Le monde fait mine de s’étonner de voir les Frères musulmans montrerau grand jour leur haine des Juifs et de l’Etat juif. Les Etats-Unis demandentau président Morsi de clarifier des propos hautement antisémites (« les Juifssont les descendants de singes et de porcs, il faut inculquer aux enfants lahaine des Juifs »).
Essam Erian, l’un des dirigeants de la Confrérie en Egypte, appelle les Juifségyptiens vivant en Israël à revenir, pour faire place aux Palestiniens quirentreront au pays après la disparition d’Israël, un événement qui, selon lui,devrait intervenir dans les dix ans. Cette proposition n’est autre quel’expression de l’étendue de l’antisémitisme du mouvement : un Etat juif nepeut pas exister, et les Juifs ne peuvent qu’aspirer à être des citoyens deseconde classe dans les pays arabes, avec le statut de dhimmi, soumis à laCharia et à ses lois, et sous la « protection » de l’islam, aussi longtempsqu’ils acceptent ce statut.
Jadis, les Juifs égyptiens, comme les autres Egyptiens non musulmans, devaientpayer une taxe spéciale. Des voix se font entendre en Egypte pour réclamer larestauration de cette taxe abolie à la fin du XIXe siècle par un empire ottomantrès affaibli.
A la base de cette haine tenace, se trouve le refus des Juifs d’accepterl’Islam et sa supériorité sur toutes les autres religions, telle qu’elles’exprime dans la « Shahada », la profession de foi des fidèles : « il n’y apas d’autre dieu qu’Allah, et Mohammed est le messager d’Allah ».
Mohammed, le dernier prophète, est venu annoncer une ère nouvelle qui verral’islam dominer le monde par des voies pacifiques – ou par la conquête.
L’islam fait sien l’Ancien et le Nouveau Testament et Mohammed ne pouvaitaccepter le fait que les Juifs, qui avaient introduit le monothéisme dans lemonde, se refusent à le reconnaître et à accepter son enseignement. C’est laraison pour laquelle il y a beaucoup plus d’attaques contre les Juifs quecontre les Chrétiens dans le Coran, bien que les Chrétiens n’aient pas non plusaccepté l’islam.
Quantité de versets demandent que les Juifs soient humiliés et soumis, carobjets de la colère d’Allah et condamnés au feu de l’enfer au jugement derniers’ils n’acceptent pas la vraie religion (Coran 4 : 55) et les traitent dedescendants de singes et de porcs (Coran 5 : 60).
L’ami des nazis
Les Frères musulmans ont pour ainsi dire « modernisé » cettehaine séculaire, mais essentiellement passive, du Juif.
Hassan el-Banna, qui a fondé le mouvement en 1928, s’est employé à latransformer en une doctrine virulente qui s’intégrait à la fois dans son rêvede voir renaître le Califat, et dans son combat contre l’occupation britanniquede l’Egypte et l’influence grandissante de l’occident. Pour lui, les Juifsétaient partout à l’oeuvre, sapant l’islam et cherchant à étendre leur emprisesur le monde.
Les Frères adoptaient ainsi l’antisémitisme chrétien et ses méthodes, selivrant à une propagande effrénée contre les Juifs d’Egypte et lançant despogromes contre le vieux quartier juif du Caire.
De la fin des années 1930 et jusqu’à sa mort, en 1949, el-Banna a développé sesthèses dans d’innombrables écrits. Pour lui, les Juifs sont les vecteurs duchangement et de l’occidentalisation ; ils sont responsables du déclin del’occident et de l’islam. La contradiction inhérente ici ne semble pas lefrapper. Car les Frères se battent bien, pourtant, contre l’occident et sesvaleurs démocratiques qui leur sont étrangères.
Quoi qu’il en soit, el-Banna entretient une correspondance avec Hitler et faittraduire en arabe Mein Kampf sous le titre « Ma Jihad ». Les Frères sont enliaison avec les nazis : des caricatures tirées de Der Stürmer sont publiéesavec les traductions de circonstance. Ils se trouvent des alliés auprès del’importante colonie allemande qui vit alors au Caire et compte nombre d’agentsnazis. Des agents qui vont aider le nouveau parti pronazi « Miser Elfatat », lajeune Egypte, créé justement pour déstabiliser le régime et combattre lesJuifs.
