« Abbas ne reconnaît pas le droit d’Israël à exister »

Le ministre des Relations internationales Youval Steinitz évoque la situation géostratégique israélienne

P6 JFR 370 (photo credit: (Sebastian Scheiner/Reuters))
P6 JFR 370
(photo credit: (Sebastian Scheiner/Reuters))

La proximité,c’est l’accès, et l’accès, c’est l’influence ? Dans ce cas, le ministre desRelations internationales Youval Stenitz, en dépit d’un portefeuille assez maldéfini, a beaucoup d’influence. Son bureau de Jérusalem est situé dans le mêmebâtiment que celui du Premier ministre Binyamin Netanyahou et il y pénètre bienplus régulièrement que la plupart des autres membres du gouvernement. De plus,à la Kiriya de Tel-Aviv, quartiers généraux de Tsahal d’où Netanyahou travailletous les jeudis, voire plus en temps de crise, Steinitz siège au même étage, àquelques portes seulement de Bibi.

Il ne fait pas partie du cabinet de sécurité, réduit à 7 ministres, mais il al’oreille de Netanyahou qui l’inclut dans la plupart de ses rencontres avec desdirigeants étrangers. L’élu s’est entretenu avec le Jerusalem Post, livrant uneanalyse détaillée de la situation régionale et des événements qui attendentIsraël en ce début d’année.
En quoi le Printemps arabea-t-il modifié la position géostratégique d’Israël ?

C’est difficile àdire, car ce n’est pas fini et c’est une situation compliquée. D’un côté,l’extrême instabilité du Proche-Orient n’est certainement pas bonne pour nous.Plus l’instabilité est grande, plus le risque d’explosion augmente. Et plus lescellules terroristes et autres groupes djihadistes peuvent opérer à proximitéde nos frontières. Regardez ce qui se passe dans le désert du Sinaï.

D’un autre côté, il est évident que ces événements, et en particulier la guerrecivile en Syrie, affaiblissent l’armée syrienne. Damas étant un de nos plusgrands ennemis et une des plus grandes sources de menaces pour Israël, dans unecertaine mesure son affaiblissement améliore donc notre situationgéostratégique.
Le fait est que deux des grandes armées arabes qui se joignent généralement auxguerres contre Israël ont été neutralisées ces 10 dernières années. Je veuxparler de l’armée syrienne, dont l’efficacité de combat a été réduite de moitiéou même de trois-quarts depuis 3 ans, et de l’armée irakienne qui n’existe plusen tant que telle depuis la guerre de 2003.
Mais, en parallèle, la menace iranienne a pris de l’ampleur. Téhéran cherchetoujours à se doter de l’arme nucléaire et possède des missiles longue portée.Donc, je vous le disais, c’est compliqué : certaines menaces sont en retrait,d’autres sont en expansion.
Avec tous les regardstournés vers la Syrie, l’Egypte a disparu des médias. Que s’y passe-t-ilaujourd’hui ?

L’arméeégyptienne fait de grands efforts pour restaurer l’ordre dans le Sinaï, ce quenous apprécions. La situation semble progressivement retourner au calme.

Redoutez-vous que lesEtats-Unis ou l’Union européenne cessent leur aide financière à l’Egypte ?

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Il me semble queWashington et Bruxelles comprennent de plus en plus que le mieux à faire est depermettre à l’Egypte de se stabiliser, avec l’espoir d’une amélioration de lasituation économique, d’une stabilité politique et peut-être de nouvellesélections à un moment donné.

Quelles sont lesconséquences de cette tournure d’événements pour le Hamas à Gaza ?

Le Hamas estaujourd’hui sur ses gardes, et il a de quoi. Le mouvement a perdu confiance. Endernière analyse, il s’est toujours considéré comme faisant intégralementpartie des Frères musulmans… On a toujours pensé que lorsque des forcesislamistes prennent le pouvoir dans le monde arabe, c’en est fini, comme c’estle cas en Iran, car elles prennent les rênes pour des dizaines d’années, sinonplus.

