L’ancrage de la Bible chrétienne dans la Bible juive

La Bible chrétienne veut démontrer qu’elle est annoncée par la Bible juive : les évangélistes connaissent les usages et textes juifs, et les utilisent pour en déduire des événements christiques

Plateau du Seder (photo credit: DR)
Plateau du Seder
(photo credit: DR)

Le mot « Pessa’h » ou « Pâque » (sans « s ») désigne la fête juive commémorant la miraculeuse sortie des Hébreux de leur esclavage d’Egypte. Elle dure une semaine, dont des jours fériés en son début et à sa fin, pendant laquelle les Juifs n’y consomment que des aliments sans levain. « Pâque » vient de l’Hébreu puis du latin « pasqua » lié au « passage » de l’ange de la mort au-dessus des maisons des Hébreux avant leur libération. Jusqu’au Moyen Age on utilisait indifféremment « Pâques » et « Pâque ».

Les rituels festifs juifs et chrétiens de Pessa’h et Pâques

Du temps du Temple, les particuliers, au son du Shofar, de la flûte et des chants des psaumes du Hallel, immolaient leur agneau pascal au Temple, destiné à être consommé par groupe d’une dizaine de personnes selon un rituel proche de l’actuel Seder.

Celui-ci comprend : le repas, les quatre coupes de vin, les prières de la Hagada ainsi que les psaumes du Hallel. On procède au lavage des mains ainsi qu’à la consommation d’herbes amères trempées dans l’eau salée et d’une sorte de pâte de fruits (en souvenir de l’amertume et du mortier de l’esclavage égyptien). « L’afikoman » est consommé en fin de repas (simple matsa, symbole de l’agneau rôti consommé au temps du Temple). Les journées fériées sont consacrées aux prières, à l’étude et aux repas festifs.
Les événements que commémorent les « Pâques » chrétiennes sont fondateurs du christianisme car les Evangiles situent le procès et l’agonie de Jésus autour du vendredi pascal juif à Jérusalem et sa résurrection le dimanche suivant. Le jeudi soir comprend des lectures bibliques liées à la sortie d’Egypte. Le vendredi est jour de deuil avec des processions rappelant le chemin de croix de Jérusalem. Le samedi saint est un jour d’attente et de recueillement. Le dimanche pascal est le sommet de la fête, avec sa messe et son Eucharistie (reprenant le rite du Kidoush juif en en transfigurant la signification) liées à la résurrection. La Cène désigne le dernier repas de Jésus avec ses disciples, probablement un Seder. Elle tire son nom du latin « postquam coenavit » de I Corinthiens (11, 24).

Les tentatives chrétiennes d’ancrage de Pâques sur la Bible juive

L’Eglise a systématiquement substitué aux significations principales de la Pâque juive, des fondements de sa foi célébrés à Pâques.

La liberté spirituelle gagnée par les Hébreux lors de leur sortie d’Egypte est ainsi transfigurée par la liberté de l’esprit par rapport au corps associée au sacrifice christique.
Le sang de l’agneau pascal protège physiquement les Hébreux de la mort des premiers-nés comme le sacrifice de Jésus protège les humains. A l’agneau pascal consommé à Pessa’h, les chrétiens substituent donc la crucifixion de leur vendredi saint (« tout est consommé » selon les Evangiles).
L’Eglise reprend l’idée de l’élimination du levain par les Juifs, symbole de gonflement, donc de péché, dans le sacrifice de Jésus protégeant les humains desdits péchés, car il les assume tous, lors de son samedi saint.

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A la renaissance de la nature avec ses premiers fruits, célébrée par la fête du printemps à Pessa’h, les chrétiens substituent la résurrection de Jésus avec son message, fêtée à l’occasion du dimanche saint de Pâques. D’autres éléments de la Bible juive sont « repris » par les Evangélistes pour étayer la « bonne nouvelle » chrétienne.
La date de la crucifixion de Jésus coïncide avec celle du sacrifice avorté d’Isaac !
Jésus, après les quatre coupes de vin de la Cène, boit lors de son exécution, le vin tourné qui lui est présenté. Cela correspondrait à la consommation messianique de la cinquième coupe de vin du Seder, mise en attente par les Juifs à cet effet.
Les cinq jours de la Bible séparant la sélection de l’agneau pascal de son sacrifice sont transformés par les textes chrétiens en cinq jours de préparation de Jésus avant son exécution depuis son arrivée à Jérusalem.
Zacharie (IX, 9) annonce l’arrivée du Messie sur un âne, dans la continuité d’autres héros bibliques juifs, eux aussi approchant à dos d’ânes : Isaac gravissant le mont Moriah, les bergers Moïse exhortant Israël ou David son futur Roi. Les quatre Evangiles se doivent alors de provoquer l’arrivée de Jésus sur un âne. Afin d’accomplir l’annonce de Zacharie de la venue messianique à « la fête des Tabernacles » (XIV, 16), les Evangélistes décrivent l’accueil de Jésus par ses disciples sur des tapis de palmes évoquant les palmes des « Tabernacles ». 

Félix Perez est notamment l’auteur de « Origines juives des fêtes chrétiennes » (Editions Convergences), ancien secrétaire général du Bné Akiva et directeur de l’Association pour l’intégration des étudiants juifs de France (Ajeclap).

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