Lorsque la guerre éclate, el-Banna offre sans hésiter ses services à Hitler,lui demandant en contrepartie d’aider l’Egypte à se débarrasser des Anglais etdes Juifs. L’organisation clandestine qu’il a fondée transmet ainsi auxAllemands des informations sur les mouvements des troupes britanniques.
Parmi les membres de cette organisation se trouve un jeune officier ambitieuxdu nom d’Anouar el-Sadate. Les services secrets du roi Farouk finissent parlocaliser el-Banna et le tuent en 1949.
Hitler ou la punition divine
Puis vient alors Sayeb Qutb : le théoricien de laConfrérie est celui qui va jeter les bases religieuses du combat contre lesJuifs et les grands thèmes de la propagande antisémite, souvent appelé père del’idéologie des Frères et grand-père des mouvements jihadistes d’aujourd’hui.Condamné à mort par Gamal Abdel Nasser en 1966, Qutb sera exécuté parpendaison.
Dans son livre le plus connu, « Jalons », paru deux ans avant sa mort, ilaccuse les Juifs d’oeuvrer à l’éradication de toutes les limites imposées parla foi et la religion afin de pouvoir infiltrer tous les rouages politiques etmettre en oeuvre leurs néfastes projets. Il les accuse de pratiquer l’usureafin que toutes les richesses de l’humanité tombent aux mains de leursinstitutions.
Rappelons que plusieurs années auparavant il avait écrit un pamphlet intitulé «Notre combat contre les Juifs ». Il y affirme que, depuis l’aube de l’islam,les Juifs complotent contre lui et continuent aujourd’hui encore. Il n’hésitepas à proclamer qu’il s’agit d’une véritable guerre qui fait rage depuisquatorze siècles.
Pour lui, les Juifs disposent d’une armée d’agents – professeurs, philosophes,docteurs – jusque dans les rangs des autorités religieuses islamiques. LesJuifs sont, selon lui, à l’origine du matérialisme, de ce qu’il appelle « unesexualité animale », de la destruction de la famille et même de la société. Etde citer les Juifs Marx, Freud, Durkheim et Jean- Paul Sartre (!). On pourraitcontinuer, mais la démonstration est faite. Qutb a été jusqu’à écrire qu’Allahavait envoyé Hitler pour punir les Juifs.
Les Frères ont continué et continuent l’oeuvre de Qutb. Il est impossibled’énumérer les livres, pamphlets, essais ou autres décrets religieux (fatwas)contre les Juifs.
Aujourd’hui, c’est le Sheikh Yusuf Kardawi, un Egyptien qui vit au Qatar, quiest le chef de file des théologiens de la Confrérie. Il attaque les Juifs sansrelâche ; lors d’une intervention le 28 janvier 2009 à la chaîne al-Djazi radont il est le commentateur attitré il a ainsi déclaré : « A traversl’histoire, Allah a imposé aux Juifs des peuples voulant les punir de leurcorruption… C’est Adolf Hitler qui a infligé la dernière punition. Par tout cequ’il leur a fait – même s’ils en ont exagéré l’importance – il a réussi à lesmettre à leur place. C’était une punition divine pour eux. Si Allah le veut, laprochaine sera administrée par les Croyants. »
Juifs maudits
Deux sourates duCoran – 5 : 20-25 et 7 : 130-137 – reconnaissent en termes non équivoques quela Terre Sainte a été donnée aux Juifs. Cependant, lorsque le Calife Omar elKhattab fait la conquête de Jérusalem, de la Terre Sainte et d’autresterritoires, il érige en forme de dogme que toute terre conquise par l’Islamdevra faire part du Califat pour l’éternité.
La renaissance d’Israël est donc considérée comme inacceptable par les Arabeset les Musulmans, un sentiment d’autant plus profond que ces derniers avaientpris l’habitude de considérer les Juifs comme une minorité asservie. Ils ne pouvaientadmettre la nouvelle réalité et le fait que ces mêmes Juifs aient « arraché »une partie des terres qu’ils considéraient comme appartenant à l’Islam.
Que le petit Etat juif ait réussi à affronter victorieusement les armées decinq pays arabes durant la guerre d’Indépendance de 1948-49 est considéré commeune insulte supplémentaire qui a renforcé la haine des Juifs dans la culturearabe et islamique.
