L’ambassade de Chine en Israël est située au 219 rue Ben Yehouda àTel-Aviv.
Ce bâtiment résidentiel de quatre étages, transformé en immeuble de bureaux,abrite 50 diplomates accrédités, ainsi que des dizaines d’employés sans statutdiplomatique, ce qui en fait la cinquième plus grande ambassade parmi les 83nations qui possèdent des missions diplomatiques permanentes en Israël. Si ellese voulait strictement représentative des relations sino-israéliennes, il n’yaurait aucun motif à cette surreprésentation : l’entente entre les deux paysest cordiale, sans plus.
La balance commerciale des deux nations représente 8 milliards de dollars, dontles deux tiers pour la Chine.
Dans une époque de mondialisation comme la nôtre, et en comparaison avecd’autres pays, ce chiffre n’a rien de mirobolant. Les balances commercialespour les couples israélo-américain et israélo-européen, sont respectivement deplus de 30 milliards de dollars, soit près de quatre fois plus. L’augmentationde cette balance commerciale et le souhait de booster les échanges sont unsujet brûlant qui a été au centre des discussions, à l’occasion de la récentevisite du Premier ministre Binyamin Netanyahou à Pékin.
Des relations avortées, un partenariat en berne
Dans l’arène diplomatique,Israël n’a, de manière générale, ni les leviers ni la possibilité d’influencerla politique étrangère de la Chine, et encore moins ses différents agissementsau Moyen-Orient. La politique de Pékin est dictée par deux mots : stabilité etpétrole. La Chine aspire à une stabilité au Moyen-Orient, de manière às’assurer l’approvisionnement en pétrole dont elle dépend, ainsi que diversesautres matières premières, vitales pour sa croissance économique.
Le cas de l’Iran est un bon exemple. A maintes reprises, les responsablesisraéliens – ministres, généraux, officiers des Renseignements – ont échoué àconvaincre la Chine de changer sa politique de soutien à Téhéran, en l’invitantà soutenir les sanctions invalidantes contre le régime des Mollahs, dans le butde stopper sa course effrénée à l’élaboration de l’arme nucléaire. Le dernieréchec en date remonte précisément à la visite de Netanyahou.
La situation se révèle être encore pire dans le domaine de la sécuritémilitaire.
A une certaine époque, les relations étaient plutôt bonnes.
Au milieu des années soixante-dix, avant que des relations diplomatiques nesoient mises en place, Israël a été la première nation occidentale à doter laChine d’un armement moderne.
Mais le sort de la vente d’armes israéliennes allait vite être scellé, alorsque 2 nouvelles transactions se dessinaient.
Tout d’abord celle du Phalcon des Industries aérospatiales israéliennes (IAI),destinée à transformer un avion commercial Iliouchine de fabrication russe, enversion espionnage « première alerte » pour l’aviation militaire chinoise. Etle second marché, incluant également IAI, concernait l’amélioration techniquedes drones d’attaque Harpy, dont les modèles de base avaient précédemment étévendus à la Chine.
Mais l’administration américaine de Bill Clinton (président des Etats-Unis àl’époque) pressentait l’émergence de la Chine en tant que nouvellesuperpuissance et donc adversaire potentiel. Elle posa donc un ultimatum àIsraël pour que le projet Phalcon et la nouvelle version des Harpy soitannulés. Israël protesta, mais finit par céder à la pression de son alliéstratégique qui était également son bienfaiteur financier. En conséquence,Israël allait perdre le très dynamique et très lucratif marché militairechinois, et sera contraint d’essuyer la colère de la classe dirigeantecommuniste, ce qui lui coûtera près d’un demi-milliard de dollars decompensation à Pékin, pour n’avoir pas honoré ses engagements.
