Depuis le décès d’Ed Koch, beaucoup dechoses ont été dites et écrites sur l’ancien maire de New York et ancien membredu Congrès américain, mais un aspect de sa vie a été éludé par lescommentateurs. Koch a mis en valeur devant les Juifs américains le rôle deMenahem Begin et de l’Irgoun dans la création de l’Etat d’Israël.
Quand, à l’automne 1948, Begin, chef de l’Irgoun devenu chef de l’opposition àla Knesset, vient en visite aux Etats- Unis pour la première fois, il estcomplètement inconnu.
La majorité des représentants du judaïsme américain est alors plus proche deDavid Ben Gourion et des dirigeants du parti travailliste. Ils suivent doncl’attitude de Ben Gourion à l’égard de Begin et le traitent, comme lui, deparia.
Aucun d’eux ne vient au dîner offert en son honneur à Manhattan. Quelques-uns,même, font pression sur des dignitaires comme Oscar Chapman, sous-secrétaire del’Intérieur, pour qu’il se retire du comité de soutien.
D’autres comme Hannah Arendt joignent un groupe de Juifs importants, dontAlbert Einstein et Irma Lindheim de Hadassah, et traitent publiquement Begin de« fasciste ».
Il est vrai que dans les années 1950 et 1960, les livres scolaires dans lesécoles p u b l i q u e s américaines et les écoles juives mentionnent rarementle combat de l’Irgoun contre l’armée britannique. L’idée dominante estqu’Israël a été créé grâce aux Nations unies. Ainsi, quand Begin arrive aupouvoir, en 1977, il est inconnu pour la grande majorité de la communauté juiveaméricaine. Pour ceux qui l’ont déjà entendu, son nom est associé à quelquechose de négatif. Quant à ceux qui le connaissent, ils le considèrent comme un« terroriste ».
Le Time magazine titre même : « Begin rime avec Fagin » (stéréotype du Juifdans Oliver Twist de Charles Dickens).
C’est donc Ed Koch qui fait connaître et reconnaître Begin et l’Irgoun en 1978,alors qu’il est maire de New York. En lui offrant le titre de citoyen d’honneurde sa ville, Ed Koch, l’une des figures de proue de la communauté juiveaméricaine de l’époque, fait valoir le rôle joué par Begin et l’Irgoun dans lacréation de l’Etat Juif.
Deux ans plus tard, il enfonce le clou et proclame le « Jour de Jabotinsky »dans la Grosse Pomme. L’occasion de présenter ce fondateur du mouvementrévisionniste et père spirituel de l’Irgoun, comme « une figure légendaire,soldat, poète et architecte de l’Etat d’Israël ».
Begin avait raison
Cette année-là, le dîner offert pour le centièmeanniversaire de la naissance de Jabotinsky rassemble tout le gratin de lacommunauté juive américaine, dont les dirigeants de la Conférence desPrésidents des plus grandes organisations juives américaines, comme le BnaiBrith et Hadassah. De son côté et à peu près en même temps, Yeshiva Universityinaugure un nouveau département d’Etudes Juives, du nom de Begin.
Les temps ont donc changé. Et grâce à Koch.
Plus important pourtant que cette reconnaissance de Begin et de l’Irgoun, Kochveut transmettre un message. Pour lui, l’essentiel n’est pas d’honorer teldirigeant ou tel groupe, d’ailleurs il nomme également une des rue de Manhattandu nom de Ben Gourion, mais plutôt de reconnaître le combat des Juifs pour leurEtat. Un esprit combatif qu’il va manifester tout au long de sa carrièrepolitique haute en couleurs.
Koch incarne une attitude juive différente.
La nouvelle génération de Juifs américains fait fi des vieilles querelles entreTravaillistes et Révisionnistes et n’a pas peur de se déclarer fière descombattants juifs, quelles que soient leurs orientations politiques.
Trente ans après leurs coreligionnaires israéliens, ces Juifs américainsperçoivent de plus en plus le monde comme hostile. Moins naïfs qu’auparavant,ils savent que les Juifs n’auraient rien s’ils ne se battaient pour l’obtenir.Cette lutte peut prendre la forme d’appels en cour de justice, ou d’unvéritable combat armé. De fil en aiguille, un nombre grandissant de Juifsaméricains se rend compte que les actions de l’Irgoun étaient justifiées. Ilsreconnaissent que Begin avait raison quand il avait écrit dans la Révolte : «La tyrannie est armée. Autrement elle aurait été liquidée en une nuit. De même,les combattants pour la liberté doivent s’armer, autrement ils seront liquidésen une nuit. » Le travail de Koch reste néanmoins incomplet. Il reste encorebeaucoup à faire dans l’éducation de la communauté juive américaine. Le rôledes organisations armées (Haganah, Irgoun et Stern) dans la création de l’Etatd’Israël n’est pas encore totalement reconnu. Trop de livres négligent cepoint. Pour ne donner qu’un exemple, un livre intitulé « Israël la créationd’une nation moderne », inscrit sur la liste de la ligue anti-diffamation etrecommandé pour « jeunes lecteurs », note l’existence d’« un mouvement derésistance juive qui a amené des réfugiés apatrides en Palestine défiant ainsiles Britanniques ». L’Irgoun et la Haganah ne sont mentionnés qu’une seulefois, et seulement en rapport avec les violences arabes de 1930. Le départ desAnglais de la Palestine est décrit comme le résultat du vote des Nations uniessur la partition et non comme la victoire de la guerre juive pour la liberté.
Si les Juifs américains veulent transmettre une fierté sioniste à leursenfants, ils doivent leur enseigner qu’Israël ne nous a pas été donné, mais quenos pères ont combattu pour l’obtenir. Et c’est ce qu’Ed Koch, par son actionet sa vision, rappelle.