais la campagne n’est pas officiellement ouverte, les prétendants à la représentationdes Français de la 8e circonscription de l’étranger n’ont donc pas encore pudéposer leur candidature. Flou également autour de la date des élections que leministère de l’Intérieur n’a toujours pas fixée. Il est question du 12 ou du 26mai, mais rien n’est joué.
Alors que le Parti socialiste n’a toujours pas désigné de candidat, dans lesrangs de l’UMP c’est finalement Valérie Hoffenberg qui a reçu l’investiture deson parti, au terme d’une course très serrée contre l’avocat William Goldnadel(11 voix contre 9). Seule apte à se représenter parmi les 4 candidats ditsd’Israël de la précédente campagne – Daphna Poznanski, Gil Taïeb et PhilippeKarsenty ont été déclarés inéligibles – Valérie Hoffenberg se laisse encorequelques jours pour choisir son suppléant. Celle qui considère l’Iran comme laprincipale menace pour Israël et la visite d’Obama comme un événement trèsimportant, se refuse à toute précipitation.
Entretien.
Avez-vous hésité à soumettre à nouveau votre candidature au votedes Français de la 8e circonscription ?
Oui, pour plusieurs raisons. Lapremière, c’est que j’ai commencé une activité professionnelle de consulting,dans laquelle je continue à mettre au coeur de mon engagement Israël, larécente venue de la délégation Lagardère en est la preuve.
J’ai hésité aussi pour des raisons personnelles.
Une élection n’est pas un jeu, j’ai beaucoup de respect pour la démocratie etje voulais prendre le temps de réfléchir pour être sûre d’être toujours lamieux placée pour répondre aux besoins des Français de la 8e circonscription.
La campagne précédente a été assez houleuse, comment l’avez-vous vécu ?
Cettecampagne a été une première expérience, j’ai rencontré énormément de gens, j’ensuis sortie plus forte que quand j’y suis entrée, avec une meilleureconnaissance du terrain. C’était aussi une formidable aventure humaine. Et jeconsidère que chaque échec est une marche vers le succès.
Justement, comment réagit-on après la défaite du 2nd tour ?
Quand on entre enpolitique il faut obligatoirement accepter l’idée de l’échec.
Bien sûr, c’était un moment difficile, c’était une campagne difficile. A partirdu moment où le président français est devenu socialiste, il y a eu cette vaguerose. Cela fait 6 ans que j’ai une expérience politique réelle qui m’a permisde savoir qu’il y a très peu d’élus qui n’ont jamais connu de défaitesélectorales.
Que ce soit Nicolas Sarkozy, Jean-François Coppé, François Fillon, tous ontconnu des échecs électoraux pour ensuite avoir des victoires. C’est la règle enpolitique, et c’est le risque à prendre.
Vous êtes à l’origine de la décision du Conseil constitutionnel qui a conduità l’invalidité de Daphna Poznanski. Pourquoi une telle démarche ?
Il y a deuxchoses, j’ai déposé un recours, car j’ai considéré que des irrégularitésavaient entaché l’élection. En revanche, la demande d’inéligibilité ne vientpas de moi, mais de la Cour des comptes, qui en vérifiant les comptes decampagne, a relevé des manquements à la règle. L’annulation vient donc de lademande d’inéligibilité de la Cour des comptes.
Mais cette demande aurait-elle pu avoir lieu sans votre recours ?
Bien sûr,elle n’a rien à voir avec mon recours.
Les faits reprochés étaient assez mineurs…
Non, je ne suis pas d’accord. Noussommes dans une période où les Français doutent de leurs politiques. Si leConseil constitutionnel a été aussi ferme, c’est parce qu’il a considéré qu’onne peut pas solliciter les suffrages des électeurs pour être en capacitéd’élaborer et de voter des lois, quand on n’est pas capable de les respecter.C’est loin d’être mineur et nous avions tous à notre disposition le manuel dela campagne. Si des candidats décident délibérément de ne pas suivre les codesélectoraux, comment ensuite considérer qu’ils seront à-même de voter des lois.
Sur les 4 principaux candidats, 3 ont été invalidés, c’est un avantage pourvous dans cette nouvelle campagne ?
