Abbas nage en eaux troubles

Les déclarations du leader palestinien sur le “droit au retour” ont suscité un tollé dans son propre camp.

0711JFR05 521 (photo credit: Reuters)
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Même lui ne s’yattendait pas. Le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas n’avaitpas l’air de savoir qu’il ouvrait une boîte de Pandore en déclarant vendredidernier qu’il ne souhaitait pas retourner dans sa ville natale de Safed, etqu’un futur Etat palestinien se dressera uniquement en Judée et Samarie, dansla bande de Gaza et à Jérusalem-Est. Ses remarques, formulées durant uneinterview accordée à Aroutz 2, ont provoqué une vague de critiques sansprécédent parmi les Palestiniens et les Arabes.
Abbas est accusé “d’avoir cédé le droit au retour” de millions de réfugiéspalestiniens.
Certains de ses rivaux politiques sont allés jusqu’à qualifier ses propos de“haute trahison”. Le leader a surtout été surpris par le fait que les fortescondamnations ne sont pas venues uniquement du Hamas et autres groupesradicaux, mais de Palestiniens ordinaires et voire de certains de ses alliés àl’OLP.
Cette vaste contestation prouve surtout que les Palestiniens restent fermementopposés à toute concession envers Israël, en particulier concernant le “droitau retour” au sein de l’Etat hébreu. Abbas ne peut toutefois s’en prendre qu’àlui-même. Il répète depuis des années que le “droit au retour” est sacré etqu’il s’agit d’une “ligne rouge” qu’aucun Palestinien ne devrait oser franchir.Il a lui-même assuré à plusieurs reprises que le leadership palestinien neremettrait jamais en cause “ce droit sacré”.
Mais en dépit de ces assurances, la position d’Abbas sur la question sembledésormais trouble.
A la solde des Israéliens

Mahmoud Abbas aégalement été critiqué pour avoir assuré qu’une troisième Intifada n’auraitjamais lieu sous son mandat. Il n’en fallait pas plus pour qu’on le traite de“soustraitant” au service de l’establishment militaire israélien en Judée etSamarie.

Depuis, le dirigeant s’est réfugié dans une stratégie de contrôle des dommages,face à une grogne croissante contre lui et sa politique.
Dans une série de communiqués publiés au cours du week-end, Abbas a vivementdémenti avoir abandonné le “droit au retour”. A en juger par sa réaction, on envient même à penser qu’il regrette son interview à la chaîne israélienne.
Son porte-parole, Nabil Abou Rudaineh, a tenté d’expliquer que l’entretienétait principalement destiné à “affecter l’opinion israélienne”. En d’autrestermes, il dit aux Israéliens ce qu’ils ont envie d’entendre - à savoir que lesPalestiniens ne retourneront pas dans leurs anciens foyers en Israël. Et Abbasd’accuser le Hamas de déchaîner l’opinion contre lui. Il se présente comme lavictime d’une “conspiration” conjointe du Hamas et du gouvernement israélienpour torpiller ses efforts à l’ONU le mois prochain. Le dirigeant de l’AP a eneffet prévu d’appuyer sa candidature en tant qu’Etat observateur permanent, unefois passée l’élection américaine.
Les explications n’ont toutefois pas semblé convaincre. Les leaders etpolitiques israéliens qui se sont précipités pour louer les déclarationsd’Abbas ont-ils conscience du tort encore plus considérable qu’ils lui causent? D’après de nombreux Palestiniens, Abbas n’a plus la légitimité nécessairepour faire des concessions à Israël au nom du peuple, en particulier sur laquestion si sensible des réfugiés.
La polémique montre qu’ils sont nombreux, également, à s’opposer à l’initiativeonusienne de leur dirigeant. Car Abbas a l’intention de demander lareconnaissance d’un Etat dans les “seules” frontières pré-1967. Une idéerejetée par beaucoup de Palestiniens et d’Arabes qui veulent libérer “laPalestine toute entière”. La démarche pourrait donc revenir comme un boomerangdans le camp d’Abbas et contribuer à accentuer les divisions entrePalestiniens. Une chose est sûre : le tollé soulevé par les déclarations prouvequ’aucun leader palestinien n’a aujourd’hui l’assentiment populaire pour fairedes concessions à Israël.

La classepolitique encore divisée

La gaucheapplaudit et la droite critique les propos d’Abbas. A quelques semaines duscrutin, les accusations vont bon train.

TOVAH LAZAROFF

Dimanche 4novembre, la classe politique israélienne toute entière réagissait aux proposde Mahmoud Abbas, diffusés sur la deuxième chaîne. Et les opinions sebousculent à quelques semaines du scrutin.


