Dès leur naissance, ils sont différents. Cheveux blancs,peau diaphane, yeux clairs, les albinos ont aussi l’iris rouge ou mauve. Leurétrangeté et la fixité de leur regard intriguent. Dans certaines sociétéstraditionnelles d’Afrique et d’Amérique du Sud, ils ont été persécutés et mêmetués pour leurs organes, très prisés des sorciers.
En Israël, on dénombre aujourd’hui un millier d’albinos (du mot latin albus,qui signifie « blanc »). Leur volonté et leur force vitale sont telles qu’ilsparviennent à surmonter leur handicap et à mener une vie à peu près normale,épanouie et enrichissante.
Guérir les yeux…
La premier congrès israélien sur l’albinisme s’est tenurécemment au CHU Hadassah sur le mont Scopus à Jérusalem, réunissant quelque300 personnes ; médecins, chercheurs, optométristes, travailleurs sociaux etune poignée d’albinos d’âges différents avec leur famille. Organisé parl’institut Michaelson pour la restauration de la vision de l’hôpital Hadassah,il rendait hommage au professeur Isaac Michaelson, ophtalmologiste de renom,nommé en 1954 directeur du département ophtalmologique de Hadassah ainsi quefondateur de l’institut de Jérusalem pour la prévention de la cécité.
Les troubles de la vision des albinos peuvent nécessiter le port de lunettesdès l’âge de six mois, l’utilisation de microtélescopes, de loupes, delentilles de contact rouges au centre et d’autres outils de vision de pointe.Affectés par une lumière trop vive, ils peuvent souffrir de cécité précoce,leur rétine étant soit endommagée par la lumière dès la naissance ou suite à unépithélium pigmentaire rétinien peu développé. 90 % de ces enfants ont les «yeux qui dansent », une affection appelée nystagmus qui provoque des mouvementsoculaires incontrôlables.
Ils sont aussi atteints d’astigmatisme, une courbure irrégulière de la cornée,qui empêche de voir les détails, ou encore d’un fort strabisme qui les oblige àtenir leur tête dans un alignement anormal avec le corps pour pouvoir voir.Enfin, leur iris est souvent rouge, le réseau de vaisseaux sanguins dans larétine étant visible du fait de leur absence de pigmentation.
Longtemps considérées comme incurables, ces déficiences peuvent être guériesaujourd’hui, grâce à la chirurgie oculaire, qui pratique par exemple l’ablationdes muscles fixés au globe oculaire, pour les réimplanter de façon normale àl’endroit adéquat.
Certains médicaments sont à l’étude ou au stade expérimental comme la L Dopa,un médicament habituellement donné à des patients parkinsoniens. Des recherchesmenées sur des souris ont prouvé qu’il favorise la pigmentation. La L Dopa,mélangée à l’eau de consommation de souris enceintes, a eu un effet positif surle développement de la rétine des fœtus.
« La première étude clinique de la L dopa a été lancée en 2010 sur des albinosâgés de 3 à 60 ans », explique le docteur Claudia Yahalom. « Le docteur GailSummers, de l’université du Minnesota travaille avec nous sur le dosage dumédicament et les cobayes traités à la L Dopa ou avec un placebo. Cetteexpérience s’achèvera en décembre et nous sommes impatients d’en connaître lesrésultats. » Pour les albinos, une amélioration significative de leur visionpourrait être suffisante pour leur permettre d’obtenir leur permis de conduire.Un enjeu non négligeable pour les patients concernés et leur famille.
Et protéger la peau
Si la chirurgie oculaire peut s’avérer indispensable etapporter beaucoup, les cancers de la peau sont encore à craindre. L’abondancede soleil en Israël oblige les albinos à se protéger tout au long de l’année. «Le nombre de mélanocytes est le même pour tous les individus mais la quantitéde mélanine produite est différente », déclare le docteur Youval Ramot,dermatologue à Hadassah. « Elle dépend du facteur génétique conjugué àl’exposition au soleil. Plus celle-ci est grande, plus le corps produit de lamélanine pour s’en protéger car elle expose aux coups de soleil, auvieillissement prématuré de la peau, au cancer de la peau, aux cataractes et àl’affaiblissement du système immunitaire ».
Raheli Dan, assistante sociale et ancienne directrice de l’institut Michaelson,a remarqué que les établissements publics du pays sont construits sans prendreen considération les besoins des albinos et d’autres populations qui ont desproblèmes de vision, ni des cancéreux en chimiothérapie. « Il y a trop peud’ombre en Israël. Dans les nouveaux bâtiments, les bus, le terminal del’aéroport Ben Gourion et le tramway de Jérusalem qui disposent de grandesfenêtres, l’ombre est rare. La lumière du soleil est aveuglante. Or l’ombreréduit le risque de cancer de la peau », déplore-t-elle.