L’espionnage épidémique de la Chine
Dès lors, pourquoi donc la Chines’emploie-t-elle à déployer toute une batterie de diplomates et autresemployés, au sein de son ambassade à Tel-Aviv, incluant une nuée d’officierspolitiques et du renseignement, des conseillers économiques et du monde dutravail, des attachés scientifiques et militaires, et même des hautsfonctionnaires dans le domaine du renseignement ? La réponse tient en un mot :l’espionnage ; ou de façon plus politiquement correcte : les efforts pourcollecter et rassembler des informations sur Israël, en insistant notamment surses trésors de technologies avancées.
Les médias internationaux ont fait état de rapports de plus en plus nombreux,concernant les activités d’espionnage des services chinois aux Etats-Unis même.Un rapport du Pentagone, partiellement relayé par le Washington Post, a révéléque les activités de l’espionnage chinois ont atteint un niveau épidémiqueincontrôlable. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’espionnage classique,c’est-à-dire le recrutement de sources humaines dans le but d’en faire desagents, bien que des officiers de l’Intelligence et des Renseignements chinoisaient été pris en flagrant délit de ce genre de pratiques sur le sol américain.
De nos jours, les efforts de la Chine en matière de collecte d’informations seconcentrent sur ce qu’on appelle la « cyber-guerre » (lutte cybernétique). Elleconsiste à pirater les systèmes informatiques pour en voler les donnéesconfidentielles qui y sont stockées. Pékin est également impliqué dans ledéveloppement de systèmes informatiques invasifs et le piratage de sitesstratégiques, tels que ceux des centrales électriques et des banques, qu’elle tentede saboter pour tester les capacités de cyberdéfense des Etats- Unis.
Selon un rapport du Pentagone établi par le Conseil consultatif des sciencesappliquées à la Défense, le génie informatique chinois a réussi à volerquelques-uns des systèmes d’armements les plus avancés des États-Unis, et àpercer les secrets de certaines techniques de pointe de son chasseur F-35 ainsique de sa dernière version du missile de défense antiaérienne Patriot.
De fait, la Chine a également compromis les capacités de défense militaired’Israël. L’aviation israélienne a en effet déjà signé des contrats d’achat duF-35 et l’Etat hébreu est amené à déployer des batteries Patriot pour protégerses frontières nord avec le Liban et la Syrie. Selon d’autres rapports, laChine aurait aussi piraté les agences de renseignement australien et mis lamain sur des données ultrasensibles.
Le porte-parole chinois a vivement démenti que sa République se serait renduecoupable de ces malversations, sans réussir à convaincre quiconque.
Dans leur course pour devenir la plus grande puissance économique et militaire,les dirigeants et agents du renseignement militaire chinois, ne font pas dansle détail.
Ils ciblent tous les pays développés qui disposent d’une technologiesophistiquée. Ainsi, ils ont usé des mêmes méthodes pour espionner aussi bienle sol israélien, son cyberespace, ses entreprises et ses institutionsscientifiques et militaires. Israël a un double attrait pour la Chine : d’unepart, superpuissance high-tech, et d’autre part, ses relationsmilitaro-scientifiques et technologiques privilégiées avec les Etats-Unis. Dansce domaine, les efforts déployés par les Chinois pour cibler Israël ne sont passans rappeler ceux des Soviétiques.
Des attaques en règle
Dès les années soixante et ce, jusqu’en 1980,c’est-à-dire avant l’effondrement du régime communiste, les opérationsd’espionnage dirigées contre Israël avaient pour but premier la collected’informations dans le domaine technologique et militaire, avec en toile defond, l’objectif de tirer parti des liens étroits qu’entretenaient Jérusalem etWashington. « En ce sens, Israël a été pour nous un tremplin pour pénétrerl’Amérique », a confié, au milieu des années 1990, le général VladimirKrioutchkov, dernier directeur du KGB avant le démantèlement du célèbre organede renseignement soviétique et son remplacement par une nouvelle structure.