En Egypte, comme dans l’ensemble du monde arabe, les termes « Juifs », «Sionistes » et « Israéliens » sont interchangeables. Les Juifs ayant étémaudits par le prophète, ils ne peuvent faire que le mal et la création del’Etat d’Israël est pire encore. Les médias en Egypte – presse écrite,télévision, radio – utilisent indifféremment « Juifs, l’ennemi sioniste, Israëlou l’entité sioniste » pour parler de l’Etat juif.
Résumons : lorsque Moubarak a pris le pouvoir, l’antisémitisme égyptienenglobait tous les éléments mentionnés ci-dessus : Islam, Arabisme, Israël enterre arabe, défaite. Moubarak n’a rien fait pour enrayer ce phénomène et lesattaques ont continué dans les médias et dans les mosquées, sous contrôle del’Etat.
Ainsi, il était interdit de critiquer le président et les forces armées, maisaussi d’évoquer la discrimination dont la minorité copte était victime. Parcontre, on pouvait vilipender les Juifs. Il y avait donc un déferlementquotidien de haine contre eux et contre Israël ; et il était entendu qu’aucuneinformation présentant les Juifs ou Israël de façon positive ne pouvait être publiée.Qu’il se soit agi d’une politique officielle ou non, le but était ladémonisation des Juifs et d’Israël et d’empêcher toute normalisation entre lesdeux pays.
Faux et usage de faux
Parmi les pratiques utilisées, la présentationtendancieuse des faits. Ainsi, après un attentat sanglant dans une discothèquebranchée de Tel-Aviv, une manchette en rouge barrait la première page duquotidien d’Etat Al Goumhuria : « Des morceaux de chair israélienne ont volé enl’air à la suite d’une opération héroïque ». Les villes israéliennes sonttoutes qualifiées de « colonies », et le récit d’une « opération fedayin dansla colonie de Haïfa » émousse l’impact d’une attaque terroriste au centre d’uneville paisible au coeur d’Israël.
On appelle les Israéliens « El Yahoud », les Juifs. Et quand Israël cherche àréfuter une accusation, on accole le terme « soi-disant », pour bien montrerque la version n’est pas acceptée.
Autre phénomène : des éditoriaux accusent régulièrement les Juifs de tous lespéchés du monde et plus particulièrement de traîtrise envers l’Egypte, via une« infiltration en Afrique pour tourner les Africains contre l’Egypte ». Ils’agit là de rendre les Juifs responsables du différend qui oppose Le Caire auxpays du Haut-Nil quant à la répartition des eaux de ce fleuve vital.
D’autres éditos expliquent que l’existence d’Israël est illégale et que ce paysdoit être rayé de la carte. Le négationnisme est aussi courant, sous diversesformes ; soit la Shoah n’a pas eu lieu, soit il y a bien eu quelque chose, maisc’était mineur, et les Juifs gonflent les chiffres pour exploiter l’événement.
Et dans tous les cas, les Juifs sont pires aujourd’hui que les nazis (le 27janvier 2013, Fox News a rapporté qu’un proche assistant du président Morsiavait déclaré que les six millions de Juifs prétendument assassinés avaient étéen fait transférés clandestinement aux Etats-Unis).
Des caricatures représentent régulièrement des femmes palestiniennes et despetits enfants, face à des soldats israéliens qui les menacent de leurmitraillette ; les soldats sont bottés et leur casque frappé de la svastikapour bien montrer qu’ils sont aussi féroces que les nazis.
D’autres caricatures montrent des Juifs pratiquants au nez crochu égorgeant desenfants palestiniens. Et quantité de livres, de films et de séries téléviséesse basent sur les Protocoles des Sages de Sion, un faux notoire, où l’onprésente des Juifs monstrueux ; les livres d’auteurs négationnistes comme RogerGaraudy ou David Irwing font l’objet de nombreuses rééditions.
Enfin utilisation des versets du Coran et des Hadith pour démontrer lesturpitudes et la traîtrise des Juifs et la façon dont ils ont attaqué Mohammedet l’islam et rappeler le sort qui les attend au Jugement Dernier.
