La casherout 2.0

Trois jeunes étudiants ont élaboré une réforme visant à restructurer le système israélien de la casherout. Tour d’horizon sur cette proposition pour le moins adaptée

Teoudat Cashrout  (photo credit: DR)
Teoudat Cashrout
(photo credit: DR)

Par Laura Uzan

Noam Vainer, Esther Brown-Ben David et Assaf Greenwald sont trois jeunes israéliens, étudiants en droit, à l’origine d’une proposition visant à réformer le système de l’alimentation cashère en Israël. En 2012, ils se sont associés afin de créer l’organisation « Hashgachah Eliona », qui a pour but de résoudre les discordances entre la religion et l’Etat, tout en faisant appel à des outils juridiques. L’organisation puise sa source dans une volonté de montrer une facette du judaïsme qui leur est chère, affranchie de toute association avec les abus qui marquent parfois le milieu, s’éloignant de l’image à laquelle le grand public est généralement habitué. Cette initiative tend ainsi à redorer le blason quelque peu terni d’un système qui, à maintes reprises, a subi des tentatives de réformes peu fructueuses.
Après plus d’un an de recherche, ces trois jeunes soumettent leur réforme, en collaboration avec des membres de la Knesset, l’Institut de recherche sioniste ainsi que Tzohar, un groupe religieux et sioniste dont les valeurs sont basées sur le dialogue visant à l’élaboration d’une identité commune pour tout le peuple juif.
Il est courant pour les médias israéliens de relayer des cas où rabbins, mashgihim, importateurs ou encore certificateurs privés de casherout, agissent à l’encontre de la loi. La structure de ce système, qui offre une autorité complète au Grand Rabbin dans le domaine de la casherout, n’est pas optimale et engendre des inégalités entre restaurateurs qui présentent pourtant des caractéristiques similaires. Les cas d’abus d’autorité sont nombreux et certains commerçants se voient refuser la fameuse attestation pour des raisons souvent autres que religieuses. De nombreux rabbinats locaux se laissent ensevelir sous le poids des formalités bureaucratiques, les empêchant de fournir aux restaurateurs et commerçants les services dont ils ont besoin.

La fin d’un monopole

La solution proposée par Hashgachah Eliona consiste à mettre fin au monopole des rabbinats assignés, en donnant la possibilité aux commerçants d’émettre leur demande de certificat au rabbin de leur choix, en restant à l’échelle locale. Un pouvoir distribué et mieux réparti à une multitude d’agents tout aussi qualifiés, alors qu’il est pour l’instant détenu par un pôle unique.

Fin mars, les trois étudiants ont organisé une conférence en collaboration avec l’université Bar-Ilan, l’école Shaarei Mishpat et Tzohar, rassemblant également des représentants des institutions religieuses et gouvernementales, avec entre autres le Grand Rabbin d’Israël Lau, le membre de la Knesset Elazar Stern, et des rabbins de Tzohar.
Leur but était de réunir ces personnalités ayant l’influence nécessaire pour faire évoluer le système de la casherout, en les amenant à un consensus sur la façon d’instaurer un changement adéquat. En coopération avec l’Institut de stratégies sionistes, l’organisation Hashgachah Eliona a également publié cette semaine un rapport officiel analysant l’état actuel de la structure du système. Un constat précis, détaillant les principaux éléments causant son dysfonctionnement, en le comparant au système américain. Le rapport passe également en revue les diverses propositions de réformes émises par le passé, faisant état des avantages et inconvénients de chacune d’entre elles. L’étape suivante pour les trois créateurs du projet est de porter cette initiative au-devant de la scène et d’en faire un sujet public, afin que celui-ci puisse être présenté à la Knesset et qu’en résultent les changements nécessaires.
Les modifications en question concerneraient l’efficacité du système qui, en permettant la compétition en matière de casherout, ne réduirait pas le degré de conformité halakhique mais rendrait le système plus dynamique et faciliterait les démarches des producteurs, restaurateurs et commerçants. Diviser le territoire en régions qui auraient chacune autorité au niveau local, conduirait par ailleurs à plus d’équité. Les incohérences seraient grandement diminuées : lorsque deux demandeurs de certificats possédant des caractéristiques similaires, l’un est, dans le système actuel, souvent certifié et l’autre non.
La proposition de réforme prévoit également de donner la possibilité aux commerçants/restaurateurs de présenter leur demande de casherout à d’autres agences de supervision halakhique que celle de leur rabbin local, mettant fin à leur monopole absolu. Les demandeurs de certification deviendraient donc moins dépendants.

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Ces derniers temps, de nombreuses voix se sont fait entendre en faveur d’une privatisation des institutions relatives à la casherout et divers autres services religieux. La création de régions permettrait la mise en place de changements structuraux indispensables, sans pour autant en venir à privatiser le système. De fait, les groupes pour lesquels le maintien de l’autorité de l’Etat dans le domaine religieux a de l’importance ne se sentiront pas menacés par ces altérations.
Simplifier le fonctionnement de ce dispositif apporterait également des améliorations quantitatives. Une simplification du système, rendant le travail effectué par le personnel de supervision religieuse plus rapide et efficace, engendrerait une augmentation du nombre de certificats émis, et donc du nombre d’établissements cashers. Une réforme au service du secteur religieux, qui élargirait l’éventail de commerces conformes aux lois halakhiques. Du point de vue du commerçant, savoir que l’obtention d’une Teouda (certificat de casherout) sera moins longue et pénible, l’encouragera assurément à déposer sa demande.
Le rapport recommande la création d’une banque de données informatisées, recensant toutes les demandes et émissions de certificats accordés, ainsi que les noms des établissements dont la Teouda a été retirée ou même refusée. En archivant les informations relatives à chaque commerce, toutes les opérations entre les centres de supervisions rabbiniques et les postulants à la certification en seront facilitées. Les possibilités d’abus du système seront en outre considérablement diminuées.
Hashgacha Eliona affirme présenter une solution unique, se démarquant de ses prédécesseurs et offrant un compromis aux différentes approches. Alliant le modèle de privatisation absolue à un grand Consistoire uni, et réduisant l’autorité des rabbins locaux à un minimum. Interrogé sur le futur de leur projet, Noam Vainer, l’un de ses trois initiateurs, assure que leur « proposition a de grandes chances de passer les “tests” politiques et halakhiques ». Avant de conclure en soutenant que leur « solution possède la plus grande faisabilité et praticité, tout en créant le changement le plus significatif au sein du système de la casherout ». 
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