« Les Chinois n’ont jamais cessé leurs opérations d’espionnage en Israël », m’aconfié une source de haut rang, familière du sujet. » Leurs moyens d’actionsont très diversifiés. Ils essaient d’obtenir des données à partir de sourcesouvertes, de recruter et de diligenter des agents dans les secteurs les plussensibles, comme les industries militaires, l’armée et l’aviation, et depénétrer la communauté du renseignement et les entreprises high-tech. » Onsuppose qu’à l’instar des autres puissances, l’ambassade de Chine à Tel-Aviv,abrite un réseau électronique et autres équipements sophistiqués, leurpermettant de faire bugger les communications israéliennes pour déchiffrerleurs messages codés, à l’aide du signal SIGINT, un signal envoyé à unprocessus afin de provoquer son interruption, bien connu du monde durenseignement.
Tout récemment, le professeur Itzhak Ben-Israel, l’un des meilleurs expertsisraéliens en matière de cyberespace, cybercriminalité et sécurité dans ledomaine technologique, a déclaré qu’Israël est confronté à des centaines decyberattaques quotidiennes. Ben-Israel, ancien général de division de l’arméeisraélienne, nommé il y a deux ans par Netanyahou pour créer un département delutte contre le terrorisme informatique, n’a pas précisé qui en étaient lesassaillants. Mais, selon une source bien informée, parmi eux se trouvaient enbonne position, des hackers chinois, fort probablement des officiersmilitaires.
L’ennemi de l’ombre
La lutte contre l’espionnage intrusif et la protection dessecrets d’Etat est entièrement entre les mains de l’Agence de sécuritéintérieure (le Shin Bet). L’Agence a affecté deux unités spéciales à cesmissions. L’une, de nature technique, est destinée à fournir des directives auxagents de sécurité et aux experts, quant à la façon de protéger les ordinateurset les systèmes de réseau sur les sites top secret, comme le réacteur nucléairede Dimona et les services de sécurité des industries militaires.
L’autre a la mission plus classique de traquer les espions.
Dans le passé, cette unité avait dans son viseur les espions de l’Unionsoviétique et ses satellites du bloc de l’Est. Les agents de cette unitésurveillaient les diplomates communistes, mettaient leurs téléphones sur écouteet pénétraient en infraction dans leurs ambassades. Mais avec la chute ducommunisme en Union soviétique et dans les pays d’Europe orientale, le Shin Beta déplacé sa cible. La Russie, qui, depuis, a tissé des liens avec leRenseignement israélien, n’en demeure pas moins dans le collimateur de lamission de contre-espionnage du Shin Bet. Mais la Chine l’est encore davantage.
Déjouer les activités d’espionnage d’agents en mission qui appartiennent à desEtats qui ne sont pas a priori hostiles, demande un certain doigté. Pasquestion de froisser les susceptibilités des superpuissances. Pas étonnant quele Shin Bet redouble de prudence, dès lors qu’il s’agit de gérer la présencechinoise en Israël. L’ambassade de Chine, certains de ses diplomates, ainsi quecertains hommes d’affaires chinois, sont sous haute surveillance.
Evaluer l’ampleur des opérations d’espionnage chinois en Israël n’est pas unemince affaire. Affirmer si ces diplomates ou hommes d’affaires chinoissuspectés sont véritablement coupables et estimer dans quelle mesure lesintérêts israéliens vitaux sont en danger non plus. « Mais ce qui est sûr », adéclaré la source de haut rang, « c’est que les Chinois sont trèsprofessionnels et aguerris dans l’art de l’espionnage et la collecte derenseignements. Pour preuve, les Etats-Unis et d’autres pays, en ont déjà faitles frais. Il n’y a aucune raison de penser qu’Israël leur a échappé et decroire que leurs efforts n’ont pas fait mouche ici aussi. » Le Shin Bet et leporte-parole de l’ambassade de Chine se sont refusés à tout commentaire.
Yossi Melman, est un spécialiste dans le domaine de la sécurité et durenseignement, un des piliers du site www.thetower.org et contribuerégulièrement aux colonnes du Jerusalem Post.