Bernard Zanzouri, c’est l’histoire d’un mec qui aurait pu devenir show man, comique ou chansonnier. L’humour, le bon mot, ça le connaît. Eternel boute-en-train, le regard qui frise et le sourire en coin, ce fin observateur laisse traîner un regard vif sur ses contemporains et l’actualité. Mais l’homme fait dans la drôlerie bienveillante. Il moque et taquine avec une bonhomie devenue sa marque de fabrique. Le bon copain par excellence.A 50 ans passés, il est aussi de ceux sur qui le temps semble avoir décidé de lâcher prise. Silhouette et lunettes rondes, il se considère comme « un surfeur de la life ». Jamais stressé, rarement pressé, il écume les amitiés et les terrasses de café comme si la vie n’était pour lui qu’un long fleuve tranquille. Une positive attitude qui n’est pas pour déplaire à ceux à qui il consacre désormais son existence. Bernard Zanzouri est aujourd’hui un pédagogue franco-israélien autodidacte, qui a décidé de ne plus s’ignorer. Voilà 3 ans qu’il a monté sa structure, ADO (jeu de mot entre le diminutif d’Adolescent et l’acronyme d’Apprendre, Dépassionner, Objectiver), pour venir en aide à ces êtres en pleine mutation, bien souvent insondables, non seulement pour leurs parents, mais aussi pour les institutions qui les encadrent. Ses maîtres mots : protection et confiance. Savoir aimer, protéger, et en même temps responsabiliser. Autrement dit, rassurer sans étouffer.Savoir accompagner Pour Zanzouri, le jeune est « sans aucun doute la plaque tournante de la famille ». A cheval entre les mondes de l’enfance et de la maturité, c’est lui, bien souvent, qui met au défi la stabilité du foyer en remettant en cause l’ordre établi. Sa recette, en tant qu’éducateur ? Construire sur le bien. Miser sur le potentiel de réalisation qui se cache derrière chaque ado, même le plus problématique, pour l’aider à canaliser son énergie. L’accompagner pour aller vers le meilleur.Pour le pédagogue qu’il est, aucun cas n’est perdu. Rien n’est irrattrapable, « sinon, c’est qu’on ne croit plus en l’humain ». Au contraire : « Le bon éducateur doit se considérer comme celui qui vient à point sur le chemin du jeune. Il doit se sentir investi d’une mission, d’une grande responsabilité, pour qu’en retour, le jeune se dise qu’il a de la chance de l’avoir rencontré. Et qu’à travers ce regard constructif, il va enfin s’intéresser à ce qu’il est. La clé, c’est la bienveillance. » Sans pour autant tomber dans le tout-laisser-faire. Bernard Zanzouri veut poser des limites à toute théorie éducative, celles du bon sens, de l’instinct. « Ne pas mettre trop de poids sur la confiance. »Sa méthode, qui repose sur une bonne connaissance du fonctionnement de l’ado, vise à vulgariser les processus psychologiques et éducatifs pour laisser plus de place à l’action. Une approche qu’il a peaufinée depuis des années. Car l’éducation, Bernard Zanzouri est tombé dedans dès le plus jeune âge.Vocation précoce Ce Tunisien d’origine voit le jour à Sousse, avant de faire ses premiers pas en France où ses parents élisent domicile en 1963, quelques mois après sa naissance. Une période bercée par les « c’était mieux avant » d’une famille qui a laissé derrière elle la prospère entreprise de verre paternelle pour l’inconnu et l’insécurité financière. Atterrissage à Levallois, dans le sillage de quelques oncles et tantes. Ils dorment tantôt chez les uns, tantôt chez les autres, sur des matelas qu’on déplie à la tombée de la nuit. « L’époque des jambes », s’amuse Zanzouri. « On nous couchait à 20 heures, et comme nous n’avions pas le droit de nous lever, on voyait des pieds et des mollets passer sous notre nez toute la soirée. »Puis la petite famille pose définitivement ses valises dans un 9e arrondissement de Paris qui devient alors, en