Israël, une destination trop chère ?

3,5 millions de touristes, c’est le nouveau record israélien enregistré en 2013. Une croissance néanmoins freinée par les coûts exorbitants d’une visite dans l’Etat hébreu. Enquête

P25 JFR 370 (photo credit: REUTERS/Ronen Zvulun)
P25 JFR 370
(photo credit: REUTERS/Ronen Zvulun)

Sur les réseaux sociaux et les sites communautaires, c’est le même son de cloche. Les internautes déplorent les sommes qu’ils doivent verser pour avoir la possibilité de visiter la Terre sainte. Coût exorbitant de l’hôtellerie, prix excessifs des compagnies aériennes… Les exemples ne manquent pas. Et pourtant, Israël mise beaucoup sur son tourisme, en pleine expansion. Alors, qu’en est-il vraiment ?

Selon une récente étude de l’Hotel Price Index (HPI) du site www.hotels.com, indice de référence dans le domaine, l’Etat juif serait le sixième pays le plus cher du monde pour le prix moyen des chambres d’hôtels. Jérusalem, ville visitée par 75 % des touristes selon le ministère du Tourisme, est l’agglomération la plus touchée. 9 % des tarifs hôteliers y étaient en hausse lors du premier semestre 2013, faisant de la Ville sainte la 19e municipalité la plus chère du monde pour son hébergement avec Venise et Paris, devant Tokyo, Hong Kong ou encore Prague. Selon l’HPI, le prix moyen d’une chambre d’hôtel en Israël avoisine 169 euros, contre 104 euros par exemple pour l’Angleterre et l’Espagne.

Beaucoup plus cher qu’en Europe

 

Il est d’ailleurs assez facile de se rendre compte du phénomène sur les comparateurs de prix en ligne. La chambre privative (avec salle de bain partagée) dans une auberge de jeunesse pour petits budgets, approchant facilement les 40 euros minimum à Jérusalem et les 30 euros à Tel-Aviv, contre 18 euros à Berlin ou 12 euros à Barcelone. Même les dortoirs restent assez onéreux, les moins chers tournants en général autour de 11-13 euros, contre 8 euros dans la capitale allemande, Londres ou Barcelone. A noter également : les chambres privatives sont réservées pour deux personnes minimum, compliquant inévitablement le sort des routards solitaires.

En flânant dans les deux métropoles israéliennes, le nombre d’hôtels de luxe façonnant la skyline du pays est impressionnant, la Tayelet telavivienne en tête. Il faut ainsi compter près de 330 euros la nuit à l’hôtel Inbal de Jérusalem ou 180 euros pour passer la nuit à l’hôtel Marina de Tel-Aviv. Des prix peu attractifs pour de nombreux touristes jeunes ou moins fortunés. Un enjeu de taille pour le ministère du Tourisme – actuellement dirigé par Ouzi Landau, d’Israël Beiteinou – contacté dans le cadre de cette enquête. Le 18 novembre 2012, Stas Misezhnikov, prédécesseur de M. Landau, lançait d’ailleurs un vaste plan de réformes visant à réduire de 20 % le coût des forfaits vacances en Israël. L’objectif : augmenter le nombre d’hôtels afin de stimuler la concurrence et la baisse des prix, notamment en réduisant les délais bureaucratiques d’obtention des permis de construire. Les coûts fixes nécessaires au fonctionnement des hôtels israéliens, beaucoup plus élevés que dans de nombreux pays de l’OCDE en grande partie pour motifs sécuritaires, sont eux aussi dans le collimateur du gouvernement. La création de plusieurs zones de camping est envisagée, afin de permettre aux jeunes aventuriers de pouvoir se rendre plus facilement dans le pays.