Mais on voit aujourd’hui qu’un règne islamiste est réversible. Pour le Hamas,c’est un grand choc. Ils ont toujours pensé que Gaza resterait sous leur joug àjamais. Il est encore trop tôt pour dire si les conséquences de tout cela sontvisibles sur le terrain. Mais nous percevons beaucoup de nervosité et desuspicion.
Il y a deux ans, après lalibération de Guilad Schalit, il semblait que le centre de gravité s’étaitdéplacé de Ramallah à Gaza. La tendance s’est-elle inversée ?

Oui, et c’estpeut-être l’un des raisons pour lesquelles le chef de l’Autorité palestinienneMahmoud Abbas a décidé de renouveler le processus diplomatique.

Ce qui s’est passé en Egypteaurait donc influencé le dirigeant palestinien ?

Oui,indirectement. C’est l’ensemble des événements dans le monde arabe qui l’ainfluencé. Mahmoud Abbas n’était pas très enthousiaste à l’idée de reprendreles négociations. Il était très réticent. Il s’est comporté comme si quelqu’unlui forçait la main. Cela nous a surpris, car c’était contradictoire : d’unepart, il cherchait à promouvoir un Etat palestinien, mais d’autre part, il arepoussé les négociations pendant plus de 4 ans.

Bien entendu, il y a eu la pression du secrétaire d’Etat John Kerry, mais mêmecela ne suffisait pas. Les Etats-Unis faisaient pression depuis plusieurs mois,mais il refusait. Sa décision de renouveler les négociations sans préconditions– à l’exception d’une libération limitée de prisonniers – est arrivée après quela Ligue arabe lui ait demandé de reprendre les négociations. Et pourquoi laLigue arabe a-t-elle soudainement demandé à Abbas de cesser de se montrerobstiné et de recommencer à négocier ? Parce qu’elle a compris qu’il était deson intérêt de calmer le jeu sur le front israélo-palestinien, alors que laSyrie et l’Iran émergeaient comme des problèmes de plus en plus importants.
Etonnamment et paradoxalement, le monde arabe se sent aujourd’hui menacé parTéhéran et ses efforts pour créer un axe chiite depuis l’Iran jusqu’au Liban enpassant par l’Irak et la Syrie. De plus, obtenir l’arme nucléaire conféreraitl’hégémonie aux Iraniens sur le Golfe persique et le monde arabe en général. Ducoup, ce dernier ne se sent pas moins menacé qu’Israël. Il se dit : « Voilà unemenace plus grande que l’“occupation” israélienne en Judée-Samarie. 100 000morts en Syrie, un million de réfugiés, la tentative de transformer la Syrie enEtat chiito-iranien… » Tout cela peut avoir un impact majeur au Liban et enIrak. Si Téhéran réussissait, le Golfe persique et la Jordanie seretrouveraient à moitié encerclés par cet axe chiite. Ils ont donc tapé dupoing sur la table et dit à Abbas : on arrête les idioties et le jeu despréconditions, et on parle aux Israéliens. Après la déclaration de la Liguearabe, il n’a plus eu le choix.
Souhaitait-il dire « oui » ?

Je n’en saisrien. J’espère me tromper, mais les intentions de Mahmoud Abbas me paraissentdouteuses. On a bien vu le temps et les pressions qu’il lui a fallu pouraccepter de retourner à la table des négociations. Il y a également autrechose. Alors même que nous parlons de ces pourparlers, que la ministre de laJustice Tzipi Livni et le négociateur palestinien Saeb Erekat se sont rendus àla Maison Blanche pour se dire des belles choses en anglais, l’incitation à lahaine contre Israël, contre ses citoyens et contre les Juifs, ne faitqu’empirer. L’antisémitisme progresse, non pas à Gaza dans les écoles du Hamas.Non ! En Cisjordanie, dans les écoles et les médias d’Abbas.