De plus en plus ciblés par les Frères
Il serait impossible de minimiserl’impact de ces mesures sur une opinion publique égyptienne privéed’informations objectives et réduite à accepter une image faussée. Lesprotestations répétées du gouvernement israélien n’ont pas abouti, les Egyptiensrépliquant que la presse est libre.
Trois exemples encore : lorsque le pape Jean-Paul II s’est rendu en visite enEgypte, en février 2000, le 26 février un éditorial vengeur du quotidien enlangue anglaise Egyptian Gazette (qui appartient au gouvernement égyptien)accusait l’Eglise d’avoir cédé au chantage israélien appuyé par l’Amérique, enpubliant dans Vatican II un document « acquittant les Juifs de la mort de Jésus».
Puis en 2009, un « historien » inconnu jusqu’alors, Abdel Wahab el Messiri, publieson « Encyclopédie des Juifs, du Judaïsme et du Sionisme », somme de 3 000pages en huit volumes. Lors d’une intervention télévisée, il s’explique : il aentrepris ce vaste travail pour démontrer que le peuple juif n’existe pas. Lamême année le président Moubarak lui octroie un prix spécial pour cet effort.
Enfin, lors de la visite de Shimon Peres en 2001, un photomontage paru dansl’hebdomadaire Al Arabi (de tendance nassériste) le représente en uniforme dela Gestapo.
Malheureusement la chute de Moubarak n’a pas apporté le changement espéré. Defaçon paradoxale, les manifestants brandissaient des portraits du président,frappés de l’étoile de David, pour montrer qu’il n’était qu’un pantin aux mainsdes Juifs ! La journaliste américaine Laura Logan a été attaquée place Tahrirpar une foule enragée, la traitant de juive.
Les Juifs et Israël se sont vus de plus en plus ciblés au fur et à mesure queles Frères musulmans prenaient la tête de la révolution, tandis que l’Occident,aveuglé par ce qu’il voyait comme un printemps d’espoir et de démocratiehésitait à en parler.
Vers le rétablissement du califat ?
En janvier 2012, un effort concerté desFrères a ainsi porté ses fruits : le pèlerinage sur la tombe d’Abou Hatsira, unsaint homme juif qui repose dans un petit village du delta non loind’Alexandrie a été annulé. Ce pèlerinage attirait des Juifs du monde entier. Uncertain Gamal Hashmet, qui venait d’être élu au parlement sur la liste du partides Frères musulmans « Justice et liberté » avait proclamé qu’il serait «suicidaire » pour les Israéliens de venir. Et ajouté que « le problème d’AbouHatsira est celui d’un peuple qui rejette la normalisation (avec Israël) et laprésence de quelque sioniste que ce soit sur le sol égyptien… Personne ne peut forcerles habitants de cette région à accepter la normalisation. » Le Conseil Suprêmedes Forces Armées, alors au pouvoir, avait donné instruction à toutes lesreprésentations égyptiennes dans le monde de ne pas délivrer de visas pour lepèlerinage.
Maintenant que le parti « Justice et Liberté », la branche politique desFrères, est aux commandes, l’antisémitisme qui est au coeur de leur doctrineest devenu l’idéologie du régime. Il y a bien un fil conducteur de Moubarak àMorsi, mais aujourd’hui l’impact se fait beaucoup plus sentir.
Les dirigeants religieux, forts du soutien du gouvernement, envisagentl’élimination de l’Etat juif dans un proche avenir comme première étape vers lerétablissement du califat.
Ils tonnent jour après jour contre les Juifs du haut de leur chaire, dans lesmosquées ou dans la presse.
Depuis son élection Morsi prend soin de ne pas dire tout haut sa hained’Israël, et quand on lui rappelle certaines déclarations outrancières, commecelle citée par le New York Times le 14 janvier 2013 dont il sera question plusloin, il réplique que ces propos ont été sortis de leur contexte.
