Selon le rapport du Mossad, Khaled Meshaal est un leader charismatique avec une perception de la réalité déformée.
By YOSSI MELMAN
Amman, 1997 : tentative d’assassinat sur le dirigeant du Hamas, Khaled Meshaal. Tentative ratée puisqu’Israël a été sommé par la Jordanie de fournir l’antidote au poison utilisé par les agents du Mossad. Si Meshaal avait été supprimé, son successeur aurait-il été plus modéré ? Sans lui, le Hamas aurait-il osé s’embarquer dans les hostilités de ces dernières semaines à Gaza ? Un cessez-le-feu ainsi qu’un accord à long terme avec Israël auraient-ils été conclus ? La Jordanie aurait-elle rompu ses liens avec Israël comme elle l’en avait menacé il y a 17 ans ? Si ces questions ne sont pas forcément pertinentes d’après les historiens, elles offrent tout de même matière à réflexion.Le 30 juillet 1997, deux terroristes se font exploser au marché Mahane Yehouda de Jérusalem, tuant 16 Israéliens. Le Hamas revendique l’attentat. Binyamin Netanyahou, Premier ministre depuis seulement un an, et qui ne veut pas passer pour un dirigeant faible, convoque les cadres dirigeants du ministère de la Défense pour une réunion de crise. Il ordonne au chef du Mossad, Danny Yatom – également nouveau à son poste – de lui fournir la liste des membres du Hamas à éliminer : au moins 8 noms ressortent. Le premier est celui de Izz a-Din Sheikh Khalil, l’un des principaux agents de l’aile militaire du Hamas : originaire de Gaza et résidant à Damas, il était chargé de planifier des attaques terroristes en Judée-Samarie et également celle du marché de Jérusalem. C’est donc la cible parfaite. Comme l’écrira Yatom dans ses mémoires : « La liste de cibles potentielles que j’ai présentée tenait compte, entre autres, du rang de la personne au sein de l’organisation, du degré d’urgence à s’en débarrasser, de la difficulté à l’atteindre et des conséquences de son élimination. »La liste noire du MossadAssassiner Khalil aurait largement nui aux capacités opérationnelles du Hamas, mais les renseignements israéliens ne disposent pas d’informations suffisantes sur lui, sans compter qu’il aurait été difficile à atteindre dans sa résidence hautement protégée de Syrie. Il ne sera finalement tué que 7 ans plus tard lors de l’explosion de sa voiture, en dehors de Damas. Si personne n’a revendiqué cet assassinat, les médias arabes et internationaux se sont empressés de pointer du doigt le Mossad. Khalil avait également donné du fil à retordre à la Jordanie, qui ne s’est pas émue un seul instant de sa disparition, alors qu’elle s’était montrée furieuse de la tentative d’assassinat à l’encontre du leader du Hamas, Khaled Meshaal, 7 ans auparavant.Sur la liste du Mossad figure également le nom de Ziad Nakhla, membre du Djihad islamique, qui, sans être lié à l’attentat de Mahane Yehouda, porte la responsabilité de plusieurs autres attaques. Aujourd’hui leader adjoint du Hamas, il représentait le groupe islamiste lors des derniers pourparlers de cessez-le-feu au Caire.D’autres membres du Hamas, basés en Europe et impliqués dans des transferts de fonds afin de soutenir le terrorisme et ses actions de recrutement, se trouvent également sur cette liste noire. Mais les responsables du Mossad désignés pour choisir les cibles décident de les rayer de la liste, par manque d’informations, mais aussi par crainte de représailles diplomatiques de la part de leurs pays d’accueil.Le numéro 5 sur la liste du Mossad est Moussa Abou Marzouk. Actuel leader adjoint de l’aile politique du Hamas, il vit au Caire et fait office de délégué dans les pourparlers de cessez-le-feu. Durant trois ans, jusqu’en 1995, Abou Marzouk a été le chef politique du mouvement terroriste avant d’être expulsé de Jordanie et de s’exiler aux Etats-Unis où il a étudié, ce qui lui a permis d’obtenir la citoyenneté américaine. Il sera arrêté sur le sol américain par le FBI. Expulsé des Etats-Unis, il retourne en Jordanie et finit par s’installer au Caire.Selon le Mossad, Abou Marzouk est donc en tête de liste pour une élimination ciblée, mais Netanyahou y oppose son veto : le fait de viser un citoyen américain entraînerait inévitablement des problèmes avec Washington. Voilà comment, par défaut, on a finalement décidé d’assassiner le numéro 6 sur la liste, Khaled Meshaal.Une préparation bâclée« En ce qui concerne Meshaal », écrit Yatom dans son livre, « le Mossad pensait que sa disparition ne remplirait pas complètement les objectifs fixés, puisque le désordre au sein du Hamas ne serait que temporaire dans la mesure où il serait vite remplacé. »