Avant le logement, le prix du billet d’avion reste lui un frein conséquent. Sur les comparateurs de prix en ligne, les vols les moins chers pour le mois de juillet atteignent près de 300 euros en moyenne (prix disponibles à la mi-janvier). Les vols les moins onéreux comprenant de surcroît de longues escales, de Istanbul à Kiev selon les compagnies. Un Paris-Tel-Aviv pouvant facilement atteindre les 16 ou 22 heures de voyage dans ces cas, contre 4h30 pour un vol direct. Israël reste donc moins accessible de Paris que Barcelone, Londres, Berlin ou Budapest, les tarifs dépassant rarement les 100 euros pour la même période. La compagnie nationale El Al facture par exemple facilement un aller-retour Paris-Tel-Aviv à plus de 500 euros, comme sa filiale Sun d’Or. Pour remédier à ce problème, Israël a signé l’année dernière l’accord «Open Sky», visant à assouplir la concurrence dans l’espace aérien. Conséquence : les compagnies low-cost Easyjet et Transavia ont annoncé de nouvelles lignes au départ de la capitale française vers Tel-Aviv pour l’été prochain. Une bonne nouvelle pour les futurs vacanciers.

Le problème ne s’arrête cependant pas là. Alors que de nombreux touristes novices imaginent trouver en Israël des prix inférieurs à ceux pratiqués en Europe de l’Ouest, la situation n’est pas aussi avantageuse qu’ils le croient. D’après le Centre de recherche et d’information de la Knesset, le prix des aliments serait 25% plus élevé en Israël que dans les pays de l’Union européenne, engendrant inévitablement un impact direct sur la restauration. De plus, selon le site Israel-Infos, l’Etat juif serait au 53e rang de l’index mondial de la compétitivité en matière de tourisme et de services, soit une chute de 17 places en trois ans. Un autre coup dur pour l’attractivité du pays.

Routards, Néguev et casinos

Pourtant, force est de constater que le tourisme reste au rendez-vous, stimulé notamment par les voyageurs chrétiens (seulement 28% des touristes étaient juifs en 2013 selon le ministère concerné). Les 3,5 millions de touristes en 2013 ont ainsi généré un profit de 8 milliards d’euros pour l’économie nationale et employé près de 100000 personnes. Un rapport du ministère du Tourisme note d’ailleurs que la «note globale de satisfaction» des touristes approche les 4,3 sur 5. Les Français étant les plus nombreux derrière les Américains et les Russes.

Une manne que l’Etat pourrait facilement augmenter en attirant un public plus jeune et baroudeur. Pour l’instant, les grandes villes européennes restent plus abordables pour les plus jeunes routards, qui préfèrent les nuits endiablées de Berlin ou de Londres. Pourtant, le guide Lonely Planet a classé Tel-Aviv comme étant l’une des métropoles les plus festives du monde, tout en la positionnant troisième pour sa cuisine.


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Le gouvernement a également d’autres cordes à son arc. Le ministère du développement du Néguev et de la Galilée, actuellement dirigé par Silvan Shalom (Likoud), souhaite ainsi apporter sa pierre à l’édifice. Son projet de rendre les zones bédouines en sous-développement (majoritairement situées dans le désert du Néguev), aptes à l’accueil d’un tourisme d’importance, pourrait être l’une des solutions pour résoudre le problème du manque d’offres hôtelières dans le pays. Cette région a pour elle de magnifiques paysages et la possibilité de pratiquer de nombreux sports en extérieur, comme le trekking. Le succès d’Eilat (ville presque inexistante en 1948) est un autre exemple de l’attractivité du désert. Depuis 2010, l’Etat a d’ailleurs choisi de favoriser la construction de casinos dans la station balnéaire. Une piste intéressante qui pourrait attirer de nombreux amateurs, en particulier depuis que le Sinaï – haut lieu des jeux d’argent pour les israéliens – est en proie à l’insécurité et au chaos, en raison des crises successives qui secouent l’Egypte.

Conclusion, la clé de la pérennité touristique du pays reposera donc sur sa capacité à diversifier son offre dans le secteur. Comme le résume bien un internaute français sur un site communautaire dédié à Israël : «Il vaut mieux attirer dix millions de touristes peu fortunés qu’un million de touristes riches.»