Mon ministère surveille l’incitation à la haine palestinienne et publie unrapport tous les 6 mois. La semaine dernière, je l’avais sous les yeux. Vouslisez cela et vous avez envie de tout laisser tomber. On se dit : commentpeut-on tenir des négociations de paix et parler de coexistence ? Tout ce quise dit entre les lignes dans les livres d’écoles d’Abbas, c’est qu’un jourIsraël disparaîtra et que les Palestiniens retourneront à Haïfa, à Jaffa, àBeersheva, à Tibériade, Safed, Eilat, Beit Shéan et Ashdod. Pendant que nousnégocions, ils éduquent leurs jeunes générations à la haine d’Israël, à l’idéequ’en fin de compte les Juifs seront éliminés de Palestine, du Proche-Orient ouéliminés tout court. C’est cela le sous-texte. Et parfois, c’est même dans letexte.
Lorsqu’on évoque cela avec d’autres, par exemple des diplomates européens, ons’entend répondre qu’ici aussi certains parlent du Grand Israël ou que certainsrabbins tiennent des réponses racistes. Cette réponse me met hors de moi. C’estun ministre des Affaires étrangères que je ne nommerai pas qui m’a dit cela.J’ai été très clair : c’est un mensonge et une déformation de la réalité. Je nedis pas que l’on ne peut pas trouver quelques exemples en Israël, des extrémistesqui tiennent des propos extrêmes contre les Arabes. Mais vous ne trouverez pasd’appel à l’extermination des Arabes ou de la Palestine dans notre systèmescolaire, dans les manuels ou les sites Internet. C’est une différencecapitale.
Si telle est la tendanceactuelle, y a-t-il une raison de penser que les pourparlers réussiront ?

C’est une trèsbonne question. Lorsque le Premier ministre Binyamin Netanyahou reçoit desvisites de l’étranger, il dit toujours, et avec raison, qu’il est important decomprendre la nature du conflit. La source du conflit israélo-palestinien, cen’est pas les implantations, la frontière ou l’occupation. Pourquoi ? Parce quece conflit a commencé il y a 100 ans, alors qu’il n’y avait pas d’implantationsen Judée-Samarie.

Il mentionne toujours que dans les années 1930, le grand mufti de Jérusalem, leleader palestinien dominant d’alors, soutenait ouvertement les nazis, affichaitla croix gammée à Jérusalem, avait voyagé à Berlin pour rencontrer Hitler.Après le procès de Nuremberg, on a appris qu’ils avaient même évoquél’extermination des Juifs lors de cette rencontre et que le mufti avaitencouragé Hitler dans cette voie.
L’antisémitisme et le refus de reconnaître les droits fondamentaux des Juifsont commencé bien avant l’« occupation » de 1967. Les Palestiniens ont refuséde reconnaître notre existence après le plan de partage de 1947, et il y a eude nombreux actes terroristes jusqu’en 1967. C’est pourquoi la question estsurtout de savoir si Mahmoud Abbas et le peuple palestinien sont prêts à uncompromis historique. Compromis où ils reconnaîtraient non seulement Israël,mais aussi le droit d’Israël à exister. On ne peut reconnaître ce droit sansreconnaître l’existence du peuple juif et son droit à posséder un pays qui luiest propre.
A l’heure actuelle, Abbas ne reconnaît pas le droit d’Israël à exister. Ilreconnaît que l’Etat existe, à la manière des Iraniens (même ceux qui veulentvous exterminer sont bien obligés de reconnaître que vous existez, puisqu’on nepeut pas détruire ce qui n’existe pas). Mais Abbas reconnaît-il le peuple juif? Non. En général, il ne dit même pas le mot « juif » ou « peuple juif ». Si onle pousse dans ses retranchements, en anglais, il dira qu’il y a une religionjuive ou des gens qui pratiquent la religion juive. Car s’il reconnaissait lepeuple juif, alors ce dernier aurait peut-être les mêmes droits que le peuplepalestinien. Et où est donc la patrie de ce peuple juif ?  