Personne ne peut se satisfaire de cerésultat, car cela jette un voile sur la campagne de la 8e circonscription.Mais cela montre qu’il faut avoir un certain professionnalisme pour se lancerdans une campagne comme celleci.
Aujourd’hui, je suis la seule candidate qui ait une véritable expérience deterrain, qui ait fait une vingtaine de déplacements, qui s’est rendue dans tousles pays de la 8e circonscription, ce qui m’a permis de renforcer mesconnaissances quant aux problématiques des Français établis hors de France.Personne ne peut se prévaloir d’avoir une connaissance comme la mienne.
Que pensez-vous des candidats actuels ?
La campagne n’est toujours pasouverte.
Pour l’instant, il y a des velléités, mais pas de candidature déposée. Doncj’appelle au rassemblement de toutes les candidatures derrière moi. Je croisque les Français attendent quelqu’un avec de l’expérience, il faut savoirmettre l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel.
Comment prenez-vous le fait que votre ancien suppléant, Alexandre Bezardin,se présente de son côté ?
Alexandre Bezardin se dit que les Français d’Italieont plus voté, et qu’il n’y a donc pas de raison que ce soit un Françaisrésident en Israël qui soit élu. Je comprends son raisonnement. Mais il y a desleçons à tirer des précédentes élections des Français de l’étranger : sur les11 circonscriptions des Français de l’étranger, étant donné le faible taux departicipation, seuls les candidats UMP et PS se sont retrouvés au 2e tour.
Je suis confiante qu’à un certain moment, Alexandre Bezardin saura mettrel’intérêt de son parti et de ses valeurs avant son intérêt personnel.
Vous avez reçu l’investiture de UMP, mais au terme d’un vote serré avecWilliam Goldnadel…
A partir du moment où j’avais laissé planer le doute quant àma candidature, il était normal que d’autres candidats se présentent. Ce quis’est passé avec la commission d’investiture n’a fait que renforcer maposition, car le fait est que je ne suis pas la candidate par défaut, mais lacandidate par choix, et j’avais en face de moi des candidats de qualité. En mechoisissant, la commission d’investiture a donc renforcé ma légitimité.
Est-ce que vos thèmes de campagne ont évolué par rapport à la campagneprécédente ?
Oui, il faut faire un vote sanction. Le gouvernement est en traind’établir une politique économique catastrophique pour la France et cela a unimpact pour tous les Français hors de France. Quand un gouvernement n’a pastenu ses promesses et décide de ponctionner les retraites, cela affecte tousles Français. Le gouvernement socialiste a menti, aujourd’hui il est en traind’appauvrir les Français de l’étranger par une fiscalité accrue. Il fautenvoyer un message clair au gouvernement. Les Français de la 8e circonscriptionont aujourd’hui la possibilité de faire part de leur colère et de dire qu’ilsne veulent plus de ce gouvernement. Aujourd’hui 70 % des Français ne veulentplus de François Hollande.
Vous proposez un vote sanction contre le PS, mais l’UMP a pu décevoir lesFrançais d’Israël en votant pour l’adhésion de l’Autorité palestinienne àl’Unesco…
Appartenir à un parti, cela ne signifie pas que l’on soit d’accordavec tout. Je l’ai d’ailleurs personnellement démontré, à la différence deDaphna Poznanski : lorsqu’il y a eu la reconnaissance de l’Etat palestinien àl’Unesco, je m’y suis opposée. Preuve en est qu’Alain Juppé n’était pasfavorable à ma candidature lors de l’investiture pour la 8e circonscription.
Cela n’est pas difficile de travailler dans ces conditions ?
Même si leschoses ne seront pas simples, c’est encore au sein de l’UMP qu’il y a le plusd’amis d’Israël. On n’a pas le droit de se priver d’envoyer un ami d’Israël àl’Assemblée nationale. J’ai envie de dire aux Français d’Israël : voter UMP,c’est voter pour Israël.
Quels sont vos arguments pour convaincre ?
