Il a certes débuté avec trois années de retard et coûté beaucoupplus cher que prévu, mais c’est un succès, se félicite l’ingénieur etconseiller pour le projet Moshé Lebel. Il commence même à devenir rentable !Alors qu’il devait transporter 40 000 à 50 000 voyageurs par jour, non moins de120 000 passagers en profiteraient quotidiennement.
« Il est incroyablement silencieux et confortable », poursuit Lebel, qui nousreçoit dans son nouveau bureau de la rue Yaffo, d’où l’on entend le tintementdes rames. « Bien sûr, on ne peut pas dire que cela ait été un sans-faute : parexemple, aucune clause de rachat de contrat n’a été prévue, de sorte qu’il nousest impossible de remplacer les fournitures étrangères par des israéliennes.Ainsi, la climatisation nous vient d’Espagne, alors que les systèmes conçus enIsraël sont de bien meilleure qualité. Elle ne suffit pas toujours pour lachaleur israélienne.
« A certains moments, nous avons vraiment cru que le projet ne verrait pas lejour. Le consortium, par exemple, n’était pas à la hauteur en matière desystèmes intégrés. Heureusement, nous avons fait appel à des experts, etceux-ci ont sauvé le tramway. »
Pas de catastrophes
Lebel est diplômé de l’Universitéhébraïque de Jérusalem en physique appliquée et a étudié la gestionindustrielle à l’université de Tel-Aviv. Il a créé et dirigé deux entreprises,la première qui fabriquait des pièces détachées de radars et de micro-ondes, ladeuxième des systèmes de tests informatisés. Il a travaillé au bureauscientifique du ministère du Commerce et de l’Industrie et au ministère de laDéfense.
Et enseigné au College of Technology de Jérusalem et au centre BESA d’étudesstratégiques de l’université Bar- Ilan, avant de se mettre à son compte commeconsultant indépendant.
En 1999, il a commencé à superviser les systèmes électromécaniques pour leréseau du Jerusalem CityPass.
La première ligne du tramway a commencé à fonctionner il y a près de deux ans,d’abord gratuitement, puis, quelques mois plus tard, de façon payante. Alorsqu’il a fallu 13 ans pour construire le tramway de Varsovie, qui opèreapproximativement sur la même distance (14 km), celui de Jérusalem n’en aréclamé que 8.
Certes, Lebel avait espéré boucler l’affaire en 5 ans, mais la topographie duterrain (roches, collines, vallées et rues sinueuses) en a fait un projet àpart.
Avant la mise en route, les prédictions catastrophiques allaient bon train : ondisait qu’au moins 4 piétons seraient tués dans des accidents la première année(en fait, il n’y a eu aucun mort), et que l’on pouvait s’attendre à unetrentaine de carambolages par mois (il y a eu à peine 3 ou 4 petits accrochagessans gravité).
A l’avenir, la compagnie compte rajouter un arrêt à Neve Yaakov, soit 2 kmau-delà des actuels terminus de Shouafat et Pisgat Zeev. A l’extrémité sud dela ligne, qui s’arrête au mont Herzl, on projette de prolonger les railsjusqu’au centre hospitalier universitaire de Hadassah Ein Kerem, mais les problèmessont nombreux.
Faire appel aux Chinois
« Il ne sera pas très difficile d’aller jusqu’àl’intersection du Moshav Ora », précise Lebel, « mais ensuite, la route quimonte sur Hadassah est très étroite. Il faudra, soit construire une routesupplémentaire en contrebas de l’artère actuelle, ce qui posera un problème desécurité si le tramway roule vite, soit creuser un tunnel dans la montagne, del’autre côté. » Ce dernier projet pourrait être confié aux Chinois,ajoute-t-il, puisque ceux-ci en ont déjà creusé dans le pays. « Les Chinoisfont ça très bien, pour moins du quart du prix demandé par les Européens.Seulement, si l’on met trop de temps à se décider, ils rapatrieront leurséquipements (actuellement sur un autre chantier) et il faudra prévoir unimportant coût supplémentaire pour les faire revenir ensuite. » Lebel déplorepar ailleurs que les utilisateurs du tramway jettent sur les trottoirs deJérusalem les reçus que leur délivrent les distributeurs automatiques enstation. « Il a été décidé dès le départ, pour des raisons de sécurité, qu’iln’y aurait pas de poubelles à l’intérieur ou à l’extérieur du train »,explique-t-il. « Mais on pourrait peutêtre placer de petits filets (comme despaniers de basket) pour recueillir les papiers inutiles.
Des filets à travers desquels on pourrait voir et dans lesquels on ne pourraitdonc pas dissimuler de bombes. » Actuellement, un deuxième projet de tramwayest à l’étude dans la région du Dan, sur la plaine côtière. A en croire Lebel,les ingénieurs qui en ont la charge n’ont pas pris la peine de consulter lesconcepteurs du CityPass. « C’est un tort », soupire-t-il. « Ils devraient seservir de notre expérience, qui leur éviterait de voir se poser les mêmesproblèmes qu’à nous ! »