L’hérédité en question
L’albinisme, qui peut affecter tous les vertébrés,provient d’un gène héréditaire, responsable d’une déficience de la productionde mélanine, qui infirme la pigmentation oculaire, ou oculo-cutanée et affectela peau, les cheveux et les yeux, d’où la blancheur extrême des albinos. Laprésence du gène albinos en Israël est quatre fois plus élevée que dans lereste du monde. En cause, le taux élevé de mariages entre cousins germains.
En apprenant la pathologie de leur futur enfant, certains parents préfèrent avoirrecours à une interruption volontaire de grossesse. Les généticiens del’institut Michaelson, comme le docteur Dalia Eli, conseillère en génétique,les prend alors en charge : « Nous ne sommes pas là pour porter un jugement devaleur. Nous leur donnons un maximum de conseils, mais ils restent maîtres deleur décision. Ils nous consultent avant le mariage, avant une grossesse ouavant la naissance du bébé. Nous prenons en compte l’histoire et les originesethniques de la famille. Nous leur recommandons de ne pas se marier entrecousins germains. Si les deux parents sont porteurs du gène, la chance d’avoirun enfant sain qui n’est pas porteur du gène est de 50 %, le risque d’avoir unenfant sain porteur du gène est de 25 % et celui de donner naissance à unalbinos de 25 %. »
La mère peut profiter de l’amniocentèse pour s’assurerqu’elle donnera naissance à un enfant sain et non porteur du gène, et d’autrestests si elle a recourt à une insémination artificielle ou une fécondation invitro.
Rien ne vaut le naturel
Un forum dédié aux albinos et aux parents porteurs dugène a permis les rencontres et les échanges de témoignages. Rim, une arabeisraélienne, mère d’un petit garçon albinos de 5 ans, se souvient de sesinquiétudes à la naissance de son fils, quand elle a vu ses cheveux blancs.Elle et son mari ont été dirigés vers l’institut Michaelson, où le personnel aété chaleureux et serviable. « Il nous a fallu du temps pour faire face auregard des autres. Mais nous avons rencontré ici une femme et son fils, albinostous les deux. Ils sont professeurs et nous ont dit que mon fils pourrait ledevenir aussi. Ses encouragements nous ont aidés. »
Sima est mère de quatreenfants. Elle n’avait jamais entendu parler de l’albinisme avant que Noa, safille de 9 ans, n’en soit atteinte. Elle et son mari, juifs d’originemarocaine, habitent à Yeroham. « Quand la tête toute blanche du bébé estsortie, la sage-femme a dit : « Vous connaissez Eli Luzon, la chanteuse albinos? C’est rien, ils ont juste des problèmes de vision », se souvient-elle. Unbébé blanc. Je ne voulais pas de lui. Je voulais qu’ils le reprennent. Mais lafamille est arrivée et tous ont trouvé notre fille tellement belle ! Noa est laseule albinos à Yeroham. Et nous sommes très heureux avec elle. » Diego, unalbinos de 36 ans, né en Argentine, a immigré en Israël à l’âge de 12 ans. Ilest marié et père d’une petite fille en bonne santé : « On peut très bien vivreen tant qu’albinos », a tenu à déclarer celui qui a été aidé par l’institutMichaelson pendant 20 ans. Diego a servi sous les drapeaux, dans les Forces dedéfense israéliennes, il est diplômé de l’institut Technion-Israël dans ledomaine du génie en technologie informatique et travaille aujourd’hui chezMicrosoft Israël à développer des programmes informatiques.
Il a même rencontréBill Gates, le fondateur de Microsoft et été photographié avec lui. « Je nepeux pas conduire, mais j’ai une vie bien remplie. Ma vue n’est pas très bonne,mais j’ai une excellente mémoire, ce qui m’a aidé dans mes études. » Osnat, unejeune femme albinos de 39 ans, est doctorante et travaille comme économiste aubureau central des statistiques. Elle est mariée et mère d’un garçon de neufans. A l’école, elle devait mémoriser ce que ses professeurs disaient parcequ’elle ne pouvait pas voir le tableau. Exemptée du service militaire, elles’est portée volontaire et a servi comme éducatrice dans l’armée de l’airisraélienne. Pour se sentir « normale », elle teignait ses cheveux et mettaitdu mascara sur ses cils. Mais son mari l’a encouragée à « rester naturelle »,ce qu’elle fait. Pour son plus grand bonheur. Parce rien ne vaut le naturel.