Tout d’abord, il y a une remontéede l’antisémitisme, et pour les Français d’Israël qui ont encore de la familleen France, il est bon qu’ils aient un député qui sera un véritableinterlocuteur et fera preuve de vigilance sur ce sujet-là.
Mais surtout je demande aux Français qui vivent en Israël de me juger sur ceque j’ai fait. Et j’ai fait tout ce que j’avais dit. Pendant plus de 6 mois jen’étais pas députée, pourtant, lorsqu’il y a eu la guerre avec Gaza, ClaudeGoasguen et moi sommes les deux seuls à être montés au créneau pour rappelerque des civils étaient touchés et la nécessite d’Israël à se défendre. Alorsque Daphna Poznanski a été totalement inaudible sur ce sujet.
Et lorsque Shimon Peres a demandé l’inscription du Hezbollah sur la liste desorganisations terroriste, les deux seuls à être intervenus et à avoir fait descommuniqués de presse, c’est encore Claude Goasguen et moi.
J’ai renforcé des partenariats universitaires entre l’université de Netanya etdes universités françaises et africaines. Je l’avais dit et je l’ai fait.
Sur la question de la lutte pour défendre l’image d’Israël, le plus grandsuccès a incontestablement été la délégation Lagardère, premier groupe demédias francophone, qui a pu comprendre à quel point Israël est le pays del’innovation.
Cela a permis à ces leaders d’opinion d’avoir une autre vision de la structuregéostratégique israélienne. Ils ont d’ailleurs reconnu devant la Chambre decommerce avoir pris une grande claque au niveau technologique.
J’ai donc fait tout ce que j’ai dit, et cela peut laisser penser aux électeursque je ferai tout ce que je dis.
Quels seront vos premiers chevaux de bataille ?
J’ai bien compris ladifficulté du statut de Jérusalem. Mon premier engagement en tant que députéfrançais sera de tenir ma permanence à Jérusalem. C’est un message fort que jeveux envoyer à la France. Mon second engagement sera de lutter coûte que coûtepour que, lors des prochaines élections, Jérusalem soit rentrée à nouveau enIsraël. Je ne veux pas faire de fausses promesses et dire que je vais changerle statut de Jérusalem, mais je me battrai pour que tous les Français deJérusalem ou de Judée-Samarie puissent obtenir sur leur certificat de naissancequ’ils sont nés en Israël. C’est un point fondamental, et c’est pour cela quej’ai commencé cette fois-ci ma campagne par Ofra. Les Français d’Ofra sont desFrançais comme les autres, et je les défendrai comme les autres.
Comment expliquez-vous la faible mobilisation lors de la campagne précédente?
La multiplicité des candidatures a fait passer l’intérêt des candidats avantl’intérêt des électeurs, c’est pourquoi j’espère qu’il y aura beaucoup moins decandidats cette fois-ci et que ceux qui ont mes valeurs et ont à coeur lareprésentation des Français d’Israël se rendront compte qu’il est préférable detravailler en commun autour d’une seule candidature. C’est comme cela que l’onmobilisera les électeurs.
Et si Daphna Poznanski a gagné, c’est aussi parce qu’elle était la seulecandidate de gauche alors qu’il y avait plus candidats de droite. Je m’adresseà tous les candidats et s’ils adhèrent à mon programme, à mes valeurs, je leurdemande d’être cohérents avec eux-mêmes et de me suivre. Notre histoire nous amontré que c’est quand nous sommes unis que nous sommes forts et respectés.
Ce n’est pas une caractéristique très française…
Justement, je me suisentretenue avec nombre de députés israéliens et à chaque fois que je leurdemande pourquoi les intérêts des Français sont moins bien défendus que ceuxdes Russes, ils me répondent : c’est très simple, les Russes se choisissent unchampion qui représente l’ensemble des communautés russes. Alors que lesFrançais sont incapables de se choisir un seul représentant.
Aujourd’hui, nous avons les possibilités de tirer les leçons de nos erreurs,d’avoir une seconde chance, c’est très rare. Alors je dis, rassemblons-nous.
En cette veille de Pessah, je souhaite à tous les lecteurs du Jerusalem Post,ainsi qu’à tous les Français d’Israël, d’excellentes fêtes.