En décembre 2008, le Hamas était très différent de celui d’aujourd’hui. A cette époque, le Mouvement était bien isolé et considéré par plusieurs pays arabes comme une organisation terroriste. En 2008, l’opération Plomb durci s’était donné pour objectif de mettre fin aux tirs de roquettes lancées depuis la bande de Gaza, sur toutes les villes limitrophes, et en particulier sur Sderot.
Aujourd’hui, même si l’opération militaire Pilier de défense a été déclenchée pour les mêmes raisons (les tirs de roquettes sur le sud d’Israël), le Hamas est bien différent. Car entre-temps, le Printemps arabe a changé les équations et bouleversé plusieurs régimes arabes. Les Frères musulmans, qui ont la même idéologie que le Hamas, ont pris le pouvoir dans certains pays, comme la Tunisie et l’Egypte.
Alors que l’Egypte de Moubarak critiquait le Hamas et s’y opposait, celle de Mohamed Morsi a, quant à elle, rapatrié son ambassadeur en Israël dès le premier jour de l’opération, et s’est empressée d’envoyer à Gaza une délégation présidée par son Premier ministre Hicham Qandil pour soutenir le mouvement gazaouï et son chef de gouvernement, Ismail Haniyeh. De la même manière, le ministre tunisien des Affaires étrangères s’est rendu à Gaza et a même organisé un sommet arabe au Caire.
Une semaine avant l’opération Pilier de défense, c’était l’émir du Qatar qui se rendait dans la bande côtière. Pour annoncer, au terme de sa visite, un don de 400 millions de dollars au Hamas ! En quatre ans, depuis la fin de Plomb durci, le mouvement de résistance islamique a réussi à obtenir des armes de l’Iran et ainsi pu étoffer son arsenal avec des missiles Fajr-3 et 5, forts d’une portée de plus de 70 km. Du coup, en 2012, le Hamas est militairement et politiquement mieux équipé et mieux préparé à la guerre.
Des visages qui en disent long
Parallèlement, Israël a, à son tour, donné de la légitimité au Hamas par toutes ses prises de contact indirectes pour la libération du soldat Guilad Schalit. En effet, en 2011, lorsqu’Israël signe un accord avec le Hamas pour l’échange de prisonniers, l’Etat hébreu légitimise pour la première fois le mouvement terroriste.
Le 22 novembre dernier, le porte-parole du Hamas s’empressait d’annoncer la victoire de son mouvement sur les sionistes et de proclamer « la Journée nationale de la victoire ».
Khaled Meshaal, le chef de la diplomatie du Hamas, a même prétendu que Binyamin Netanyahou avait supplié l’Egypte et les Etats- Unis afin d’aboutir à un cessez le feu...
Beaucoup d’Israéliens pensent vraiment qu’Israël a perdu cette guerre, car les principaux objectifs n’ont, à leurs yeux, pas été réalisés. En effet, rétablir la force de dissuasion et stopper les tirs de missiles étaient les principaux buts affichés par le ministre de la Défense Ehoud Barak. Mais l’ironie du sort a voulu que le cessez-le-feu ait fait sortir des centaines de Palestiniens dans la rue pour célébrer leur «triomphe». Ce qui est très humiliant pour Israël.
L’Etat hébreu s’est, quant à lui, engagé par cet accord à arrêter les éliminations ciblées, à ouvrir les points de passage et ainsi à mettre fin au blocus sur Gaza. Le Hamas, pour sa part, s’est engagé à ne pas tirer sur Israël.
Mais ne nous voilons pas la face : cet accord est un accord de soumission. Israël devra continuer à faire face à deux problèmes majeurs dans la bande de Gaza : la fabrication locale des armes et la contrebande de munitions plus sophistiquées venues d’Iran ou de Libye, par le biais des tunnels souterrains. Le problème existait, existe et perdurera.
Alors oui, le Hamas a gagné la guerre. Il suffit d’écouter Khaled Meshaal, lors de sa conférence de presse : « Regardez le trio Barak-Netanyahou-Liberman, leurs visages expliquent tout ».
Edy Cohen, titulaire d’un doctorat, est spécialiste des Affaires arabes. Il a travaillé pour le ministère de l’Intérieur et Tsahal.