Cette fois, ça y est. Dimanche 3 mars, BinyaminNetanyahou a rencontré le parti Shas pour lui annoncer qu’il devra sans doutese passer de lui. Le Premier ministre a enchaîné par une réunion de pourparlersavec Habayit Hayehoudi. Pas plus tard que la veille, samedi, Bibi s’en était prisà Yaïr Lapid et Naftali Bennett en les accusant de boycotter le secteurorthodoxe. Ce qui, avaitil scandé, était inacceptable. Mais dimanche, ilparaissait s’être fait une raison.
Le triumvirat à la tête de Shas – l’ancien ministre Arié Déri, le ministre del’Intérieur Eli Yishaï et le ministre du Logement Ariel Attias – a déclaré auPremier ministre que son entrée au gouvernement dépendait encore de lui. Et l’apressé de convaincre Shelly Yachimovich de rejoindre la coalition malgré tout,ce qui laisserait la voie libre à Shas.
Selon une source du parti harédi, ses dirigeants auraient eu la netteimpression que l’alliance Lapid-Bennett était trop difficile à briser. Et quele seul scénario qui permettrait malgré tout aux formations religieuses derejoindre Netanyahou serait celui où les 15 députés travaillistes entreraientdans la coalition, auquel cas les partis Yesh Atid et Habayit Hayehoudi (31mandats en tout) ne seraient plus nécessaires pour obtenir une majorité à laKnesset.
Cependant, Yachimovich ne s’est jamais départie de sa promesse de campagne dene pas rejoindre un gouvernement Netanyahou, même lorsque Bibi lui a récemmentproposé les rênes du ministère des Finances, de l’Industrie, et des Affairessociales. Si elle n’a pas refusé de le rencontrer, « par respect », la leader arépété a que son idéologie était « par trop différente de celle » du Premierministre pour pouvoir collaborer avec lui.
Le ton monte entre orthodoxes et nationaux-religieux
« Il semblerait que lelien entre Lapid et Bennett et leur haine des harédim soient inébranlables à cestade », a réagi une source officielle chez Shas. Par ailleurs, le parti arejeté une suggestion antérieure du Premier ministre selon laquelle ilrejoindrait plus tard le gouvernement, une fois ce dernier déjà formé. Shas asouligné qu’il ne souhaiterait pas rejoindre une coalition qui aurait adoptéune loi sur l’enrôlement des orthodoxes, une réforme sur le logement ou encoredes coupes budgétaires, ce qui, selon la formation, porterait préjudice ausecteur harédi.
Cette même source a prévenu que Shas saurait se souvenir « du comportement duparti national-religieux », c’est-àdire Habayit Hayehoudi, aux prochainesélections. « Lorsque les harédim seront à nouveau au gouvernement et que lesnationaux-religieux n’y seront plus, nous réagirons à ce qu’ils nous ont fait», a mis en garde cet élu qui souhaite conserver l’anonymat. Et de rassurer :il ne s’agira pas non plus de se venger cyniquement en soutenant les mesuresantiimplantations, les évacuations ou le gel des constructions, car telle n’estpas la ligne des partis orthodoxes sur ces questions.
Peu de temps après sa rencontre avec Shas, Netanyahou a reçu Bennett pour uneréunion décrite ensuite par le porteparole d’Habayit Hayehoudi comme « positiveet concrète ». Le président d’Israël Beiteinou, Avigdor Liberman, était ausside la partie. La discussion aurait porté sur le calendrier de la réforme del’enrôlement ainsi que sur des questions budgétaires.
Le négociateur en chef d’Habayit Hayehoudi, le député Ouri Ariel, a rapporté àla presse que le parti avait suggéré que les « fonds de coalition » soientannulés. Ces fonds sont accordés par l’Etat à différents secteurs de la sociétéisraélienne en fonction des partis représentés au gouvernement. Sous le mandatprécédent de Netanyahou, ils ont atteint presque un milliard de shekels par an.
Au lieu de quoi, le parti de Bennett a proposé que le budget 2013-2014 soitdéclaré « d’urgence nationale ». « Nous avons constamment dit qu’HabayitHayehoudi n’est plus un parti sectoriel, mais se soucie de tous les Israéliens.
C’est pourquoi il me semble que nous devons préconiser que ces fonds soientannulés », a commenté Ariel. « Nous nous sommes engagés à agir de façonresponsable et nous respecterons cet engagement ».
Le boycott : une méthode décriée
Plusieurs facteurs pourraient expliquerpourquoi le Premier ministre aurait finalement cédé face à l’alliance Lapid-Bennett. L’un d’entre eux est une lettre des rabbins du mouvement Tekouma, unmouvement d’extrême droite, qui apportent leur soutien à l’allianceLapid-Bennett. Le bras droit de Netanyahou, Natan Eshel, aurait précédemmenttenté de les convaincre au contraire de s’aligner sur les partis orthodoxes. «En dépit de l’hystérie médiatique, nous soutenons votre chemin qui est depréserver le monde de la Torah ainsi que les implantations sur la terred’Israël, en coopération avec Yaïr Lapid et le parti Yesh Atid », ont écrit lesrabbins Dov Lior, Haïm Steiner, Isser Klonsky et David Chaï Hacohen, dans unemissive adressée à Bennett et Ariel.
Dans la journée de dimanche, le ministre des Finances Youval Steinitz a faitpart de sa gêne à exclure les partis harédim du futur gouvernement. « LePremier ministre hésite à rejeter tout un secteur de la population », a déclarél’élu. « Ce n’est pas une situation souhaitable. Israël a besoin d’unecoalition aussi large et aussi stable que possible. Je n’aime pas ces manièresde boycott, qu’il soit direct ou indirect ».
Le ministre de l’Energie et de l’Eau, Ouzi Landau, s’est dit, pour sa part,optimiste à la perspective d’un gouvernement qui pourra oeuvrer sur des sujetsinternes et citoyens.
Mais a fait part de sa déception quant aux méthodes de Lapid et Bennett. « Nousavons l’opportunité de réaliser de grands changements en permettant à chacund’entrer dans le monde du travail, de s’enrôler dans l’armée, en réformant lemarché immobilier et le système électoral », a énoncé le ministre.
« J’appelle tous ceux qui adhèrent à ces idées, comme Bennett et Lapid, à ne paslaisser passer cette opportunité.
Nous devons faire en sorte que ces idées soient réalisées. Et pas par le biaisd’un boycott ».