Quand la Révélation atteint l’homme

Rappelons ce principe de nos sages : « La Torah ne suit pas toujours l’ordre chronologique des événements »

P24 JFR 370 (photo credit: REUTERS)
P24 JFR 370
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Le début, dans le chapitre XXI, 1 à XXIII, 19, qui concerne une série de lois, suit immédiatement la révélation du Sinaï. Elles sont introduites par la locution « et voici », ואלה, qui sous-entend qu’elles s’ajoutent à ce qui précède. Régissant la vie de tous les jours1, elles se terminent par le rappel du shabbat et des trois fêtes de pèlerinage (XXIII, 12-19) : Pessah, Chavouot et Souccot, en insistant sur le caractère agricole de chacune. Ce rappel fait aussi partie des choses quotidiennes de l’existence. Cette partie est clôturée par l’annonce de la rentrée en terre de Canaan sous la tutelle d’un ange. Là aussi, la Torah veut nous dire que la Révélation est quelque chose d’exceptionnel.

 

On passe donc, avec cette Parasha, des hautes sphères du don de la Torah à des considérations d’ordre pratique, matériel, concret. Dans de telles circonstances, c’est l’ange qui se substitue à Dieu. Il faudra lui obéir à la lettre comme on obéit à Dieu lui-même, car il est impitoyable (XXIII, 21) : il porte en lui le nom de Dieu. Cette notion d’ange peut s’entendre au sens large et symbolique ; il représente la conscience de l’individu ou du peuple. Il suffit d’avoir en tête l’idée de l’origine divine de la Torah pour suivre les impératifs de sa conscience. Dieu ne saurait nous dire à chaque instant et dans chaque circonstance comment il faut agir ; cela relève de notre conscience. Ce cheminement mène sans aucun doute à des résultats positifs : « Il bénira ton pain et ton eau et j’ôterai de ton sein toute maladie » (XXIII,25).

דם הברית entre Israël et Dieu (XXIV, 8).

 

 

Grands principes au quotidien

 


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Quoi qu’il en soit, ce chapitre nous apporte certains éclaircissements sur l’ascension de Moïse. Il n’est pas seul à monter ; il est accompagné d’Aaron, Nadab et Avihou, ainsi que des 70 Anciens d’Israël. Chacun atteindra son niveau de contact avec Dieu, mais seul Moïse arrivera le plus près de Dieu. Il écrit ensuite toute la Torah depuis Béréchit jusqu’à Ytro (Rachi sur XXIV, 4) et fait construire un autel sous la montagne ainsi que 12 stèles correspondant aux 12 tribus. Les servants seront des adolescents (נערי בני ישראל) qui feront office de cohanim car ces deniers n’ont pas encore été investis. Ces jeunes gens offrent des holocaustes et des sacrifices rémunératoires, et Moïse procède à l’aspersion du sang sur l’autel et sur le peuple pour confirmer l’alliance avec Dieu : « Ceci est le sang de l’alliance que l’Eternel contracte avec vous », הנה דם הברית אשר כרת ה' עמכם על כל הדברים האלה

Selon certains commentateurs (Méam Loéz), cette cérémonie de l’Alliance vient parachever le processus de conversion qui avait commencé par la circoncision à la sortie d’Egypte et l’immersion dans le bain rituel effectuée sur l’impératif divin : « Tu les sanctifieras aujourd’hui et demain et ils laveront leurs vêtements » (Exode XIX, 10). Le sang aspergé sur les vêtements du peuple le marque de façon indélébile dans sa qualité de « serviteur de Dieu » (

עבד ה׳) ; dorénavant il ne sera au service que de Dieu, à l’exclusion de toute autre servitude. Il faut peut-être voir dans cet événement la naissance spirituelle du peuple d’Israël, comme le suggère Amos H’akham dans Daat Miqra sur Chémot (p. 108-109). Moïse y est assimilé à une accouchée qui doit observer les 7 jours d’impureté suivis de 33 jours, avant d’être permise à son mari suivant la règle du Lévitique (XII, 2-4). Cette période de 40 jours aurait commencé le 7 sivan pour se terminer le 17 tamouz2.

 

Le נעשה ונשמע est riche d’enseignements. En dehors du sens courant donné par nos sages, selon lequel on doit obéir aux commandements avant même de les comprendre, il signifie, dans le sillage de notre raisonnement, que c’est dans les gestes de tous les jours que doivent s’incarner les grands principes du judaïsme. Là aussi, cette adhésion inconditionnelle du peuple à l’Alliance trouve tout son sens après la Révélation du Sinaï.

 

Quant à cette vision hors du commun dont bénéficièrent Nadab, Abihou et les 70 Anciens, elles annoncent les visions des prophètes postérieurs. A défaut de la clarté qui caractérise le pouvoir prophétique de Moïse (אספקלריה המאירה), ces derniers sont contraints de recourir à des images plus ou moins floues, plus ou moins expressives de la perception divine. Dans notre texte, le Dieu d’Israël (Jacob) est « vu » avec « sous ses pieds, comme une brique de saphir, pure comme l’essence des cieux. » כמעשה לבנת הספיר וכמעשה השמים לטהר

אצילי בני ישראל) n’aient subi aucun dommage à la suite de leur vision et qu’ils s’adonnèrent de surcroît à un véritable festin : ויחזו האלו'ים ויאכלו וישתו « Ils virent Dieu mangèrent et burent » (XXIV, 11). A ce niveau de perception, on ne subit aucun dommage. Cette précision est d’ailleurs conforme à l’esprit du judaïsme selon lequel on n’accède pas à Dieu par l’ascèse, l’abstinence ou la mortification du corps.

 

Si c’est bien aux prises avec les contingences terrestres que l’homme fait ses preuves, par des actes réels et physiques, il se doit d’éviter à la fois l’écueil du matérialisme excessif et celui du renoncement à la vie en niant le corps qui abrite son âme. u

 

 

1.Elles sont comme un complément indispensable aux Dix commandements. Ces derniers nous ont porté au sommet des valeurs fondamentales de la société humaine idéale : וn seul Dieu, le respect des parents, la valeur irremplaçable de l’être humain, le caractère sacré de la propriété individuelle, la condamnation de la débauche sexuelle… Il fallait ensuite traduire ces grands principes dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi nous avons sous les yeux les lois régissant le travail de l’esclave juif, le vol, les coups et blessures, les réparations des dommages causés (la loi du talion), le kidnapping, les vols par effraction, etc.

 

2.Signalons qu’Amos Hakham n’est pas d’accord avec Rachi et Ibn Ezra sur l’ordre chronologique du chapitre XXIV.

 

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Après Moïse, nul homme sur terre n’aura plus le privilège de contempler Dieu pleinement sans en mourir. On comprend dès lors que les Anciens (

Et le peuple de répondre d’une seule voix : « Tout ce que l’Eternel a dit, nous le ferons et nous l’entendrons. »

 

כל אשר דבר ה' נעשה ונשמע

 

וברך את לחמך ואת מימך והסירותי מחלה מקרבך

 

Vient alors le chapitre XXIV. Presque tous les commentateurs s’accordent à dire qu’il n’est pas à sa place chronologique. Rachi le reporte au 4 Sivan, avant le don de la Torah. Tandis que Ibn Ezra explique pourquoi il a été placé à cet endroit : Moïse ne devra monter sur le mont Sinaï qu’après avoir établi l’alliance de sang,