Quel que soit le niveau de religiosité de chacun, le Shabbat est lejour de repos hebdomadaire du pays.
Que l’on ait coutume de visiter la famille ou des amis, d’être allongé sur laplage, de faire une partie de foot, ou d’aller à la synagogue, puis des’attabler devant un repas de fête, il n’y a pas de doute que Shabbat est enIsraël le jour où l’on « recharge ses batteries » avant de repartir pour unesemaine de travail.
Or, depuis plusieurs mois, pour les 16 familles de sionistes religieux quihabitent dans les collines situées au sud de Hébron, à Mitzpe Yaïr, juste à 2kilomètres à l’est de Soussiya, Shabbat est devenu un jour d’angoisse, detension et de confrontation.
Selon les résidents, une dizaine d’Arabes des villages environnants,accompagnés d’étudiants européens, et nantis des encouragements, du soutien etde la coordination de groupes israéliens d’extrême-gauche, manifestent devantMitzpe Yaïr, pour demander l’évacuation des résidents et le contrôle arabe surles terres.
« Chaque Shabbat, ils nous provoquent, et s’approchent de plus en plus près denos maisons », déclare Mordechaï Doitch qui, depuis 2000, habite dans cettecommunauté avec sa femme Michal et leurs huit enfants. « Ils nous menacent etnous insultent avec des phrases comme “Retournez en Pologne” ou “Les Romainsvous ont déjà chassés, qu’est-ce que vous faites encore ici ?” » Doitch ajouteque si, semaine après semaine, l’armée riposte rapidement pour empêcher legroupe de s’infiltrer et pour l’éloigner, les membres de la communauté sontforcés à maintes reprises de quitter la synagogue au milieu de l’office duShabbat matin pour simplement affirmer leur présence.
La ferme de l’étoile de David
« Quand ils arrivent, nous sommes d’abordinquiets pour notre vie et celle de nos familles. Si nous ne nous montrons paset, par-là, ne défendons pas notre droit d’être ici, il y aura comme un vide,et sans aucun doute, les Arabes revendiqueront cette région comme la leur. »Doitch, avec sa femme Michal, a déménagé du Goush Katif à Mitzpe Yaïr où ilcultive des légumes bios. La communauté a été établie en 1998 sur une terrequi, selon lui, appartient à 100 % à l’Etat. D’abord connue sous le nom de «Hava Maguen David » (la ferme de l’étoile de David), la communauté a étérenommée en 2001 Mitzpe Yaïr, en mémoire de Yaïr Har-Sinaï, 51 ans, père deneuf enfants, assassiné par des terroristes arabes liés au Hamas, alors qu’ilgardait son troupeau de moutons dans un champ voisin.
Debout devant sa maison, face aux collines luxuriantes, Doitch scrute l’horizonet remarque sur une montagne voisine un troupeau de moutons gardé par desbergers arabes : « Regardez cette colline brune où paissent les moutons, lesArabes rendent la terre désertique alors que partout où vivent les Juifs,l’herbe pousse et la terre est verte ».
Et d’ajouter que les Arabes locaux utilisent les moutons pour s’approcher deplus en plus près et tenter d’entourer et d’enfermer la communauté de MitzpeYaïr.
« Ces moutons ne sont pas vraiment là pour paître, vous voyez bien que lacolline est brune. Non seulement ce qu’ils font est mauvais pour la terre, maisce n’est pas bon non plus pour les bêtes. Elles sont trop nombreuses et ilsn’en prennent pas bien soin. » Au premier plan, juste à quelques mètres de làoù nous nous sommes, sur la colline, se trouvent les serres de la familleDoitch. Ils font pousser du céleri, du persil, du brocoli, du fenouil, de lalaitue et une large variété d’autres légumes bios qu’ils vendent à de nombreuxclients, dont la plupart se trouvent à Jérusalem et aux alentours.