ce début des années 1970, un fief de ralliement pour la communauté séfarade. Ecole laïque et mouvements de jeunesse juifs pour les trois enfants de la fratrie. Si le karaté l’a sauvé, lui le second « derrière un frère grand et baraqué », le jeune garçon va surtout se réaliser en intégrant Tikvaténou, moins sioniste que son aîné le Bnei Akiva. Très vite, son caractère de meneur est remarqué, et il se voit confier des responsabilités éducatives : « A 17 ans, j’étais déjà formateur de moniteurs. » C’est là aussi qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme, et qui va le pousser à faire l’aliya. Une petite fronde pour celui dont les parents n’ont eu de cesse de prôner l’intégration en France. Surtout, ne pas avoir à expérimenter un second déracinement. Mais le rebelle leur fait front et déboule en Israël à tout juste 20 ans.A l’issue d’un premier cycle en sciences politiques à Har Hatsofim, il se rend compte que la discipline, « un monde de requins », n’est pas pour lui. Et opte pour une vie professionnelle à vocation communautaire, au service de l’Autre. Il crée le Cnef, l’extension israélienne de Tikvaténou avec laquelle il ne rompra jamais les liens, pour continuer à assumer des fonctions d’encadrement. Ou préside l’Unifan. Il conseille, mais surtout écoute, apprend sur l’humain et sur le jeune. Des jeunes fragilisésAu fil des ans, l’aliya devient aussi son domaine. Pas étonnant, dès lors, que l’association AMI se soit tournée vers lui pour mettre récemment sur pied le programme Alyado (contraction d’Aliya et d’Ado) pour favoriser l’intégration des jeunes. L’ado est souvent le parent pauvre de l’aliya, explique Bernard Zanzouri, les parents étant persuadés qu’il est suffisamment grand pour comprendre et que tout se passera bien pour lui. Une erreur, explique l’éducateur. Il cite ces jeunes relativement équilibrés en France, soudain en perdition après avoir traversé la Méditerranée, délaissés par des parents empêtrés dans leurs difficultés de nouveaux immigrants et en perte totale de repères. Une aliya se prépare, mais pas uniquement sur le plan professionnel, poursuit-il. « Si l’Agence juive organise une soirée d’information sur les questions de fiscalité, vous aurez 300 candidats à l’aliya. Mais s’il s’agit d’éducation, vous aurez cinq personnes dans la salle », déplore le pédagogue. « Les olim déclarent faire leur aliya pour leurs enfants, mais sans leur demander leur avis ni les y préparer. C’est dommage. »Et de mettre le doigt sur les différences culturelles et structurelles : « En France, les parents sont au centre de la famille, ce sont eux qui décident. En Israël, pays de l’enfant-roi, les jeunes sont au cœur de toutes les attentions. Et c’est souvent déconcertant pour des parents français. » Bernard Zanzouri revient sur son mantra : confiance et protection, dont le point d’équilibre peut évoluer avec l’aliya. Il donne pour exemple la fête de Lag Baomer, qui s’étend la nuit entière. « A plusieurs reprises, j’ai rencontré des parents fiers d’avoir accordé à leur ado la permission de minuit, alors que c’est là que les festivités commencent », explique l’éducateur. « L’aliya bouleverse tous les repères, les familles sont confrontées à tout un tas de changements, mais elles doivent aussi, et surtout, repenser leurs relations avec leurs enfants. » uOutre Alyado pour AMI, Bernard Zanzouri met également en place des projets avec le Cnef (vidéo courte pour expliquer Israël aux jeunes étudiants), Atid Israël (raconter l’Etat juif aux jeunes juifs de France). Il reçoit également des particuliers, et planche actuellement sur un Webinar, un atelier éducatif sur Internet à destination des parents ou des professionnels de l’éducation.
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