Combattre la judaïsation de Jérusalem
Pour leur part, les Frères n’avaient pasattendu. Déjà, lors de la campagne pour les élections au parlement ils avaientorganisé le 25 novembre 2011 une manifestation de masse à l’université al-Azhar« pour combattre la judaïsation de Jérusalem ». Ce jour-là, cinq millemanifestants avaient entendu Cheikh al-Azhar – qui n’appartient pas à laConfrérie des Frères musulmans – les avertir que les Juifs menaçaient lamosquée al-Aqsa, ajoutant : « Nous ne les laisserons pas judaïser al-Quds », etdéclarant que depuis l’aube de l’islam les Juifs s’étaient employés à entraînerles partisans de Mohammed dans une guerre civile et que désormais ilss’efforçaient d’éviter l’union de tous les Musulmans. » Les représentants desFrères présents avaient même lancé un appel au Jihad pour libérer la Palestineet cité la célèbre Hadith : « Le jour viendra où nous tuerons tous les Juifs etles arbres et les pierres même s’écrieront : il y a un Juif derrière moi, viensle tuer ! » Il y avait eu là l’une des plus grandes démonstrations de la hainedes Frères pour les Juifs à l’époque actuelle.
Malgré sa prudence Morsi avait lui-même prêté serment de délivrer Jérusalempendant une réunion électorale à Sharm el-Sheikh et avait paru écouter avec laplus grande complaisance les diatribes enflammées du clergé contre les Juifs etIsraël dans d’autres réunions.
Lors d’un grand meeting dans la ville de Mahalla, un prédicateur fanatique,cheikh Safwat Hegazy a répété plusieurs fois avec emphase que Morsi allaitréaliser le rêve de la restauration du califat et que « les Etats unis arabes »seront bientôt constitués et que leur capitale ne sera ni La Mecque, ni Médine,mais bien Jérusalem.
Dans la déclaration publiée par le New York Times, évoquée plus haut, Morsiavait appelé à « nourrir nos enfants et nos petits-enfants de la haine « pourles Juifs et les Sionistes ».
Toujours selon le New York Times, Morsi avait, lors d’une interventiontélévisée quelques mois plus tard, qualifié les Sionistes de « gens assoiffésde sang qui attaquent les Palestiniens, ces fauteurs de guerre, descendants desinges et de cochons. »
La guerre au Soudan ?
L’oeuvre des Juifs Dès lelendemain de son élection, on assiste à une recrudescence des attaques contreles Juifs dans les médias, que ce soit de la part d’intellectuels, dejournalistes ou de religieux. On peut trouver les plus extrêmes sur le site del’Institut de recherche sur le Moyen-Orient (MEMRI). La Confrérie faitouvertement la promotion de ses objectifs doctrinaires tout en laissantostensiblement le président gouverner « avec pragmatisme ».
En fait, tous les membres du parti Justice et Liberté sont des cadres supérieursde la Confrérie. En octobre dernier, le chef de ce mouvement Mohammed Badie,fort du titre de Guide suprême, a repris la tradition de cours de Coran et deCharia tous les mardis, inaugurée par Hassan el-Banna et qui avait étéabandonnée après sa mort.
Lors de l’une des toutes premières leçons, il a demandé à tous les Musulmans deconquérir Jérusalem par le jihad étant donné que selon lui cet objectif nepourrait être accompli par la négociation ou grâce aux Nations unies, ajoutantqu’il s’agissait d’une obligation pour tous les Musulmans. A cette occasion ila prétendu que « Les Juifs ont dominé la terre, répandu la corruption dans lemonde, versé le sang des fidèles et profané par leurs actions les Lieux Saints,y compris les leurs. » Quelques mois plus tôt, en juin, il avait dit : « Allahnous a avertis de la traîtrise des Juifs et de leur rôle dangereux enprovoquant des guerres. La guerre au Soudan et la partition de ce pays sontl’oeuvre des Juifs, tout comme le conflit entre Ramallah et Gaza. » La hainedes Juifs prend parfois de curieuses formes. Ainsi « Justice et Liberté »,l’organe officiel du parti de ce nom, citait le 5 novembre un vénérable cheikhqui aurait avancé : « Si le destin de l’islam avait été de disparaître dumonde, il aurait disparu le jour où est montée l’étoile de ce Juif mauditAtatürk qui a commis le plus grand crime contre le califat….
Mais cela ne s’est pas produit, car le califat illumine encore le coeur desMusulmans. »
Dans le préambule des Dix Commandements
On a beaucoup parlé desJuifs pendant la campagne du référendum sur la constitution. Le prédicateur del’une des plus grandes mosquées des faubourgs du Caire a appelé les fidèles àvoter oui « car les Juifs essayent de détruire l’Egypte en versant d’énormessommes d’argent aux Egyptiens pour les faire voter contre la constitution ».
