A quelques encablures de la Porte de Damas, l’Autorité des Antiquités Israéliennes (AAI) est confortablement installée dans les locaux du musée Rockfeller. Une bâtisse superbe, qui offre surtout une vue imprenable sur le mont des Oliviers et le mont Scopus – une seule et même colline, explique David Ohnona. D’entrée de jeu, celui qui officie au Département de l’ouverture au public et de l’éducation de l’institution, s’impose comme un hôte passionné. L’homme, qui multiplie les parcours de vie et collectionne les casquettes, voue désormais ses journées à l’archéologie. Voilà plus d’un an et demi qu’il a rejoint les rangs de l’AAI, corps gouvernemental indépendant créé sur décret de la Knesset en 1990, des cendres de son prédécesseur, le Département des musées et des antiquités d’Israël. L’organisme public a pour mission de faire appliquer la loi sur les antiquités, ratifiée en 1978. Sa mission première : administrer les découvertes, les fouilles, la conservation des antiquités et des sites archéologiques du pays. Une responsabilité qu’il a assumée des décennies durant, avec efficacité, certes, mais en comité fermé.Implication à grande échelleC’est avec l’arrivée d’un nouveau patron que l’institution va entamer une mue libératrice. Fin 2014, Israël Hasson reprend les rênes de l’AAI et imprime alors une vision novatrice : ramener les antiquités au cœur de la société israélienne. Un pari risqué pour cet ancien parlementaire Israël Beitenou puis Kadima, habitué à œuvrer sous le sceau du secret pour avoir navigué 23 ans dans les couloirs du Shin Beth. Mais ce natif de Damas, débarqué en Israël à l’âge de 7 ans, a bien compris que pour la pérenniser, il fallait insuffler de la vie dans cette vaste maison et son gigantesque patrimoine. Mobiliser chaque Israélien, jeune ou moins jeune, scolarisé ou retraité, en passant par les touristes et les nouveaux immigrants, pour que tous s’impliquent dans de grands projets de fouilles archéologiques, fidèles à une devise : aller à la recherche du passé pour vivre le présent et construire l’avenir. A l’heure actuelle, 35 000 sites sont répertoriés dans tout le pays. « La plus grande concentration d’histoire au monde », pointe David Ohnona, « toutes les périodes, toutes les civilisations sont représentées ici. Cette terre a été successivement conquise, reprise, ses villes ont été détruites. L’humanité est née ici, l’écriture et les trois religions monothéistes s’y sont développées. »Un joyau culturel, qu’il faut donc surveiller et maintenir. Toutes les bonnes volontés sont ainsi les bienvenues. Et c’est là qu’intervient Ohnona. Son rôle : recruter des volontaires et créer un réseau de bénévoles à l’échelle nationale. L’offre est immense, et couvre tout le panel des vocations et des compétences. L’Autorité des Antiquités Israéliennes se divise en quatre zones géographiques – le nord, le sud, Jérusalem et sa région, Tel-Aviv et ses environs. Elle compte également une unité spécialisée dans l’archéologie sous-marine, qui couvre les quatre mers d’Israël – mer Rouge, mer Méditerranée, mer Morte et lac de Tibériade – avec parfois jusqu’à huit à 10 épaves au m2, en particulier près des ports, parfaitement conservées quand elles sont ensablées, mais qui se couvrent et se découvrent au gré des tempêtes. Et enfin, des départements consacrés à la lutte contre le trafic d’antiquités et à la conservation, ainsiqu’un département des laboratoires, qui traite tous les objets mis au jour.Outre le travail de recherche proprement dit, le volontaire pourra ainsi aider à assembler des pièces de céramiques, reconstituer des mosaïques, trier des monnaies. Mais aussi photographier les fouilles, numériser des photos, faire vivre, en plusieurs langues, les six pages Facebook de l’AAI, animer ses réseaux sociaux, et donc écrire, traduire, etc.Un enjeu majeur Pour parvenir à ses fins, David Ohnona, meneur né, a plus d’un projet dans son sac. Fort d’un triple cursus de 3e cycle – en psychologie, sociologie et doctorat de l’ENSAM – businessman reconverti en guide professionnel qui s’illustre en Israël – spécialisé en histoire, archéologie et géostratégie – mais aussi en Pologne pour la Marche des vivants ou l’Expérience israélienne, instructeur de plongée à ses heures,Il souhaite parler à toutes les couches de la population. Aux jeunes, aux familles, même celles avec des enfants en bas âge. C’est d’ailleurs pour elles que l’AAI ouvre ses fouilles dans tout le pays, du nord au sud, même à l’occasion de certaine fêtes juives (Hanoucca). On peut y passer une semaine, une journée. Parce qu’il suffit d’une petite dose d’exploration pour être piqué par le virus, estime David Ohnona. « Les plus jeunes sont ravis, on leur met à disposition un immense bac à sable, ils ne veulent pas repartir », s’amuse-t-il.Par manque de budget, seule une poignée de sites archéologiques font l’objet d’excavations. L’Etat n’a pas les moyens de subventionner toutes les activités de l’AAI, qui compte donc sur les dons privés. « Soit on fouille scientifiquement, dans les règles de l’art, soit on préfère que l’archéologie reste sous terre, car ainsi, personne ne la détruit », explique Ohnona. « Le temps des antiquités est lent, ce qui est enseveli depuis des milliers d’années ne se détériore pas, sauf peut-être un peu en mer. » Pour autant, certains projets tiennent à cœur à l’institution. Elle en a sélectionné treize, qu’elle aimerait pouvoir réaliser dans les années à venir – douze sur le territoire israélien, et un en Pologne, dans le camp d’extermination de Sobibor où les fouilles sont réalisées par l’AAI (qui a mis au jour les chambres à gaz). Des projets qui se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers de dollars annuels. Comme celui de Tel Hadid, une colline biblique entre Tel-Aviv et Modiin. Ou la forteresse croisée d’Oum Haled, au cœur de Netanya, prévue pour faire l’objet d’un site de fouilles éducatives, qui pourrait, à terme, donner lieu à un musée. La mairie de la ville aimerait faire adopter le projet par le public francophone,pour que la jeunesse originaire de France et les familles résidentes ou de passage se chargent des fouilles, de la conservation et de la vie du site. Un enjeu majeur, à la fois éducatif, social et culturel pour l’AAI.« Car l’archéologie, c’est aussi un système de valeurs », ponctue David Ohnona. « On propose à nos volontaires de s’impliquer dans un projet, de voir un résultat, de comprendre l’enjeu de notre culture, et de rencontrer les gens passionnés que sont les archéologues. Et ainsi, on leur permet de se reconnecter à leurs racines, à leur histoire ».
Site Internet : www.antiquities.org.ilPour le volontariat : volunteers.iaa@gmail.comPour les dons : sm@israntique.org.il© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite