Le spectre d’un Iran nucléaire se renforce, avec l’annonce del’installation de 3000 centrifugeuses nouvelle génération, sur son site deNatanz.
Il devient plus que jamais de l’ordre du possible que l’Etat hébreu se lancedans des opérations militaires en solitaire pour contrer la menace iranienne.Mais l’urgence de la situation n’empêchera pas le président Obama, lors de savisite à Jérusalem, de tenter de dissuader Israël de s’engager seul dans desfrappes ciblées contre les installations nucléaires iraniennes.
On peut se demander, alors, quelle serait la réaction de la communauté juiveaméricaine dans son ensemble. Les tenants et les aboutissants de l’affaire sontparticulièrement complexes. Les risques de menaces potentielles qui pèseraientsur Israël, dans ce cas, sont multiples. Nul doute que nous aurions à faire àdes tollés de déclarations indignées pour condamner cette intervention de lapart des juifs progressistes, qui ont perdu toute confiance dans la ligne durede la politique de Benjamin Netanyahou.
La dernière menace en date de cette amplitude nous ramène à l’attaque de 1973,lorsque l’Egypte et la Syrie ont conjointement pris les forces israéliennes decourt à Yom Kippour. A l’époque, les juifs américains de tous horizons, tantreligieux que politiques, avaient réagi d’une seule voix et uni leurs forcespour faire face à l’agression, avec un sens de l’urgence sans précédent, dèslors qu’il s’agissait d’une bataille existentielle et que la survie de l’étatjuif était en jeu.
Aussitôt, le conflit avait provoqué une déferlante d’empathie pour Israël de lapart de toute la communauté juive à l’unisson.
L’agression avait généré un soutien exemplaire et total à l’Etat juif, tant auCongrès que dans l’administration Nixon.
Quatre décennies plus tard, bien que le contexte soit différent, au moment oùIsraël doit faire face à une menace existentielle, l’attitude de la communautéjuive est tout autre.
« On a le temps, aïe, trop tard »
Il y a quarante ans, Israël n’avait pasd’autre choix que la guerre.
En 1973, la menace était palpable, le champ de bataille s’étalait bien visibleaux yeux de tous.
Aujourd’hui, la menace iranienne est abstraite, théorique. (Si l’on part duprincipe que l’Iran n’a pas d’ores et déjà décidé d’utiliser sa bombenucléaire.) Mais pourquoi l’Etat juif ne bénéficie-t-il pas du même soutienunanime aujourd’hui ? Et pourquoi tant de voix s’élèvent-elles pour réclamerqu’Israël privilégie la voix diplomatique et donne davantage de temps auxsanctions ? Pourquoi en 1973 était-il évident pour tous qu’Israël était endroit de défendre, et pourquoi aujourd’hui, l’Etat ne devrait-il recourir à cedroit qu’en dernier ressort et uniquement à la veille d’une attaque imminenteet certaine ? Bien qu’il s’agisse de contextes différents, cela justifie-t-ildes points de vue aussi radicalement divergents de la part de la communautéjuive américaine ? Personne ne devrait mettre en doute l’ampleur et la réalitéde la menace qui pèse sur Israël, alors même que l’Iran clame son intention derayer le pays de la carte, dès qu’il en aura les moyens.
Les sempiternelles négociations entre les Etats-Unis et le régime des Mollahsn’ont pas fait avancer la situation d’un iota. La politique iranienne estinflexible sur la question du nucléaire. Quant aux sanctions, elles ont misl’économie du pays en faillite, pays qui, bien qu’exsangue, n’a pas pour autantconsenti à ralentir son programme nucléaire.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’énergie déployée jusqu’ici parl’Amérique pour stopper les ardeurs belliqueuses des états voyous, comme lePakistan, la Corée du Nord et l’Iran, n’a pas été récompensée. Comme ArielLevite, ancien député et chef de la commission à l’énergie atomique, l’aexprimé : « L’approche américaine du problème, c’est “on a le temps, on a letemps, aïe, trop tard” ».
Comme en 1973
Il est vrai qu’une frappe israélienne ne ferait que reculerl’échéance d’un Iran nucléaire, alors que mettre le feu aux poudres exposeraitIsraël aux tirs groupés de l’Iran, de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas.
Autre inquiétude pour la communauté juive américaine, une attaque pourraitentraîner les Etats- Unis dans le conflit, provoquant une spirale de violence,avec pour effet une hausse du baril, ce qui serait préjudiciable pour uneéconomie américaine déjà mal en point.
Néanmoins, les juifs américains doivent avoir le courage de faire face auscénario du pire, et se poser les bonnes questions ; voulonsnous soutenirIsraël seulement quand cela n’est pas contraire à nos intérêts domestiques ?Voulons-nous subordonner notre soutien à l’état juif aux chances de succèsd’une opération militaire Israélienne ? Si Israël, aux heures les plus sombresde son existence, a besoin de l’aide de la communauté juive internationale, nedevrionsnous pas lui accorder notre soutien inconditionnel ? Serait-il bienraisonnable de l’hypothéquer en raison de tout le mal que nous pensons de lapolitique israélienne dans les territoires disputés ? Il ne fait aucun douteque certains vont interpréter à tort les appels à la solidarité et les prendrepour un soutien aveugle à Israël. Cela équivaudrait, à leurs yeux, à donnercarte blanche à l’Etat juif pour se lancer seul dans des opérations militairescontre les installations nucléaires iraniennes.
Mais c’est précisément parce que la situation est en passe de dégénérer, qu’ilnous faudrait au plus vite, mettre de côté nos divergences et nos querelles,quant au bienfondé ou non d’une intervention militaire. Mettons tous lesvoyants au rouge pour lever des fonds supplémentaires et mobiliser tous leslobbies au sein du Congrès et de la Maison Blanche, afin de débloquer une aidemilitaire supplémentaire, vitale pour Israël à l’heure qu’il est.
Et de même qu’en 1973 nous avions mis en place une stratégie efficace pourlutter contre les sentiments anti-israéliens du monde arabe, qui avaient eu pourconséquence l’embargo sur le pétrole, la communauté juive se doit d’exprimeraujourd’hui son soutien indéfectible à Israël. A nous d’orchestrer une campagnemédiatique efficace afin de faire face à un envol des prix du pétrole et àl’engagement des Etats-Unis dans un nouveau conflit.
Certes, nous ne sommes pas en 1973. Néanmoins nous ne devrions pas oublier lesleçons du passé ; quand l’existence d’Israël est en jeu, toutes les autresconsidérations doivent passer au second plan.