Pensez-vous quetout cela peut changer dans les 9 mois alloués aux négociations en cours ?

Je ne sais pas.Je pense que cela aurait dû arriver au début des négociations, ou même avant.Nous ne voulions pas fixer de préconditions, mais je pense que lareconnaissance mutuelle est une précondition à tout dialogue authentique. Ilfaut d’abord se reconnaître mutuellement et ensuite élaborer des solutions.

Aujourd’hui la situation est la suivante : nous avons reconnu le peuplepalestinien, ses droits fondamentaux, y compris ses droits nationaux, mais lesPalestiniens n’ont pas reconnu le peuple juif et ses droits fondamentaux.
Pourquoi négocier dans cecas ?

C’est la bonnechose à faire d’un point de vue géostratégique. Nous sommes très suspicieux,mais nous gardons toujours l’espoir qu’un jour un véritable traité de paixverra le jour, dans lequel le droit d’Israël à exister sera reconnu.

Quelles sont cesconsidérations géostratégiques ?

Tout d’abord,c’est le souhait des Américains. Nous garantissons notre sécurité et nosintérêts stratégiques, mais nous sommes également à l’écoute de nos amisaméricains. Il n’y a pas de raison de s’en cacher. De plus, reprendre lesnégociations était la bonne chose à faire au vu de l’ébullition auProche-Orient. Il fallait réintroduire un sentiment de stabilité et de progrèsentre nous-mêmes et les Palestiniens. Inch Allah, comme ils disent…

Avez-vous desraisons d’espérer une autre issue cette fois-ci ?

Non, mais nousdevons essayer. Ce qui est malgré tout encourageant à mes yeux et qui pourraitnous aider à l’avenir, ce sont les propos du président américain Barack Obamalors de sa visite en mars dernier. Ce qu’il a dit ici, mais aussi à Ramallah.Il a dit très clairement qu’Israël, c’est l’Etat juif. Il a appelé lesPalestiniens à cesser d’ignorer cela, et aussi, plus important encore, decesser d’ignorer le lien historique et particulier qui existe depuis plus de 3000 ans entre le peuple juif et Eretz Israël. A Ramallah, il l’a dit entre leslignes : arrêtez de falsifier l’Histoire. Le peuple juif existe. Sa patrie,c’est ici et nulle part ailleurs. Les Juifs ont une relation historique avec cepays, bien plus ancienne que la plupart des peuples. Ce sont des faits, cessezde les ignorer.

A propos du président Obama,sa fameuse mauvaise relation avec le Premier ministre a disparu de la presse.Que s’est-il passé ?

Plusieurs chosesse sont produites. Tout d’abord, avant les élections, il y a eu une campagnedans les médias pour grossir tout ce qui était négatif. Tous les désaccords, deci de là, entre Israël et les Etats-Unis, ont été transformés en une horriblecrise entre Netanyahou et Obama. Et puis les élections sont passées, et Obamaest venu pour sa première visite en tant que président, une visiteextraordinairement amicale. Ce qui montre bien que parfois les médias gonflentcertains faits sans raison.

Mais les tensions étaientindéniables pendant le premier mandat d’Obama…

Quelques tensionsici ou là, ce n’est pas la fin du monde. Obama est arrivé en Israël avec laferme intention, entre autres, de dire : « Je suis l’ami de Netanyahou. Je suisun véritable ami pour le peuple juif et Israël, je m’engage aux côtés d’Israël,et rien – y compris les désaccords et les tensions – ne viendra se mettre entrenous ».

Venons-en à présent àl’Iran. Quelle est la position d’Israël sur les négociations des grandespuissances avec Téhéran ?