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Le Premier ministre Binyamin Netanyahou et les élus de droite ont critiquéAbbas qui a appelé à la reprise des négociations, sur la base des lignespré-1967.
Ehoud Olmert et Tzipi Livni, respectivement ancien Premier ministre et ancienneministre des Affaires étrangères, ont quant à eux confirmé que les déclarationscorrespondaient aux positions que le leader de l’AP occupait durant lespourparlers qui se tenaient de leur temps.
Abbas a semblé renoncer au “droit au retour” pour les réfugiés palestiniens etleurs descendants. Selon Olmert, l’ancien président américain George Bush et sasecrétaire d’Etat Condoleezza Rice connaissaient déjà cette position. Mais sousle mandat de Bibi, a continué l’ancien chef de Kadima, les négociations ont étégelées. “Le gouvernement a pris des mesures pour renforcer le Hamas etaffaiblir l’AP, un corps qui épouse la non-violence et les négociations pour lapaix”, a ajouté Olmert. “Cette politique à l’égard du seul partenaire de paixentre nous et les Palestiniens est irresponsable et contraire aux intérêts vitauxd’Israël.
L’interview donnée par Abbas est la preuve que nous avons quelqu’un à quiparler afin de mettre un terme à ce conflit sanglant entre nos deux nations,qui dure depuis trop longtemps”, a conclu celui qui n’a pas encore décidé deson retour en politique.
“Menteur”

Dimanche, lors duconseil ministériel hebdomadaire, Binyamin Netanyahou a minimisé l’importancedes déclarations d’Abbas. “Abbas a d’ores et déjà battu en retraite surcertains de ses commentaires”, a-t-il lancé. “L’entretien ne fait que confirmerl’importance des négociations sans conditions préalables. De façon générale, siAbou Mazen est sérieux dans ses propos, en ce qui me concerne nous pouvons nousmettre à la table des négociations dès à présent. Jérusalem n’est qu’à 7 minutesde Ramallah. Je suis prêt à commencer dès aujourd’hui”, a indiqué le Premierministre.

Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman a de son côté réagi entraitant Abbas de “menteur” et l’a accusé d’interférer dans l’électionisraélienne. “Abbas intervient au bénéfice de la gauche, de Shelly Yacimovich(Avoda) et de Zehava Gal-On (Meretz), qui représentent les intérêtspalestiniens en Israël”, a déclaré le leader d’Israël Beiteinou à la radiomilitaire. “Comparons ces dernières déclarations à ce qu’il a dit il y a deuxmois seulement devant l’Assemblée générale de l’ONU, ou encore l’année dernièreà New York. Ou à ce qu’il dit en arabe et pas en anglais”, a proposé lediplomate.
Et de rappeler qu’Abbas a récemment qualifié les actions israéliennes de “volde territoires” et de “crimes contre l’humanité”, tout en comparant lesterroristes palestiniens à des “héros”. Liberman a conclu que le chef de l’APn’avait pas renoncé au droit au retour et n’avait pas l’intention de le faire.
Un certain nombre d’élus Likoud ont également critiqué Abbas et Olmert. Leministre de l’Education Guideon Saar a accusé l’ancien Premier ministre d’avoircompliqué les négociations pour Israël en faisant une offre excessive auxPalestiniens lors de son mandat, y compris un retour aux lignes de 1967 et ladivision de Jérusalem.
Et Saar d’ajouter qu’il est “scandaleux qu’Olmert n’ait pas élevé la voix uneseule fois contre Abbas devant son refus délibéré de négocier durant ces quatredernières années”.
Du côté du centre-gauche, le ministre de la Défense Ehoud Barak a défendu Abbasau micro de la radio militaire. Il a assuré, avec un brin d’humour, que si leleader palestinien “n’est pas prêt de rejoindre Likoud Beiteinou ou lesmouvements de jeunesse sionistes, parce qu’il reste le leader de l’AP, il estfaux de dire que nous n’avons pas un partenaire en Abbas”.
Dans une interview accordée à la deuxième chaîne, dimanche soir, Tzipi Livni ablâmé Netanyahou pour l’absence de confiance entre les deux camps ces quatredernières années, et a avancé pour preuve l’avalanche de critiques prononcéespar le gouvernement en place depuis vendredi soir. “Quiconque souhaitepréserver un Etat juif, sauf et démocratique, y compris à droite, doitaccueillir favorablement ce qu’a dit Abbas au cours de cette interview. Asavoir qu’il souhaite mettre un terme au conflit sur la base de la solution àdeux Etats”, a-t-elle martelé.