1.6 million d'Israéliens sous le seuil de pauvreté

Un recul est amorcé mais les chiffres restent inquiétants.La classe politique utilise le rapport à des fins électorales.

1,6 million d’Israéliens sous le seuil de pauvreté (photo credit: DR)
1,6 million d’Israéliens sous le seuil de pauvreté
(photo credit: DR)
Tout dépend si l’on préfère voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Dans le premier cas, selon le rapport du Bitouah Léoumi (Institut national d’assurance) publié mardi 16 décembre, le nombre d’Israéliens vivant sous le seuil de pauvreté a baissé de 0,8 % en 2013. Passant de 3,25 % de la population en 2012 à 21,8 % pour l’année écoulée.
Mais même les plus optimistes ne pourront ignorer ces chiffres inquiétants : en Israël aujourd’hui, 1 658 200 personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Soit 1 Israélien sur 5, dont 756 900 enfants (30,8%), soit 1 sur 3. En tout, 432 600 ménages sont touchés, soit 18,6 % des foyers. La bonne nouvelle, c’est que ces données sont en légère amélioration par rapport à celles de 2012 où 1 754 700 Israéliens (19,4%), dont 817 200 enfants (33,7 %). Le taux de pauvreté parmi les personnes âgées est passé, lui, de 22,7 % à 22,1 %.
« La tendance générale est à la baisse, mais nous devons restés préoccupés », a commenté le professeur Shlomo Mor-Yossef, à la tête du Bitouah Leoumi.
L’emploi, la clé du succès ?
Le déclin enregistré est en grande partie dû à la hausse de l’emploi et à l’augmentation des salaires. Le taux d’emploi masculin est passé de 72,4 % en 2012 à 79,6 % en 2013. Et de 64,6 % à 70,3 % chez les femmes.
Si la pauvreté des ménages a baissé, c’est apparemment grâce à l’entrée du 2e conjoint sur le marché du travail : 45,7 % en 2012 à 50 % en 2013. Parmi les sans emploi, le taux de pauvreté a augmenté, passant de 66,1 % à 72,9 %.
La pauvreté a baissé au sein de la population arabe (de 54,4 % à 47,4 %) : un recul dû principalement à l’entrée sur le marché du travail de la population féminine.
Une hausse de l’emploi qui a semblé donc contrebalancer les coupes dans le budget des allocations familiales, décidées au mois d’août par le gouvernement. Mais selon l’auteur du rapport, le Dr Daniel Gottlieb, vice-directeur général pour la recherche au Bitouah Léoumi, l’effet réel de ces coupes, mises en application en milieu d’année, ne s’exprimera réellement qu’en 2015.
Pour les ménages ultraorthodoxes, la baisse des allocations familiales a déjà fait son effet : le taux de pauvreté passe de 60 % en 2012 à 66 % en 2013. Et d’après le rapport, parmi les ultraorthodoxes – qui ont généralement plus de difficultés à intégrer le marché de l’emploi — ceux qui travaillent gagnent seulement un peu plus que les chômeurs.
Les actifs ne sont donc pas forcément épargnés par la pauvreté. Le coût de la vie, du logement et de la nourriture ont entraîné de nombreuses familles en dessous du seuil de pauvreté. Est considéré comme pauvre un célibataire qui touche un salaire mensuel inférieur à 2 989 shekels ou un couple avec un revenu inférieur à 4 787 shekels. Avec 8 996 shekels, une famille de cinq personnes est considérée au-dessus du seuil de pauvreté.

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Selon le rapport, beaucoup de foyers au sein desquels le conjoint qui travaille gagne le salaire minimum vivent sous le seuil de pauvreté. Prenons l’exemple d’un couple avec deux enfants. Un parent travaille à plein-temps et le second à mi-temps. Si les deux touchent le salaire minimum, ils sont sous le seuil de pauvreté. Deux parents qui travaillent à temps plein au salaire minimum sortiront du seuil de pauvreté à la condition de n’avoir pas plus de quatre enfants.
Si le taux de pauvreté est en légère baisse, 1,66 million d’Israéliens continuent de renoncer à l’achat de produits de base ou de médicaments pour survivre.
Et le pays reste parmi les mauvais élèves de l’OCDE : en fin de classement, juste avant le Mexique et le Chili.
« Il est très surprenant qu’un rapport constate un recul de la pauvreté l’année où les allocations familiales ont baissé et où le coût de la vie et la TVA ont augmenté, l’année au cours de laquelle le gouvernement a poursuivi sa politique antisociale en réduisant les dépenses dans les domaines de la santé et des affaires sociales », s’étonne Eran Weintraub PDG de l’ONG Latet.
« Il n’y a pas de quoi se réjouir », affirme quant à lui Itzhak Kadman, chef du Conseil national pour l’enfant. « Près d’un enfant sur trois en Israël vit sous le seuil de pauvreté, et trop d’enfants sont proches de ce seuil. »
Au cœur de la bataille politique
La publication de ce rapport n’aurait pu mieux tomber, en plein cœur de la campagne électorale. La classe politique s’en est donné à cœur joie. Commentaires et critiques ont fusé de toutes les parts de l’échiquier.
Dans le camp de l’ancien ministre des Finances, Yaïr Lapid, on salue le progrès économique décrit dans le rapport. Le député Meir Cohen, encore ministre des Affaires sociales il y a deux semaines, s’est félicité de la baisse du taux de pauvreté, pour la première fois depuis 10 ans. « Ces chiffres sont encourageants et sont les résultats des mesures que l’ancien ministre des Finances Yaïr Lapid a prises dans les domaines de l’éducation, de la santé et du social », a-t-il déclaré, prévoyant que le budget 2015 proposé par Lapid aurait hissé 190 000 personnes âgées, 5 000 familles et des dizaines de milliers d’enfants au-dessus du seuil de pauvreté.
Pour le Likoud, ces chiffres sont le fruit de la politique menée par le gouvernement précédent, qui avait favorisé la création d’emplois.
Ce n’est pas l’avis d’Arié Dery. « Ces chiffres choquants font honte au gouvernement sortant et sont le résultat direct de l’exclusion de Shas de la coalition », a réagi le chef de file de la formation politique orthodoxe. Ajoutant que son parti se joindrait à une quelconque coalition uniquement si celle-ci augmente le salaire minimum à 30 shekels de l’heure et supprime la TVA sur les produits alimentaires de base.
Quant à Yahadout Hatorah, le parti a accusé le gouvernement sortant d’être composé « d’hédonistes qui ne savent pas ce que la pauvreté signifie ». Le député Ouri Maklev a déclaré sans détour : « Les gens qui se réjouissent de ces chiffres n’ont jamais connu la faim. La pauvreté ne faisait même pas partie de l’agenda du gouvernement. »
Au sein du parti travailliste, on utilise les conclusions de ce rapport pour demander la fin de l’administration Netanyahou. Itzhak Herzog a affirmé : la « crise sociale s’aggrave », et ajouté : la « direction actuelle n’a pas [les bonnes] réponses ». « La situation va bientôt changer, parce que nous dirigerons le pays avec un ensemble de priorités différentes », a-t-il prédit. Pour Shelly Yachimovich, elle aussi travailliste, les « 1 600 000 personnes pauvres mentionnées dans le rapport sur la pauvreté représentent environ 1,6 million de raisons pour ne pas voter Netanyahou ».
Le débat sur la situation socio-économique du pays est relancé… 
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