Netanyahou sous le feu des critiques

Menace iranienne, campagne électorale, entrave au protocole et rivalité entre Républicains et Démocrates… Quand tous les ingrédients d’une crise diplomatique sont rassemblés

Benjamin Netanyahou (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Benjamin Netanyahou
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a défendu sa décision de prononcer un discours devant le Congrès le 3 mars prochain. Une allocution dans laquelle il s’opposera une fois de plus à l’accord que le président américain Barack Obama tente de négocier avec l’Iran sur son programme nucléaire. « En tant que Premier ministre de l’Etat d’Israël, je suis dans l’obligation de faire tous les efforts possibles pour empêcher que l’Iran ne parvienne à se doter d’une arme nucléaire qui sera pointée en direction de l’Etat d’Israël », a-t-il déclaré, en conseil des ministres dimanche. « Cet effort est universel et j’irai partout où je serai invité dans le but de faire entendre la position de l’Etat d’Israël et pour protéger son avenir et son existence », a-t-il expliqué plus tard dans la journée, lors d’un rassemblement du Likoud.
La semaine dernière, le président républicain de la Chambre des représentants John Boehner, qui soutient le renforcement des sanctions contre l’Iran, a invité Netanyahou à prononcer un discours devant le Congrès. Mais l’invitation a été envoyée sans que la Maison-Blanche n’en soit informée et Netanyahou a accepté, faisant un écart au protocole. Barack Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry ont tous deux répliqué, affirmant qu’ils ne rencontreraient pas Netanyahou lors de sa visite à Washington. Selon eux, il serait contraire à la politique de la Maison-Blanche de recevoir un candidat à une date si proche des élections israéliennes. De l’avis de tous, l’acceptation de l’invitation par Netanyahou a jeté un froid dans les relations entre les deux administrations, et pour cette raison ni Obama ni Kerry ne rencontreront le Premier ministre israélien. Cette semaine, la presse se délectait de cette affaire, annonçant que la crise entre les deux alliés était consommée.
Pourtant la Maison-Blanche refuse de parler d’incident diplomatique. Le chef du cabinet Denis McDonough a répété ces derniers jours au cours de nombreuses interviews que soutenir Israël est dans l’intérêt national des Etats-Unis. « La force de notre relation est qu’elle se base sur des valeurs communes, des menaces que nous affrontons et des opportunités que nous créons […] Nous continuerons de soutenir notre allié », a-t-il insisté.
Netanyahou, pris au piège ?
Netanyahou s’est déjà adressé au Congrès à deux reprises, en 1996 et en 2011. Cette troisième invitation est un honneur considérable. Seul l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill a prononcé trois discours devant le Congrès américain.
Le 3 mars prochain, quelques jours à peine avant la tenue des élections anticipées, le Premier ministre a donc l’intention d’exhorter le Congrès à voter une loi qui renforcerait les sanctions contre l’Iran, dans le but d’empêcher la République islamique de mener à bien son programme nucléaire. L’accord entre l’Iran et les six puissances – les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne – est une erreur et mettra Israël an danger, a répété Netanyahou dimanche. Pour sa défense, le chef du gouvernement a une position extrêmement stable sur la question iranienne. Il n’a manqué aucune occasion d’avertir la communauté internationale du danger que représente le programme nucléaire des mollahs pour l’Etat hébreu. C’est pourquoi l’invitation de John Boehner était difficile à décliner. Même si beaucoup estiment que Netanyahou se sert de ce voyage pour relancer sa campagne électorale, et détourner l’attention des questions socio-économiques – sur lesquelles il est moins à l’aise – vers les sujets sécuritaires qui sont ses éternels arguments de campagne.
Mais si le chef du Likoud, imaginant qu’une ovation au Congrès sera profitable à son image, utilise l’invitation républicaine à des fins électorales, le Congrès républicain utilise à son tour le Premier ministre israélien dans son rapport de force avec Obama. Netanyahou se retrouve au milieu d’une bataille qui oppose une fois de plus les Républicains au président américain. Ce dernier ayant annoncé la semaine dernière, lors de son discours sur l’état de l’Union, qu’il opposerait son veto à tout projet de loi sur un renfort des sanctions, alors que la possibilité d’un accord avec Téhéran est encore sur la table.
A moins que tout cela ne soit finalement que contre-productif. On apprenait lundi 19 janvier que le sénateur démocrate Robert Menendez, – à l’initiative, avec son homologue, le sénateur républicain Mark Kirk, du projet de loi sur le renfort des sanctions – projette de reporter le vote au 26 mars, date à laquelle les Six et l’Iran doivent parvenir à un accord de principe sur le programme nucléaire. Menendez espère que si les négociations n’ont pas avancé à cette date, son projet de loi bénéficiera d’un plus grand soutien. Beaucoup d’encre aura alors coulé pour rien…
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