«La situation est bien meilleure aujourd’hui que par le passé. On a constaté une diminution importante des activités terroristes. Désormais, chaque fois qu’un membre du Hamas décide d’entreprendre ne serait-ce qu’une toute petite action, nous l’arrêtons. Nous avons la capacité de le faire au moment où il n’en est encore qu’à se procurer des armes. »Tout en décrivant la situation, le capitaine Eitan Dana-Picard met en place le grillage de protection de sa jeep militaire. C’est un véhicule rayé et cabossé, éprouvé par des années d’utilisation. Stationnés à l’intersection entre les routes 35 et 60, au Nord de Hébron, sous le soleil écrasant du début d’automne, nous nous apprêtons à contourner la ville arabe de Halhoul. Le capitaine est bien armé pour l’aventure : il porte un M-16 en bandoulière sur la poitrine, une arme de poing cachée sous sa vareuse militaire d’un côté et trois barrettes de cartouches de l’autre.Nous effectuons en sa compagnie une visite du Goush Etzion, afin d’avoir un aperçu des améliorations apportées à la sécurité du lieu depuis l’enlèvement et le meurtre des trois adolescents juifs.© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite Comme des filsNé en France, Dana-Picard a grandi à Jérusalem et vit désormais à Otniel, village religieux au Sud de Hébron. « Toute ma carrière militaire, je l’ai effectuée dans cette région », nous confie-t-il. Sur les 13 ans qu’il a passés dans l’armée, il a mené pendant 7 ans des missions antiterroristes, qui se recoupaient parfois avec la protection des implantations juives de Judée-Samarie, dont il a la charge depuis 6 ans, et récemment comme commandant de la brigade Etzion.Pour lui, c’est une mission personnelle. Ce matin-là, nous sommes passés devant l’arrêt de bus, à l’entrée d’Alon Shvout. En face de celui-ci, s’étendent des vignes à perte de vue. Nous pourrions être en Toscane ou dans le Sud de la France. Mais non, nous sommes dans le Goush Etzion, où vivent des communautés juives, là où Gil-Ad Shaer, Eyal Yifrah et Naftali Fraenkel ont été cueillis par des terroristes arabes.L’arrêt de bus porte aujourd’hui une large bannière et une pierre commémorative. Dana-Picard nous emmène donc sur la sinueuse route 367, qui longe la forêt en direction de la plaine côtière, à l’Ouest du Goush Etzion.Surpris de réussir à prendre trois auto-stoppeurs, les terroristes Marwan Kawasmeh et Amer Abou Aysha auraient tout à coup paniqué : ils auraient continué jusqu’au bout de la route dans leur Hyundai i35, puis changé de voiture.Avant ce kidnapping, une recrudescence de l’activité terroriste avait été notée. « Avant Gardiens de nos frères [l’opération menée à la suite de l’enlèvement], nos capacités étaient très élevées. Nous avions eu de nombreuses années sans kidnappings », explique le capitaine. Tsahal a retrouvé les corps en 18 jours, alors qu’après l’enlèvement d’Avi Sasportas et Ilan Saadon, en février 1989, on ne les avait localisés que bien plus tard (en mai 1989 pour celui de Sasportas et en 1996 pour celui de Saadon). La période qui a suivi l’enlèvement a été difficile, mais remplie d’espoir, explique Dana-Picard. « Nous travaillions 24 heures par jour. Je ne voulais pas rentrer chez moi avant d’avoir retrouvé ces garçons. C’était comme mes propres fils. » Contrairement aux hypothèses des médias, qui suggèrent qu’au moment où on a retrouvé la Hyundai brûlée, l’armée et les services de renseignements savaient qu’un ou plusieurs des garçons étaient morts, il affirme avoir pour sa part gardé espoir jusqu’à la fin.Des liens très fortsNous roulons sur la route 60 et passons devant Beit Oumar en direction de Halhoul. Pour les habitants du Goush Etzion et des collines entourant Hébron, ces villages sont réputés dangereux. Ce sont des repaires de terroristes et les voitures sur les routes sont la cible de jets de pierres. La jeep tourne à gauche et gravit une petite colline appelée Guivat Asher qui surplombe Halhoul. Au sommet, s’élève un vieux poste de garde rouillé de Tsahal. Dana-Picard désigne une petite butte dans le village, à 1 ou 2 km. « C’est là qu’on a retrouvé les corps », indique-t-il. Depuis l’enlèvement, l’armée a réalisé d’importants progrès dans l’établissement d’une cartographie des lieux. « Chaque pierre, chaque grotte, chaque site est désormais indiqué », explique-t-il.Il a noué des liens très forts avec les habitants du Goush Etzion et, comme beaucoup d’entre eux, porte une kippa crochetée. Il vit ici et c’est là que l’armée l’a affecté. « Il y a 70 000 habitants sous les auspices de la brigade », précise-t-il.Tsahal travaille en lien étroit avec les coordinateurs de la sécurité civile. Durant les recherches, elle a aussi fait appel à des chiens de l’armée et à des pisteurs bédouins. « Nous avons mis l’accent sur la coopération. Outre la cartographie de la zone, nous avons beaucoup appris sur les espaces inhabités et sur les maisons que nous avons fouillées. »Vers la fin des recherches, des civils du Goush Etzion ayant appartenu aux services de renseignements se sont portés volontaires. « Ils sont arrivés avec des cartes et une connaissance du terrain qui nous ont beaucoup aidés. » Un bonus pour l’opération.Nous redescendons jusqu’au carrefour, où Dana-Picard prend bien soin de fermer toutes les ouvertures de la Jeep, avant de pénétrer dans le village de Khirbat Abu Rafat, au Nord de Hébron.Un tour completNous opérons ensuite un tour jusqu’au Wadi Zarka. La vallée est réputée pour ses nombreuses sources d’eau. A travers le grillage métallique qui couvre les vitres, nous voyons un petit garçon nous adresser un signe amical.La route, financée par l’Agence américaine pour le développement international, descend dans une vallée parallèle, puis parvient au sommet de Khirbat A-Safa. Des oliveraies nous entourent et la plaine côtière est bien visible à l’Ouest. A l’Est, s’étend Halhoul. Dana-Picard nous montre de nouveau l’endroit où les dépouilles des adolescents ont été retrouvées. Nous avons réalisé un tour complet de la ville.Sur le chemin du retour, le capitaine parle avec gravité de sa vie quotidienne. « Si nous parvenons à faire ce travail, nous, les militaires, c’est grâce à nos épouses, toutes ces femmes dévouées qui se tiennent à nos côtés. Que représente une semaine passée loin de sa famille ? C’est notre terre, et nous protégeons notre peuple, à peine 70 ans après Auschwitz. »Pour lui, il s’agit là d’une transformation considérable : un soldat juif indépendant capable de résister à ses ennemis. « Il y a un mois, à Rosh Hashana, toute la nation juive a inauguré une nouvelle année. Nous avons foi en l’avenir et nous disposons des moyens de faire de cette année une bénédiction. Nous travaillons jour et nuit à protéger notre peuple. »