Ces dernièressemaines, je suis allé à Berlin, Paris et Londres, et j’ai rencontré àplusieurs reprises les ministres des Affaires étrangères des 3 pays européensqui font partie des négociateurs (la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne).J’étais venu avec un message clair. Chacun sait que la menace nucléaireiranienne est la plus importante au monde aujourd’hui. Mais il faut bien encomprendre l’ampleur : l’Iran est trois fois plus dangereux que la Corée deNord. Pourquoi ? En raison de la taille de son industrie nucléaire, mais ausside la taille de ses ambitions.

La Corée du Nord a fabriqué 5 bombes atomiques ces 5 dernières années. Elle estdonc capable d’en produire 1 ou 2 par an. Or, si les Iraniens parvenaient àleurs fins, ils auraient les moyens d’en produire 7, rien que la premièreannée. Ensuite, ils passeraient à environ 20 bombes par an. En 10 ans,contrairement à la Corée du Nord, Téhéran pourrait donc avoir produit plus de100 bombes. En parallèle, le régime développe des missiles balistiquesintercontinentaux. A l’heure actuelle, tout le Proche-Orient, y compris Israël,mais aussi une partie de l’Europe est à sa portée.
Quant aux ambitions, elles sont là aussi très différentes. En Corée du Nord,personne ne parle de changer l’équilibre des forces mondiales, ou d’exporter larévolution en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis. Ce qui intéresse le régime,c’est sa survie et peut-être aussi d’extorquer de l’argent.
Mais voilà 30 ans que les Iraniens évoquent un objectif historique, et lebesoin de modifier une fois pour toutes la donne entre l’iIslam et l’occident.Ils disent qu’il faut changer le monde. Cela n’a rien à voir avec la Corée duNord.
Les Européens sont-ilsd’accord avec cela ?

Oui, ilscommencent à comprendre ce qui se passe. Ils comprennent que, si l’Iran devientune puissance nucléaire dans les 2 ou 3 ans à venir, il leur faudra dépenserdes milliards en défense antimissile pour protéger leurs grandes villes, commec’est le cas aujourd’hui en Corée du Sud, mais aussi au Japon, à cause de cequi se passe en Corée du Nord.

Le plus grand danger, aujourd’hui, c’est que les Iraniens essayent d’obtenir unaccord partial et prennent des mesures destinées à rassurer l’Occident. Lenouveau président iranien Hassan Rouhani s’est présenté pendant les électionscomme un maître de diplomatie et de rhétorique. Il était très critique àl’égard du président sortant Mahmoud Ahmadinejad. Mais son message était dedire qu’Ahmadinejad avait eu la bêtise de se présenter sous son vrai jour etd’alerter l’Occident, tandis que lui pourrait poursuivre les mêmes objectifstout en rassurant diplomatiquement.
Rohani a écrit un livre décrivant son poste de négociateur avec les puissancesoccidentales et comment il a réussi à les manipuler, en acceptant certainscompromis tout en évitant de freiner véritablement le programme nucléaireiranien. En retour, certaines sanctions économiques contre l’Iran ont étélevées, et la menace militaire a été momentanément écartée. Voilà ce qu’il aécrit dans son livre… Voilà le danger qu’il représente. Il a jadis déclaré dansune interview qu’il était malin et charmeur, qu’il sourirait jusqu’au bout,jusqu’à l’obtention de la bombe.
Quelle doit être la positiond’Israël face à cela ?

Il faut biencomprendre que nous sommes face une tentative iranienne pour se dégager unespace de manœuvre, y compris dans les médias internationaux. Il y a quelquessemaines, j’ai lu avec inquiétude un éditorial du New York Times qui appelait àune entente cordiale avec Rouhani, qualifiant son élection de nouveau tournantiranien. Cela m’inquiète beaucoup, car c’était une décision du régimed’employer Rohani pour influencer l’Occident.

