De nos jours, le conflit entre les Palestiniens et Israël sejoue simultanément sur plusieurs fronts.
C’est le résultat du changement de stratégie visà- vis de l’Etat hébreu, opérépar l’actuel gouvernement de l’Autorité palestinienne en 2008, sous la houlettede l’« Organisation de stratégie palestinienne », qui le conseille.
Les grandes lignes qui ont jeté les bases de cette nouvelle stratégie politiqueont été exposées dans un rapport intitulé « Reprendre l’initiative », et publiécette même année par cette organisation. Ce rapport conseille l’abandondéfinitif de toute normalisation du modus vivendi, né des négociations initiéesentre 1988 et 2008. Il recommande que la terreur (appelée « résistance » parl’Organisation) prenne un nouveau visage et soit remplacée par un système denuisance plus sophistiqué, qui représenterait « une menace encore pluspuissante ». C’est ce document qui a été le prélude au blocage de toutecoopération dans de nombreux domaines et aux campagnes de boycott.
D’autres acquis sont à mettre sur le compte de cette nouvelle stratégie. D’unepart, susciter le soutien actif de tiers qui ne sont pas partie prenante duconflit, et d’autre part, faire en sorte que le narratif palestinien et sonpoint de vue soient dominants dans toute discussion sur le « projet nationalpalestinien ».
La guerre cognitive, qui est une forme de propagande, est devenue un élémentclé du succès palestinien dans sa tentative d’obtenir le soutien de tiers. Ladésinformation sur les implantations israéliennes en Judée-Samarie est une desvictoires emblématiques de cette campagne. Car aujourd’hui, dans sa largemajorité, l’opinion publique mondiale est convaincue que les implantationsisraéliennes sont le principal obstacle à la paix.
Ce narratif palestinien qui s’impose comme le discours dominant sur la scèneinternationale est ainsi le seul retenu dès lors qu’il est question du conflitisraélo-palestinien.
Il s’exprime dans des domaines très variés et l’enjeu hydraulique enJudée-Samarie, par exemple, est assez symptomatique de cette nouvellestratégie.
La communauté internationale a été délibérément fourvoyée par la propagandepalestinienne sur les questions de l’eau. A ce jour, tout ce qui a été écritsur le sujet est majoritairement calqué sur le discours palestinien. Quant aupoint de vue israélien, il s’exprime rarement et quand bien même il estcommuniqué, il n’est de toute façon quasiment pas entendu.
La politisation de la guerre de l’eau
C’est dans ce contexte qu’une thèse deLauro Burkart – étudiant Suisse diplômé de l’Institut de hautes étudesinternationales et du développement à Genève –, intitulée La politisation desaccords d’Oslo sur la question de l’eau, attire l’attention, par l’éclairageétonnamment précis et impartial qu’elle apporte sur la prétendue pénurie d’eaudans les territoires gérés par l’Autorité palestinienne.
Burkart a interrogé de nombreux acteurs clés de ce conflit qui tourne autour del’or bleu, tant du côté palestinien que du côté israélien, et interviewé aussibien des représentants d’ONG que de pays donateurs. Il a également examiné denombreux documents originaux, tels que les procès-verbaux des réunions duComité israélo-palestinien de gestion de l’eau.
Voici quelques-unes des conclusions majeures de sa thèse : • Les objectifs del’accord Oslo II dans le domaine de l’eau ont été atteints en ce qui concerneles quantités d’eau fournies à la population palestinienne (178 millions dem3/an en 2006).
Cet accord prévoit que la demande pourrait aller jusqu’à 200 millions de m3/an.
• Ce Comité a bien fonctionné les premières années qui ont suivi la signaturede l’accord, mais depuis 2008 la coopération est au point mort.
• La propagande palestinienne et la communication sur la question de l’eauauprès des organisations internationales et des bailleurs de fonds concernantles vraies raisons de la pénurie de l’eau en Judée-Samarie est mensongère.
