Bernard Weisz est né à Marseille en 1946. Il n’a pas eul’expérience « directe » de la Shoah, mais sa mère la lui a enseignée enfaisant les courses dans son quartier natal : « Ce commerçant était un collabo…».
Isaac Lewendel est né lui en 1936, à Avignon, de parents juifs polonais. En1940, son père rejoint l’armée polonaise juive. Sa mère est arrêtée le 6 juin1944 à Avignon, dirigée sur Drancy le 13 juin 1944 et déportée par le convoinuméro 76 du 30 juin à Auschwitz. Sélectionnée dès son arrivée, il ne lareverra plus.
C’est en retrouvant au début des années 1990 la famille qui l’hébergea àSarrians pendant la guerre qu’il réalise que sa mère n’a pas été arrêtée parles Allemands, comme il l’a toujours pensé, mais par des « des gens quiparlaient le français avec l’accent de Marseille ». Commence alors une quêteimplacable pour la vérité, sur la trace de ceux qui l’ont arrêtée.
En 1994, il retrouve enfin le coupable, un certain Charles Palmieri, petit chefde gang marseillais au service des Allemands pour de l’argent. Mille francs àchaque livraison d’un juif ou d’un résistant… Il en tirera un livre : Un hiveren Provence, narrant ce qui s’est passé sous la forme d’une enquête.
À cette même époque, sort le livre de Bernard Weisz.
Avignon, festival de la mémoire décrit les années d’aprèsguerre et entame uneenquête sur la communauté juive de la ville. En se rendant à la synagogued’Avignon, l’auteur découvre une plaque commémorative pour les déportés de larégion. Des noms qui ne lui disent rien. Mais connaissant les travaux d’IsaacLewendel, il prend contact avec lui.
Après avoir identifié tous les juifs déportés du Vaucluse, les deux auteurss’immergent dans ce qui a été le processus de la Shoah en Provence.
Avignon a eu son Papon
Un changement important prend place peu de temps aprèsl’invasion de la zone sud, ou zone libre, par les Allemands le 11 novembre1942. Les juifs de cette zone étaient plus ou moins protégés par les Italiensqui occupaient le sud de la France.
Mais les nazis vont faire appel à des membres de la pègre locale pour lerepérage et l’arrestation de juifs. Une aubaine que ces hommes sans scrupulesne laisseront pas passer.
Vichy, la pègre et les nazis est le résultat de huit ans de travaild’historiens. Ils ne se sont pas limités à retrouver les 400 juifs déportés dela région. Mais les auteurs de ces déportations.
Les Allemands secondés parfois par la milice ? « Comme si c’était si simple »,explique Isaac Lewendel.
Traquer les traqueurs de juifs à travers les archives, telle est la tâche quese sont fixée les deux auteurs. Une recherche sur la piste de criminels jusqu’àMarseille, et au-delà. On y côtoie des fonctionnaires zélés, des affairistes,des extrémistes, des SS en missions, des voyous, des repris de justice. EtAvignon a même eu son « Papon » : Aimé Autrand, ancien chef de la division desétrangers et des juifs à la préfecture du Vaucluse.
Ce livre comprend deux grandes parties : les solutions française et allemandede la question juive dans le Vaucluse, et les mécanismes de la collaborationavec les éléments du crime organisé. Egalement, une annexe, pour mieuxcomprendre les différents réseaux des milices.
Comme le souligne Zeev Sternhell, « C’est un document d’une grande importance,une extraordinaire source de renseignements et de réflexion sur ce que fut laguerre faite aux juifs ».
Et comme le dit si bien Serge Klarsfeld dans sa préface : « Ce livre nonconventionnel, atypique même, est passionnant d’un bout à l’autre. […] Vous lelirez comme moi parce qu’il est dur, utile et vrai ». Personnellement, je l’ailu d’une traite et j’ai beaucoup appris.
Isaac Lewendel et Bernard Weisz, Vichy, la pègre et les nazis, La traque desJuifs en Provence, Nouveau Monde Éditions.