Benjamin Netanyahou était en visite officielle en Chine, invité par le président Xi Jin Ping. Objectif : marquer les 25 ans de relations diplomatiques avec l’empire du Milieu. « Célébrer » serait un mot plus approprié. En un peu plus de deux décennies, en effet, les deux pays sont parvenus à créer nombre de ponts et d’échanges significatifs dans bien des domaines, qu’il s’agisse du commerce, du tourisme, de la culture, des études et de la recherche universitaire, ou encore du dialogue politique et stratégique.
Le développement de ces relations bilatérales n’allait pourtant pas de soi. Malgré le fait que la Chine et Israël fassent partie des civilisations les plus anciennes, partageant, à ce tire, plus d’une caractéristique commune, et que les juifs aient vécu paisiblement dans le pays d’Asie jusqu’au XIIe siècle, les liens entre les deux nations ont été freinés par de multiples obstacles, aussi bien la guerre froide que des difficultés plus structurelles. Israël a reconnu la République populaire de Chine le 9 janvier 1950, se posant comme le premier pays du Moyen-Orient (et le septième du monde non communiste) à le faire, tandis que Pékin n’a reconnu Israël qu’en 1992. Bien que juifs et Chinois se focalisent pareillement sur l’éducation et la famille, et qu’il n’y ait jamais eu d’antisémitisme dans le pays d’Asie, la différence de leurs systèmes politiques et le fait qu’Israël et la Chine se soient trouvés dans des camps opposés durant la guerre froide, font que l’épanouissement actuel de leurs relations apparaît comme particulièrement inattendu et spectaculaire.
Un partenariat florissant
Pékin est ainsi devenu le partenaire privilégié de Jérusalem dans de nombreux domaines. L’empire du Milieu, qui représente aujourd’hui la seconde économie mondiale en termes nominaux et la première selon la parité du pouvoir d’achat, a naturellement émergé comme le plus important partenaire commercial de l’Etat juif en Asie, et le troisième plus important tous pays confondus. On observe ainsi une croissance constante du commerce bilatéral ces dernières années, qui se chiffre aujourd’hui à 11 milliards de dollars. Fait révélateur : Israël possède six représentations dans les différentes chambres de commerce de Chine, soit plus qu’aux Etats-Unis. Par ailleurs, les deux pays se sont entendus l’année dernière pour entamer des négociations concernant un accord de libre-échange. S’il faudra quelques années avant que celui-ci n’aboutisse, il permettra à terme de booster encore plus les échanges commerciaux, ainsi que la coopération dans d’autres domaines. Les firmes chinoises participent également activement dans des projets d’infrastructures à travers Israël, comme la construction du nouveau port d’Ashdod ou le tramway de Tel-Aviv.
Mais la Chine est beaucoup plus qu’un partenaire commercial. Elle investit également en masse dans le secteur blanc bleu du high-tech, créant de nombreux emplois en Israël. En 2015, près de 40 % des capitaux levés par les sociétés de capital-risque provenaient de Chine, tandis que les fonds d’investissement du pays d’Asie ont investi directement 500 millions de dollars dans les start-up de l’Etat juif. Face à cette tendance, plusieurs entreprises de high-tech israéliennes ont d’ailleurs commencé à réfléchir à des stratégies marketing ciblant spécifiquement la Chine. Les deux pays sont également des partenaires naturels dans le domaine de l’innovation, et plusieurs firmes chinoises ont implanté des centres de recherche et développement sur le territoire israélien.
Plus avant, la vision chinoise de One Belt One Road (OBOR) visant à connecter l’Asie et l’Europe à travers un réseau de voies terrestres et maritimes, offre à Israël une opportunité unique de prendre part à des projets à travers l’Asie, mais aussi de s’asseoir avec des pays avec lesquels il n’entretient pas de relations diplomatiques. C’est l’une des raisons qui explique que Jérusalem ait entrepris de devenir un membre fondateur de l’Asian Infrastructure Investment Bank (Banque asiatique d’investissements en infrastructures), un outil mis en place par la Chine afin de financer les projets de l’OBOR.
Pour ce qui est du tourisme, la croissance a dépassé les attentes avec le lancement des vols directs jusqu’à Pékin par la compagnie Hainan Airlines. Cette année, Israël espère établir une liaison directe pour Shanghai, tandis que Cathay Pacific commencera ses vols Hong Kong–Tel-Aviv en mars. La croissance du tourisme, enfin, sera encore renforcée par le visa pour entrées multiples valable dix ans, mis en place entre les deux pays depuis novembre dernier. Autant dire que la pénurie de guides parlant chinois dans l’Etat hébreu devrait encore s’accentuer…
Bémols diplomatiques
Ces dernières années, les liens bilatéraux se sont également développés au niveau diplomatique, avec un dialogue accru sur le plan des affaires stratégiques, mais aussi du terrorisme. Toutefois, cette entente connaît des limites sur nombre de dossiers, à commencer par le conflit israélo-palestinien. La Chine, qui a reconnu l’Etat de Palestine et qui fait partie des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, a soutenu la résolution 2334 de décembre 2016 condamnant les implantations israéliennes en territoires disputés. Un vote en défaveur de l’Etat hébreu qui est loin d’être le premier de la part de Pékin. « La question palestinienne est la source et la clé des problèmes du Moyen-Orient », a déclaré le représentant de l’empire du Milieu au Conseil des droits de l’homme de l’ONU encore tout récemment.
Enfin, l’incertitude entourant l’avenir des relations entre les Etats-Unis et la Chine avec l’élection de Donald Trump, constitue un autre défi pour les relations sino-israéliennes. La perspective d’une guerre économique entre les deux plus grandes puissances mondiales est un élément particulièrement inquiétant dans un contexte économique déjà agité.
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