Et Burkart de noter : « Ce n’est pas la politique d’occupation israélienne,mais la résistance politique palestinienne qui refuse de coopérer dans ledomaine de la gestion de l’eau, qui doit être tenue pour responsable duralentissement du développement du secteur de l’eau dans les territoires soustutelle palestinienne, à l’origine de la détérioration sanitaire pour affirmerses dires, il souligne qu’« il y a des preuves évidentes de la mauvaise gestionau sein de l’“Autorité palestinienne de l’eau” ».
Un mécanisme pour la collecte de fonds
Il cite par exemple l’ONGpro-palestinienne Aman, qui confirme qu’il n’y a « pas de séparation juridiqueclaire entre le politique et l’exécutif au sein des institutions palestiniennesqui gèrent la question de l’eau. A ce jour, aucune loi relative à la gestion del’eau n’est réellement appliquée. En outre, le Conseil national de l’eau seréunit peu, voire pas du tout, et tout porte à croire qu’il est hautementdysfonctionnel.
Bien que l’Autorité palestinienne de l’eau ait entrepris un processus deréformes institutionnelles en réaction aux critiques internationales émanantpar exemple de la Banque mondiale, cela n’a résolu en rien le problème de lamauvaise gestion qui règne au sein de l’institution. Pour le chef de laPalestinian Hydrology Group, la réforme mise en place n’est rien d’autre qu’un« mécanisme pour la collecte de fonds ».
D’autre part, l’Autorité palestinienne de l’eau n’a pas réussi à s’implanterdans nombre de municipalités des territoires sous son contrôle exclusif, quisont gérés de manière autocratique et antidémocratique. Les notables qui sontaux commandes du pouvoir veulent garder la mainmise sur l’approvisionnement del’eau, et par là même, le contrôle des fonds municipaux qui y sont alloués. Enconséquence, l’approvisionnement en eau n’est pas centralisé et le foragesauvage, bien qu’illégal, est largement répandu.
Et le fait que l’Autorité palestinienne paie la plupart des factures d’eau desPalestiniens n’incite pas la population à l’économie et entraîne uneconsommation irraisonnable de cette ressource, tant dans son utilisationdomestique que dans le domaine agricole.
Burkart a également interviewé le Dr Shaddad Attili, chef de l’Autoritépalestinienne de l’eau, en poste depuis 2008, qui gère les droits auxressources en eau des Palestiniens. Attili, est un membre du Fatah, responsablede la fin, de facto, de la coopération avec Israël. L’objectif étant derenforcer son mouvement après la victoire du Hamas aux électionspalestiniennes.
Cette politique porte préjudice à la population palestinienne dont les intérêtssont marginalisés et qui souffre réellement de pénuries d’eau.
Pour Burkart, c’est grâce à des fonds généreusement alloués par des donateursqu’Atili peut financer sa stratégie de noncoopération, responsable du gel totaldes négociations sur l’eau ces cinq dernières années.
Les offres généreuses d’Israël
L’une des conséquences de ce refus de coopéreravec Israël est que la quasi-totalité des 52 millions de m3 d’eaux uséesgénérées par la population palestinienne, se répand anarchiquement en Israël eten Judée-Samarie, sans être traitée, et contamine les nappes phréatiquescommunes. Ce qui n’empêche pas les Palestiniens de tenir Israël pourresponsable et de l’accuser de bloquer le développement de leursinfrastructures de traitement des eaux usées. Et ce, alors qu’il est prouvé quedes fonds étrangers, alloués au traitement et au recyclage des eaux uséespalestiniennes, ont déjà été versés et investis par Israël.
L’Autorité palestinienne, cependant, n’a pas pris de mesures suffisantes pourassurer la viabilité de ces infrastructures.
Et incrimine Israël, accusé d’être responsable de cette catastrophe sanitaireet écologique, en exigeant un niveau anormalement élevé de qualité dutraitement d’assainissement (BOD 10/10). Alors que les accords signés par lesdeux parties en 2003, convenaient d’accéder à ce niveau par paliers etprévoyaient de commencer pour y accéder par un taux de 20/30 BOD.
