Cinq navires dela marine israélienne longent la côte. Il fait nuit, une nuit méditerranéenneet étoilée, et les vagues semblent presque noires. Les lumières d’Ashkelon etde la bande de Gaza scintillent au loin dans la chaleur du mois d’août. La voixdu lieutenant Kobi Akiva, commandant de la flottille de patrouilleurs Dvora,surgit des émetteurs radio. « Cela a été un honneur d’être votrecommandant en mer. Merci de m’avoir accordé ce privilège. Vous êtes tous,autant que vous êtes, des personnes formidables qui mettent leur vie en dangerpour leur pays et pour se protéger les uns les autres », déclarel’officier.
Le message marquela fin d’un exercice long et difficile, au cours duquel les membres d’équipagede Dvora se sont entraînés à identifier et neutraliser une attaque terroristeen provenance de la côte gazaouie, simulant également une série d’autresscénarios susceptibles d’advenir.
Le Jerusalem Posts’est joint à l’équipage du navire 836, un Super Dvora Mk III, le derniermodèle de patrouille navale. La marine israélienne possède au total 3flottilles de Dvora, dans les régions nord, sud et centre. Le navire 836 faitpartie de la flottille sud. Des patrouilleurs qui sont constamment en missionle long de la côte gazaouie ou en stand-by à proximité. Ils sont toussurveillés de près par le Hamas.
Quelques heuresplus tôt, il naviguait à 44 nœuds enpleine mer, fonçant sur une cible terroriste simulée par un bateau de police.Sur le pont supérieur de notre navire, le vent frappe les jeunes marins au visageet l’écume bouillonne sous leurs pieds. « Celui qui ne vomit pas n’est pasun frère » plaisante l’officier Menachem Feder en nous interrogeant surl’état de nos estomacs. Un système radio de pointe permet aux membres del’équipage de communiquer entre eux ainsi qu’avec les autres navires de laflottille.
En moins de 30secondes
Sur le pontinférieur, on trouve des radars, des armes et des systèmes de communication. Al’étage encore en dessous, des marins s’affairent pour préparer à dîner dans lacuisine du navire. Au terme de la journée, l’équipage s’est entraîné à tirersur 3 bateaux terroristes fictifs, viser des cibles sur la côte de Gaza,éteindre un feu à bord et faciliter l’évacuation d’un marin blessé. En plus detout cela, le 836 s’est ensuite exercé à remorquer un autre Dvora dansl’obscurité.
Au matin, dans labase d’Ashdod, l’ambiance était des plus conviviales sur le patrouilleur. Unmarin à la voix entraînante s’empare du micro sur le pont supérieur pour lire àses camarades la liste des tâches à effectuer. Les soldats y procèdent enconfirmant au fur et à mesure la bonne marche des événements. « Chargéeset sous clefs ! », crie un marin après avoir vérifié les armes àbord. Le commandant de bord, le lieutenant Erez (son nom de famille est tenusecret) prend les commandes et s’adresse à l’équipage : « Bonjour,836 », dit-il, et sa voix calme de résonner dans le navire. « Nousnous avançons en mer pour rejoindre l’exercice. Faites attention auxcibles ».
Le lieutenantjunior Yarin Ben-Zikri, commandant adjoint du 836, évoque son service à bord.« Nous avons une permission une fois par mois. Pendant la semaine, onalterne entre l’entretien du navire, les entraînements et les patrouilles desurveillance le long de la bande de Gaza ». Quant à l’exercice à venir,l’officier le décrit comme « important ». « On ne fait pas cegenre de choses en temps normal. Cela va améliorer notre capacité à viser descibles précises sur la côte et à gérer les infiltrations de terroristes via lamer ».
Il explique ensuitequelques termes courants dans la marine. Lorsqu’ils entendent « Positionde combat » dans les haut-parleurs, les soldats se précipitent sur le pontsupérieur vers les armes et les systèmes de surveillance en quelques secondesseulement. Ceux qui sont partis dormir doivent conserver leurs chaussurespendant leur sommeil et être capables de rejoindre leurs postes en moins de 30secondes.
« Positionde liaison » est l’ordre de se diriger à l’avant et à l’arrière du navireafin de lancer ou recevoir des cordes des autres embarcations de la flottille.
Une maison trèspeuplée
Le sergent LiavShalobok, mécanicien et infirmier, est en service depuis un an sur le 836.« Les conditions sont dures. C’est un challenge. Mais cela fait de vous unhomme, pour la vie. Et, c’est ironique, mais servir ici veut aussi direapprendre à maîtriser la cuisine et la lessive », sourit-il. « On sebat pour notre maison, car le bateau devient notre foyer. L’endroit où l’ondort, où l’on mange, mais également d’où l’on tire. C’est une maison enmouvement et c’est aussi une maison très peuplée », ajoute le soldat.
Le navire estpour la plupart du temps en patrouille le long de Gaza. Chaque patrouille dureentre 24 et 72 heures. L’équipage dispose de nombreuses armes, dont lecanon M242 Bushmaster, installé sur la proue et capable de tirer jusqu’à 120cartouches par minute. Dans la soute, une série d’écrans retrace les données duradar et des caméras.
Le sous-officierDima Trachtenberg décrypte : « Ici, nous contrôlons le Bushmaster etfaisons de la haute surveillance. Autrement dit, tout ce qui échappe au regardhumain ». Un des écrans liste les cibles à terre que le 836 pourrait avoirà viser. Un second établit les coordonnées des forces amies et ennemies.« Nous pouvons envoyer et recevoir des images et nous sommes connectés ausystème de commandement naval. Nous avons un système de navigation satellite etun dispositif d’affichage de différents facteurs », explique Trachtenberg.« Ceci est la barre de secours, mais elle n’est jamais utilisée. Et voilàla climatisation », ajoute le soldat avec un sourire. « Il fait bonet frais ici ».
Les Dvora sontégalement équipés d’un système de défense antimissile, qui leur permet dedétecter la présence de radars hostiles. Tout au long de la patrouille, lenavire reste en contact avec le Commandement naval de la région d’Ashdod parradio afin d’échanger des informations sur des cibles potentielles.
Conditions de vieparticulières
Nous descendonsensuite au 3e étage où se situent la cuisine et les dortoirs. « On seprépare des repas de folie », plaisante Trachtenberg en nous montrant lakitchenette. « On cuisine pour 20 personnes et on met tous la main à lapâte pour des petits extras, comme de bonnes sauces. Une fois, on a mêmepréparé des sushis ». C’est en cuisine que les origines diverses desmarins se font sentir. Parfois même, le ton monte quand il s’agit de décidercomment une recette sera accommodée : à la russe ou plutôt mode Afrique duNord ?
Les soldats fontpreuve d’ingéniosité pour occuper leur temps libre – une denrée rare. Ils seréunissent par exemple le soir, après dîner, sur le pont supérieur et chantent,armés d’une guitare et d’une darbouka. Un moyen comme un autre pours’accommoder des conditions de vie si particulières, expliquent-ils.
« Le pilotede l’air, lui, descend de son avion une fois la mission achevée. Idem pour lesunités de blindés. Mais nous, on passe 35 jours
d’affilée sur unbateau. On se douche quand on rentre chez nous, une fois toutes les 4semaines », souligne Trachtenberg. Et tous de raconter les difficultéshivernales, lorsque des vagues de 3 à 4 mètres de hauteur sèment le chaos àbord.
Le sous-officierAvia Azoulay décrit une des activités principales de la flottille :veiller au respect de l’embargo israélien sur le port de Gaza, contrôlé par leHamas. Un embargo destiné à éviter la contrebande de roquettes tirées ensuitesur des civils israéliens et à barrer l’accès des côtes israéliennes auxterroristes. Un embargo qui signifie aussi que les pêcheurs palestiniens nepeuvent s’éloigner à plus de 10 km de la côte gazaouie. « Nous nousassurons qu’aucune embarcation ne dépasse la limite autorisée. Gaza est trèsproche de la centrale électrique d’Ashkelon et c’est une cible de choix pourles terroristes. Les stratégies de prévention sont cruciales », expliqueAzoulay.
Réveil en douceurou en sursaut
« Un navirequi réussit à nous éviter, c’est une attaque terroriste potentielle dans les 5minutes qui viennent. Nos marins sont constamment en train de surveiller lesradars et les caméras », ajoute-il. Les opérateurs de marine dirigent lepatrouilleur vers chaque signature radar inhabituelle, qui s’avère souventn’être qu’une simple volée d’oiseaux. « On a composé une chanson pour lesfausses alarmes : “On se lève tous pour les interférencesradars !” », sourit Azoulay en récitant les paroles de leur cru,avant de fredonner la mélodie.
Lorsqu’un naviresemble suspect, le Dvora s’approche et use des haut-parleurs et des liaisonsradio pour l’appeler à s’identifier. Si cette étape échoue, des tirs de semonceseront tirés en l’air et dans l’eau autour de la cible. Des pêcheurspalestiniens, ignorant ces avertissements, ont parfois dû être emmenés à Ashdodpour y être interrogés, rapporte le marin.
Mais l’équipagedoit aussi faire face à des dangers autrement plus importants que des pêcheursun peu bornés. Il y a 2 mois, des terroristes de la bande de Gaza ont lancé pasmoins de 50 roquettes en direction d’un patrouilleur. Ils ont manqué leurcible, mais des tirs ont été échangés et des hélicoptères de combat ont étédispatchés dans les airs. Et il y a 3 ans, l’équipage du 836 qui avait détectédes terroristes en train de planter une bombe le long de la clôture entreIsraël et Gaza avait ouvert le feu, évitant l’attentat de justesse.
Les patrouilleursaccompagnent également les bateaux de frayage étrangers jusqu’au port d’Ashdod,vérifiant leur identité avant de leur permettre de pénétrer les eauxisraéliennes.
A la fin de leursgardes, les soldats épuisés vont dormir au dortoir, dans des lits superposés.Si aucune urgence ne se déclare, ils seront réveillés en douceur par leurscoéquipiers lorsque l’heure de la relève aura sonné. Une lumière rouge diffuses’allumera et ils auront droit un café. Dans le cas contraire, c’est un ordre« Prenez vos positions ! » qui les réveillera en sursaut.