Le 7e art israélien parle aux francophones

Cet été, les écrans de la Ville blanche projettent des films locaux sous-titrés. Ou quand un festival d’été fait son cinéma en français

Notre Père, de Meni Yaesh (photo credit: DR)
Notre Père, de Meni Yaesh
(photo credit: DR)

On les compare souvent. Certains amateurs flattent leurs similitudes. Les cinémas français et israélien auraient pour dénominateur commun cette sensibilité psychologique, ce regard social, cette profondeur dramatique parfois. Au contraire des blockbusters du 7e art américain, adepte, lui, des effets spéciaux d’envergure à coups de budgets pharaoniques. Oui mais voilà, combien de francophones restent à l’écart des créations cinématographiques locales, rebutés par le fossé culturel. Niveau de langue insuffisant, manque de repères, méconnaissance des acteurs et des réalisateurs, autant de freins qui découragent bon nombre d’anciens et nouveaux immigrants, plus à l’aise avec leur parler d’origine.

C’est dans le but de jeter des ponts entre les deux cultures, d’encourager les Français d’Israël à s’immerger dans la production cinématographique du pays que l’Institut français de Tel-Aviv et l’Israel Film Fund, proposent, pour la première fois, un cycle de films israéliens sous-titrés en français. Du 2 juillet au 30 août, Un été de cinéma donne donc l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’actualité du cinéma bleu-blanc, à la Cinémathèque de Tel-Aviv.
Un biais d’intégration
Cela fait plusieurs années déjà que Katriel Schory, directeur de l’Israel Film Fund (Fonds israélien pour le cinéma) et un des principaux architectes de la renaissance du 7e art israélien, rêvait d’un tel projet. Il s’est ainsi tourné vers l’Institut français pour ouvrir les portes de l’industrie cinématographique israélienne au public francophone. « Nous avons été conquis par son idée », note Yael Baruch, responsable des projets culturels et audiovisuels de l’Institut, « car le cinéma israélien n’est sous-titré dans aucune langue et nous voulions que le public français puisse y avoir accès. »
Les deux organismes ont alors commencé à plancher sur un projet de festival, « guidés par la volonté de couvrir toute la complexité, la richesse et la diversité de la société israélienne », poursuit Baruch. Résultat : une programmation riche et variée, constituée d’opus récents, sortis sur grand écran entre 2014 et 2016. Comme The Wedding Plan, une comédie légère qui traite du mariage dans le milieu religieux. Ou Personal Affairs, sept fois nommé au festival de Cannes 2016, réalisé par Maha Haj, une Arabe israélienne, de même que Je danserai si je veux, qui s’intéresse à trois femmes palestiniennes. Le célèbre Zero Motivation traite, lui, sur le ton de l’humour, de l’armée. Home Port, avec pour décor le port d’Ashdod, aborde le milieu du travail et des grèves. A quiet heart est une confrontation entre deux mondes, le laïque et le religieux. Quant au jeune public, il n’a pas été oublié, avec Abulele, l’histoire d’un monstre des temps anciens, de Jonathan Geva.
« Nous avons essayé de balayer l’ensemble de la société israélienne », explique Yael Baruch. Cette dernière tient également à mettre l’accent sur la projection de deux films en arabe, Je danserai si je veux et Personal Affairs, sous-titrés en français, mais aussi en hébreu, « pour que francophones et hébraïsants puissent se côtoyer dans une salle de cinéma ». La Cinémathèque de Tel-Aviv, qui offre à l’Institut français « une belle coopération », a répondu présent tout de suite.
Car sous ses airs culturels, le festival a aussi la vocation d’être un vecteur d’intégration. « Comprendre la complexité et la diversité d’une société, cela aide à l’appréhender, et donc à s’intégrer », précise Baruch.
Vive la mixité
A un peu moins de la mi-parcours, les retombées sont très favorables, se félicite la responsable de projets culturels de l’Institut français. « Il s’agit d’un galop d’essai, mais le festival prend très bien, la plupart des projections affichent complet. Et nous y croisons un beau mélange de francophones et d’hébraïsants. » La preuve, selon elle, que l’initiative répond à une demande, celle de ces immigrants ou touristes de France qui n’avaient pas accès, jusqu’à présent, à un pan important de la culture locale.

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Le festival sera même amené à faire des émules. Séduite par le projet, la Cinémathèque de Jérusalem n’a pas caché son intérêt. « Pourquoi pas nous ? », s’est-elle écriée. L’an prochain, le projet devrait donc s’étendre à d’autres villes du pays. « Nous envisageons de renouveler l’expérience à Jérusalem, mais si tout fonctionne bien, pourquoi pas à Holon, Hezliyah, Netanya ou même Ashdod », avance Yael Baruch, « certes, certaines de ces villes ne comptent pas de cinémathèques, mais nous pourrons alors établir un partenariat avec une salle de cinéma, et ainsi aller à la rencontre de ces Français qui ne peuvent se rendre à Tel-Aviv. » Le rendez-vous est donc pris pour l’été 2018.
Pour cette première édition, c’est une sélection de huit films israéliens qui sont projetés à la Cinémathèque de Tel-Aviv les dimanches et mercredis à 17 heures et 19 h 30, et ce, jusqu’au 30 août. L’occasion de faire plus ample connaissance avec le langage cinématographique propre à chacun d’eux et de s’immerger dans la réalité israélienne sous tous les angles, via des situations burlesques, tragiques, ou encore poétiques. Autant de clés de compréhension pour mieux cerner une société complexe, riche et plurielle.
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