Al’occasion de cet anniversaire, Sabine Zeitoun réédite son ouvrage publié en1990, dans une édition corrigée et augmentée.
Si la premièreversion donnait une place centrale à l’OSE sous l’Occupation et son rôle dansle sauvetage de l’enfance juive, ici, le livre consacre une grande part àl’institution, depuis ses origines jusqu’à la veille de la Seconde Guerremondiale.
L’historienne a eu accès à de nouveaux documents, archives et témoignages,inexploités lors de sa thèse qui avait servi de source à la première version dulivre, surtout pour la période des années 1912-1933.
Née en 1912 en Russie tsariste, dans un pays où l’antisémitisme étaitinstitutionnalisé dès les lois de 1881, l’OEuvre de Secours aux enfants (OSE) aété dès le départ façonnée par une culture de l’action médico-sociale initiéepar ses fondateurs, tous issus de l’intelligentsia juive, explique SabineZeitoun.
Le livre montre notamment l’importante activité caritative développée par l’OSEau profit des réfugiés juifs qui fuient les zones de combat durant la PremièreGuerre mondiale.
Parmi les figures fondatrices de l’OSE, citons Andrée Salomon et le Dr JosephWeill, qui avait compris dès la fin de 1941, avant le début des déportations,la nécessité de fermer les centres médico-sociaux et les maisons d’enfants.
L’auteure, qui a également été directrice du Centre d’Histoire de la Résistanceet de la Déportation à Lyon, de 1990 à 2001, a eu l’opportunité de recueillirla voix des piliers de l’OSE, avant leur décès.
En tant que spécialiste de la Résistance juive, Sabine Zeitoun revientégalement sur la période de l’Occupation en France, dans la troisième partie dulivre. Un vaste sujet traité avec la plus grande exhaustivité et où l’on fait ànouveau la lumière sur la question controversée de l’UGIF.
A partir de décembre 1941, l’OSE et toutes les autres organisations juivesdoivent s’intégrer à l’Union générale des Israélites de France, structurecoercitive, créée par le gouvernement de Vichy et placée sous la tutelle duCommissariat général aux questions juives. Plusieurs publications plus ou moinsvirulentes ont vu le jour sur cet organisme à qui l’on reproche une certaineresponsabilité dans la déportation des Juifs de France. Sabine Zeitoun citeainsi différents points de vue d’historiens, dont celui de Pierre-Vidal Naquet,qui parle de l’UGIF comme « d’une vaste zone grise, d’où se détachent un petitnombre de traîtres, mais aussi quelques héros ».
L’ouvrage rappelle bien sûr l’action de l’OSE dans l’organisation du sauvetaged’enfants, par des circuits de Résistance, dont le fameux réseau clandestin,dit « circuit Garel ». Enfin, la préface d’un livre n’est pas toujourséclairante, mais celle de Serge Klarsfeld l’est à double titre. Il est bien sûrcelui qui a créé l’association « Les Fils et Filles des Déportés juifs deFrance », mais aussi l’enfant qui, à 5 ans, a vécu dans une maison de l’OSE.
En 1941, durant six mois, il a habité au Masgelier dans la Creuse, avant mêmela mise en oeuvre de la Solution finale. Il écrit : « La plupart des enfantsque j’y ai côtoyés sont aujourd’hui vivants et le doivent à la vaillance et àl’ingéniosité de l’OSE ».
Ce livre de plus de 400 pages peut sembler ardu, mais il est accessible ets’avère un outil majeur pour comprendre la place de l’OSE dans l’histoire duXXe siècle. u Sabine Zeitoun, Histoire de l’OSE, De la Russie tsariste àl’Occupation en France (1912-1944), L’OEuvre de Secours aux Enfants dulégalisme à la résistance, ed. L’Harmattan.
Un voyage vers la lumière
Amandine Saffar
« Pour plus de lumière », est un «cadeau » du rabbin Jonathan Sandler, un cadeau venu de loin, qui sembletraverser les temps et faire fi de ce 21e siècle violent.
Le défunt rabbin, enterré à Jérusalem avec ses deux fils, Arieh, 5 ans, etGabriel, 4 ans, après leur assassinat sanglant par Mohamed Mérah à Toulouse àla rentrée des classes de 2011, commentait chaque semaine la parasha pour lejournal Kountrass. En son hommage, les éditions Kountrass ont décidé de compileret publier ses écrits sur les portions de la Torah hebdomadaires, ainsi que sescommentaires sur les résumés des fêtes.
Un ouvrage qui ne se consulte pas sans émotion. Le rav Sandler fonctionnaitselon un choix analytique : citer un verset puis l’interpréter, à la lumièredes textes sacrés, des commentateurs, dont Rachi principalement, et de sonpropre génie.
Dans un style concis et sobre, le recueil met en lumière les coutumes dujudaïsme au miroir de la modernité. Au sujet de la fête de Hanouka, le Ravinterroge d’abord l’histoire talmudique : pourquoi la Michna ne porte-t-ellepas davantage d’attention à la fête des lumières ? En effet, elle semble, selonses mots « évoquée en passant » et ne possède pas son propre traité. A cela ilrépond : « Le Talmud (Yoma 29) enseigne : De même que l’aube met fin àl’obscurité de la nuit, Esther clôture la période des miracles. Mais qu’enest-il du miracle de Hanouka ? » demande le Talmud. Et de nous livrer unemystérieuse réponse : « Il est fait mention uniquement de miracles qui peuventêtre retranscrits par écrit ».
Hanouka, selon la conclusion du Rav, est un évènement que l’on relaye à l’oral.Le « miracle » de Hanouka, la fiole d’huile, n’est là que pour rappeler quechaque seconde de vie est un miracle caché personnel ou collectif, et qu’«après une période de désolation, nous devons raviver notre rapport au divin.Non pas nous contenter d’une application mécanique des mitsvot, mais vivrepleinement leur sens, car ces dernières doivent nous servir de tremplin pournous rapprocher de Dieu, et ainsi consolider l’alliance ».
Troublant, ce message de vie, face à l’adversité. La parasha de la semaine,relative à Hanouka, est « Vayeshev ». On peut aussi citer ici le choix de versetdu rabbin Sandler à ce sujet : « Reouven leur dit donc : ‘Ne versez point lesang ! Jetez-le dans cette citerne qui est dans le désert, mais ne portez pointla main sur lui’. C’était pour le sauver de leurs mains et le ramener à sonpère » (Genèse 37, 22). Puis de commenter la citation de ses mots : « L’homme,en tant que créature disposant du libre-arbitre, peut provoquer la mort dequelqu’un à l’encontre de sa destinée »… Beaucoup de témoignages de sesproches, ainsi que des grandes figures du rabbinat français, dont le RavMonsonego qui a aussi perdu sa fille Myriam dans le massacre de Toulouse,précèdent le recueil des sidras. Parmi eux, se découvre, non sans saisissement,celui de son père, Samuel.
Jonathan Snadler est né en France, mais a étudié à la yeshiva Beit Halevy deJérusalem où il avait choisi de s’installer et de fonder une famille, avant departir à Toulouse, comme émissaire. Aussi son père écrit-il à propos de sonpetit-fils : « Je n’entendrai jamais Gabriel entonner les 4 questions de laHaggada, Ma Nishtana. Je ne connaîtrai jamais sa prononciation du Kamatz,suivant l’ancestrale tradition de la famille ou à l’israélienne, Gabriel,premier des Sandler, né à Jérusalem après 2 000 ans d’exil. L’arme del’assassin a tu sa voix pour l’éternité ».
L’ouvrage est porteur d’une histoire, bien au delà de celle de la Bible. Il rendhommage à la profondeur du Rav Sandler, et à la foi inébranlable quil’habitait, lui et les siens, et qu’il s’employait à transmettre avec un amourvéritable de la Torah et de ses commandements. Mais c’est aussi un appel à lavie, au courage, à la force de continuer, quelle que soit l’adversité. Letitre, Pour plus de Lumière, choisi par sa femme Eva, sied à merveille en cetteveille de Hanouka. u Pour plus de Lumière, du Rav Jonathan Sandler, auxéditions Kountrass.