Suite à une réunion en novembre 2011 entre le colonel Avi Shalev del’Administration civile et les responsables de l’« Autorité palestinienne del’eau », sur la mise en oeuvre de projets de construction d’approvisionnementen eau pour les Palestiniens, Israël a offert de financer un système detraitement des eaux usées pour les communautés palestiniennes de Judée-Samarie.Les Palestiniens, n’ont pas donné suite au projet.
Une autre solution pour remédier à la pénurie d’eau dans les territoires,serait le dessalement de l’eau de mer. Pour aller dans ce sens, Israël a offertaux Palestiniens de construire une usine de dessalement à Hadera au sud deHaïfa, puis d’acheminer cette eau pour alimenter le nord de la Judée- Samarie.Les Palestiniens ont rejeté cette solution, car cela donnerait un pied à Israëlsur une position stratégique en amont de la Judée-Samarie. Mais une autreraison de ce rejet est à mettre sur le compte de la promotion de leurs droitssur les ressources naturelles en eau, dans la mesure où ils revendiquent undroit de propriété sur les réserves aquifères des montagnes.
Le laxisme de l’Europe
Attili a même retiré une équipe d’experts palestiniens quitravaillaient à un programme de dessalement en Israël, au motif qu’Israël avaitdétruit unilatéralement un certain nombre de puits construits illégalement enJudée-Samarie.
Un autre exemple de sa campagne de propagande antiisraélienne.
Après qu’Attili se soit plaint de la destruction de ces puits dans une lettreadressée à la communauté internationale, Israël a affirmé que cette décisionavait été prise conjointement par les deux parties siégeant au Comitéisraélo-palestinien de la gestion de l’eau. Israël a adressé plusieurs rappelsà l’Autorité palestinienne de l’eau pour réitérer la décision prise par leComité israélo-palestinien de la gestion de l’eau et l’a sommé d’exécuter cetarrêt. Rappel resté lettre morte. Quatre ans plus tard, Israël a pris ladécision d’exécuter la destruction de ces forages illégaux, qui diminuent laquantité d’eau disponible produite par les puits officiels et endommage lesprincipaux aquifères.
Il est évident que la stratégie de non-coopération d’Attili est à mettre sur lecompte du changement de politique et de la stratégie de nuisance vis-à-visd’Israël mise en place dès 2008 par l’Autorité palestinienne. L’eau est devenueune arme pour lutter contre la prétendue occupation israélienne.
Malheureusement Attili a réussi à convaincre la communauté internationalequ’Israël est responsable du stress hydrique dans les territoires palestiniens.Pour preuve, les propos d’Abdelkarim Yakobi, chef de projet du département del’eau, des transports et de l’énergie au bureau de l’UE pour la Judée-Samarieet Gaza. Yakobi, interviewé par Burkart, a également accusé Israël pour leslenteurs du développement du secteur de l’eau.
Ce qui est étrange, c’est que si un simple citoyen suisse, diplôméd’université, a eu accès à toutes ces informations pertinentes, pourquoil’Union européenne, avec tous les moyens dont elle dispose, se montre-t-elleincapable d’en faire de même ? Si l’UE s’en donnait la peine, il lui seraitfacile de faire la lumière sur les responsabilités des uns et des autres et deblâmer les vrais coupables.
L’UE a alloué des fonds pour au moins sept usines de traitement des eaux usées.Il est raisonnable d’espérer que les Européens ont un certain contrôle surl’exécution de ces projets – alors pourquoi n’ont-ils pas demandé des comptes àl’Autorité palestinienne de l’eau ? Tout simplement parce que cette dernière aobtenu le feu vert pour utiliser l’eau comme une arme contre Israël. Cefaisant, la communauté internationale contribue à l’aggravation du conflit etnuit aux intérêts de la population palestinienne.
L’auteur est un journaliste indépendant et directeur de l’information deMissing Peace, une agence d’information indépendante basée dans le GoushEtsion.
y.visser@missingpeace.eu