Toujours en 2012, des ouvrages dont la couverture annonçait le caractèreviolemment antisémite étaient exposés dans le pavillon égyptien à la foire dulivre de Francfort – la plus importante du monde de l’édition. Le centreWiesenthal a protesté, mais rien n’a été fait.
A cours de l’été, le quotidien Al-Masri Al-Yom a publié une série d’articles –sept en tout – sur ce que son auteur, le Dr Noha Alzini, appelle « le secondexode des Juifs d’Egypte – vérité et illusion ». Elle prenait comme point dedépart le best-seller de Lucette Lagniado « L’homme au complet blanc », quiretrace le destin d’une famille juive forcée à l’exil dans les annéescinquante, et qui a erré de France aux Etats- Unis se sentant partoutétrangère.
Déjà en Egypte, bien que son père se considérait comme faisant partie de lasociété égyptienne, elle-même ne connaissait pas l’Arabe et se sentaitétrangère ; en France on la traitait d’Egyptienne et aux Etats-Unis on luidisait qu’elle venait d’un pays sous-développé.
Là est, selon Alzini, la base de cette haine ressentie envers les Juifs et cesont eux qui portent la responsabilité de leur deuxième sortie d’Egypte. Ellecite l’ouvrage du professeur Rashad al-Shami qui enseigne la littératurehébraïque à l’université Ein Shams : « La personnalité juive israélienne etl’esprit d’agression », où il démontre que cette personnalité a été formée parun sentiment d’infériorité.
C’est dans le préambule des Dix Commandements que al- Shami trouve la preuve desa théorie en utilisant ce qu’il appelle les principes de la psychanalyse : «Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte et del’esclavage » Exode 20 : 2 ; et plus tôt « J’ai vu la misère de mon peuple quiest en Egypte, j’ai entendu son cri devant ses oppresseurs, oui je connais sesangoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens. » Exode3 : 7-10.
En d’autres termes, les Juifs ont toujours été humiliés et persécutés, ce qui aformé leurs caractéristiques malveillantes.
Haine sans limite
Il existe un autre facteur, selon le professeur : lespersécutions subies lors de l’exil de Babylone et plus tard les massacresperpétrés par les Romains. En conséquence, tout ce qu’il y avait de fort et decombattant chez les Juifs a été éliminé, ne laissant que la couardise qui aformé leur psyché : soumission, servilité, dépression les conduisant à setourner vers le mensonge, la fraude et la ruse pour arriver à leurs fins.
Le distingué professeur en conclut que ce sont les Juifs euxmêmes qui doiventêtre blâmés pour leur second exode d’Egypte. Alzini s’étonne de sa mère quiavait l’habitude de lui montrer sur une photo de classe « sa bonne camarade lajuive Odette ». « Comment peut-on dire d’un Juif que c’est un ami ? C’est commesi on disait que l’hiver est chaud ou qu’on parlait d’un noble voleur. » Onpeut encore trouver une expression de cette haine sans limite dans un épisoded’août 2012. Iman Kandil, un acteur célèbre, avait été invité dans un studio detélévision pour ce qu’il croyait être une interview à la télévision allemande.
La charmante speakerine qui l’accueille lui annonce qu’il s’agit en fait de latélévision israélienne. C’est bien entendu faux, c’est un canular. Sans attendrel’explication, Kandil explose, projetant la jeune femme sur le mur enl’insultant violemment jusqu’à ce qu’il réalise qu’il s’agit d’une blague.
Il ne s’est pourtant pas excusé et fera porter la faute sur la jeune femme. Unescène semblable se déroulera avec une actrice qui se mettra à hurler « qu’Allahavait maudit les vers et les mites, comme il avait maudit les Juifs ».
Antisémitisme et haine d’Israël font désormais partie de la culture égyptienne,sans qu’il n’y ait de véritable différence entre laïcs et religieux.Malheureusement, compte tenu de la montée de l’islam tant dans les pays arabesqu’en Occident, on ne peut s’attendre à ce que la situation s’améliore – àmoins, bien sûr, que l’Occident ne se décide enfin à voir ce qui se passe et àagir.