Quant à notre position, il faut tout d’abord juger l’Iran sur ses actes, et nonsur sa rhétorique. Ensuite, et de façon plus importante encore, il est possiblede dialoguer avec le régime, mais pas par la voie des négociations. Nous avonsd’ores et déjà perdu 4 ans. Deux années supplémentaires seraient bénéfiques auxIraniens. Il faut négocier d’un seul coup, en une seule fois. Il faut dire : «Trop, c’est trop. Prenez des décisions. Vous êtes face à un dilemme. Si vousvoulez sauver l’économie iranienne, abandonnez le projet nucléaire et suivezles résolutions de sécurité de l’Onu. Continuez de la sorte, et vous détruirezl’économie iranienne, d’ores et déjà très mal en point, et vous vous exposerezà une humiliante attaque militaire à l’encontre de votre industrie nucléaire.Vous avez le choix entre ces deux voies, et il n’y a pas de 3e option, pas devoie diplomatique ». Voilà à mon avis ce qu’il faut leur dire.
Ce que je crains particulièrement, c’est que Rohani – peut-être même lors deson discours à venir devant l’Onu — fasse des gestes d’apaisement. Il pourraitdire qu’il a décidé, ou qu’il a convaincu le Guide suprême Ali Khamenei, degeler l’enrichissement d’uranium à Qom pendant 4 mois, ou de permettre auxinspecteurs occidentaux de se rendre sur le complexe militaire de Parchin. Etil exigera un geste réciproque, quelque chose en retour.
C’est le plus grand danger, car Téhéran veut « diluer » les sanctions. On peuttrès bien geler un site pendant quelques mois, tout en poursuivant l’activitésur un autre… Et à l’instant où la communauté internationale allégera sessanctions, il sera très difficile de faire pression de nouveau. Le soutien desRusses et des Chinois sera nécessaire et cela prendra du temps, car desintérêts économiques sont en jeu. C’est le scénario le plus dangereux qui peutlittéralement paver la voie à la bombe iranienne.
Quelles sont les chances quela communauté internationale fasse davantage pression sur le régime ?

L’économieiranienne est vraiment très mal en point. Selon les estimations, les sanctionsont commencé à prendre effet fin 2010 et les dommages sont aujourd’hui évaluésà 100 milliards de dollars. C’est énorme pour une économie dont le PIB est de450 milliards. En d’autres termes, le régime ne peut continuer ainsi longtemps,pas plus qu’un an ou deux. Et les Iraniens le savent pertinemment. Mais pourêtre sûrs d’obtenir une solution, il nous faut également agiter une menacemilitaire crédible. Plus la pression est grande, plus on a de chances deréussir.

Qu’est-ce qu’une menacecrédible ? Que souhaitez-vous de plus des Etats-Unis ? Washington a d’ores etdéjà déclaré que toutes les options étaient envisageables.
Ce n’est pas assez. Une menace militaire équivaut à un ultimatum ou à une datebutoir.
Faut-il qu’Obama dise que siles Iraniens ne font pas « ceci » d’ici la fin de l’année, alors il leurarrivera « cela » ?

Oui. Quelquechose comme : « Ne vous étonnez pas si “cela” vous arrive », ou « il y a defortes chances pour que “cela” vous arrive ».

Pensez-vous vraimentqu’Obama le fera ?

Contrairement àce que beaucoup pensent ici en Israël ou en Europe, je crois qu’Obama saitparfaitement que, stratégiquement, le principal objectif occidental estd’empêcher Téhéran de se doter de la bombe. Je pense qu’il comprend la gravitéde ce dossier. De là à savoir ce qu’il fera, quand, et s’il ne sera pas déjàtrop tard… Je ne peux vous le dire. Mais je pense vraiment qu’Obama estconscient des portées sécuritaires, stratégiques et historiques d’unenucléarisation de l’Iran. Il comprend qu’en tant que leader du mondeoccidental, il a l’obligation d’empêcher cela. C’est presque la même chose,même s’il y a énormément de différence, que l’obligation qu’avait l’Occidentd’empêcher le réarmement de l’Allemagne nazie dans les années 1930, ce quin’avait alors pas été fait. Obama comprend l’ampleur de cette question. L’Iran,ce n’est ni la Corée du Nord ni le Pakistan, c’est une tout autre histoire.