Voyage aux frais des organisations de gauche
Alors que Doitch est catégoriquequant à la légitimité de Mitzpe Yaïr, « les autorités ne veulent pasreconnaître officiellement la communauté puisqu’elles sont contre laconstruction dans cette région ». Il espère toutefois que la publicationrécente du rapport Lévy, qui demande à l’Etat de reconnaître des communautésillégales comme légales, aidera à changer le statut de la région.
Michal, assise dans la salle à manger qui, par ses portesfenêtres, offrequelques-unes des plus belles vues d’Israël, donne plus de détails sur l’identitédes manifestants qui les menacent chaque semaine.
« Ce ne sont pas des gauchistes habituels, mais des anarchistes. Il s’agit d’ungroupe extrêmement bien organisé.
Ils utilisent Internet et les médias sociaux pour coordonner leurs activités. »Elle a aussi eu l’occasion de parler avec l’un de ces étudiants européens. Cedernier a pris part à une récente confrontation de Shabbat et admis devant ellequ’« il ne savait pas grandchose sur le conflit, mais était venu en Israëlparce qu’une organisation de gauche israélienne lui avait offert le voyage.
Une fois dans le pays, on avait dit à son groupe qu’en plus des visites, ilsauraient l’occasion de faire un travail important “au nom de la paix” et c’estainsi qu’on les a amenés aux manifestations. » Michal déclare fièrement quedeux de ses fils sont à l’armée et que l’un deux est commandant, et raconte quele plus perturbant et le plus effrayant dans ces manifestations est le fait queles agitateurs connaissent les noms de famille des habitants de Mitzpe Yaïr. «Quand ils viennent et hurlent notre nom, cela fait peur. Cette personnalisationrend les menaces plus dangereuses et l’on ne sait pas ce qui peut arriver. »
Dulait, du miel et du vin
Pour Avidan Ophir, chargé de l’administration de lacommunauté, l’armée devrait être plus sévère et ne pas tolérer ces provocationshebdomadaires. « C’est comme une pièce de théâtre. Les manifestants se pointentle Shabbat et semaine après semaine, l’armée débarque avec ses 10 jeeps et ses80 soldats pour former une sorte de mur de protection. Cette méthode ne résoutrien et la provocation continue. Il faut trouver une solution. » Ophir commeDoitch ajoutent que parfois l’armée est forcée de se concentrer sur MitzpeYaïr. Résultat : les manifestants en profitent pour déranger la vie d’autrescommunautés de la région, comme celle d’Avigail, située juste au nord, ainsique celles de quelques fermes alentours.
A quelques encablures de la maison des Doitch, on aperçoit clairement la villed’Arad au sud-est, les montagnes jordaniennes à l’est, et la vallée du Jourdainau-delà du désert de Judée qui s’étend sous Mitzpe Yaïr.
Du point de vue de la sécurité, il est évident que cette communauté et sesvoisines de la région sont d’une importance capitale pour tout le pays, maispour Michal, vivre à Mitzpe Yaïr représente beaucoup plus. « Il n’y a pas demot pour décrire cet endroit. Parler d’amour n’est pas suffisant pour expliquerla particularité d’habiter ici.
Nous sommes venus pour vivre plus spacieusement, et pour cultiver. Nous avonsun voisin apiculteur, un autre est viticulteur et un troisième a ouvert uneferme de produits laitiers, c’est vraiment une communauté spéciale. » Malgréles manifestants agressifs, les intentions malveillantes de quelques-uns deleurs voisins arabes, les problèmes de Mitzpe Yaïr avec la Cour suprême sur lareconnaissance légale de la communauté et les conflits sur les terrescultivables environnantes, Michal affirme ne pas être inquiète quant à l’avenirde Mitzpe Yaïr. « Toutefois, les juifs devraient commencer à se rendre compteet à affirmer que cette terre nous appartient. »
L’auteur est expert en média,journaliste freelance, et animateur à Reality Bytes Radio(www.israelnationalradio.com).