Le 7 décembre dernier, Israëlprésentait à l’Assemblée générale de l’ONU un projet original intitulé «l’entreprenariat pour le développement ». Objectif : permettre aux populationsdes pays sous-développés d’avoir accès à un emploi sans être freinées par delourdes contraintes administratives liées à l’établissement de sociétés. C’estla première fois que l’ONU adopte un projet basé sur l’entreprenariat commemoyen de lutte contre la pauvreté et comme procédé pour la création d’emploi etla croissance économique. 129 pays ont voté en faveur de cette décisioninnovatrice. Pendant que 31 pays arabes et musulmans ont voté contre (neuf paysse sont abstenus). Pour Ron Prosor, ambassadeur d’Israël à l’ONU, si ces pays,qui ont pourtant tout intérêt à promouvoir une telle initiative, l’ont refusée,c’est uniquement parce qu’elle était présentée par Israël. « Ils ont voté ‘non’car ils sont plus préoccupés par la politique politicienne que par laprospérité de leur peuple ». Hillel Neuer, directeur exécutif d’UN Watch depuishuit ans, renchérit : « L’ONU est manipulée et fait office de tribune politiquecontre Israël. » Une des meilleures illustrations de ce phénomène reste, pourlui, le vote du 29 novembre dernier qui a accordé à la Palestine le statut d’«Etat observateur non-membre » des Nations unies. Neuer rappelle un autre 29novembre, celui de l’année 1947. L’ancêtre de l’ONU, la Société des Nations,avait alors voté pour la fin du mandat britannique en Palestine et la partitionde ce territoire en deux Etats. Et donc, de fait, pour la création de l’Etatd’Israël. Neuer explique pourquoi et comment, au fil des ans, l’ONU a modifiéson attitude par rapport à Israël : « En 1948, dix pays arabes et islamiquessiégeaient à la Société des Nations, on en compte aujourd’hui 56 ». Ladécolonisation du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Asie, depuis les années1940 jusqu’au milieu des années 1960 a donné naissance à un grand nombre denouveaux Etats, devenus membres de l’ONU. Ces Etats, généralement hostiles aumonde occidental et renforcés par le puissant bloc soviétique, ont eu un impactimportant sur l’ONU, poursuit Neuer.
Pour les Palestiniens ou contre Israël ?
Toutes les nouvelles nations qui clamaient leur souveraineté et leurindépendance étaient reçues avec enthousiasme. Alors que la souverainetéd’Israël, par contre, était non seulement remise en question, mais considéréecomme raciste. Et de pointer, pour preuve, la résolution 3379 adoptée en 1975,qui déclarait que le « sionisme était une forme de racisme et de discriminationraciale ». « L’ONU avait été prise en otage, et ce n’était pas accidentel. Celaconsistait en une nouvelle guerre menée contre Israël qui était unedélégitimation diplomatique et une négation de son droit à l’existence. »Certes, cette déclaration sur le sionisme a été révoquée 16 ans plus tard, en1991, mais l’attitude discriminatoire de l’ONU à l’égard d’Israël étaitdésormais consolidée, estime Neuer. « D’ailleurs », ajoute-t-il, « IrwinCotler, membre estimé du parlement canadien, a déclaré qu’Israël est devenu leJuif parmi les nations. » Les dernières résolutions passées par l’ONU donnentraison à cette métaphore : le 18 décembre dernier, l’Assemblée générale aadopté 9 résolutions contre Israël quant à ses relations avec les Palestiniens.L’une d’elles exige qu’Israël « rende » le Golan à la Syrie.
En revanche, aucune de ces résolutions ne mentionne un événement survenu deuxjours plus tôt : l’attaque par l’aviation syrienne d’un camp de réfugiéspalestiniens près de Damas, qui s’est soldée par la mort de 20 Palestiniens.
« Le plus incroyable », s’indigne Neuer, « c’est que ces mesures prétendent sesoucier du sort des Palestiniens. Mais l’attitude de l’ONU prouve tout lecontraire. Aujourd’hui et depuis deux ans, des Palestiniens sont égorgés,mutilés et expulsés par les forces d’Assad. Et les Nations unies restentcomplètement indifférentes à leur sort. La farce qui se joue à l’ONU met enévidence un simple fait : il y a une majorité qui vote automatiquement contreIsraël. Dont la priorité n’est pas d’aider les Palestiniens, ni de faireappliquer les droits de l’Homme. Le but de ces condamnations systématiquesconsiste uniquement à prendre Israël comme bouc émissaire. »
Une monstrueusehypocrisie
Durant cette seule année, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté 22résolutions contre Israël. Quatre, seulement, concernaient quatre autres pays :le Myanmar (Birmanie), la Corée du Nord, la Syrie et l’Iran. La Syrie n’est pasle seul pays où les violations contre les droits de l’Homme n’ont suscitéaucune réaction de l’ONU.
Selon Neuer, les commissions de l’ONU, comme celles censées faire appliquer lerespect des droits de l’Homme, sont politiquement manipulées au point quecertains Etats y entrent uniquement pour prévenir toute critique à l’encontredes violations perpétrées dans leur propre pays. C’est le cas, par exemple, dela Chine, Cuba, la Russie, et l’Arabie Saoudite, qui violent constamment lesdroits de l’Homme, et pourtant, sont membres de cette même commissiononusienne.
Quant au Soudan, dont le gouvernement commet des génocides, il siège au conseiléconomique et social de l’ONU.
Neuer épingle aussi la Chine : ce pays détient le record mondial d’abus desdroits de l’Homme. Pékin occupe le Tibet depuis près de 40 ans, a détruit 6 000monastères tibétains et continue de persécuter ce peuple.
En Arabie Saoudite, les femmes ne sont pas autorisées à voyager sans leconsentement de leurs «gardiens». Or, ceux-ci reçoivent des indicationsdirectes sur le passage de frontières des femmes. En clair, dans certainssecteurs de la société de ces pays, les droits de l’Homme sont quasiment inexistants.
C’est donc une monstrueuse hypocrisie que celle survenue en novembre 2011,quand l’UNESCO a nommé la Syrie membre d’une commission dont la responsabilitéconsiste à veiller au respect des droits de l’Homme. Car depuis deux ans quedure le conflit, les forces d’Assad ont tué près de 40 000 personnes.
Quid de la charte onusienne…
Autre exemple choquant de ce paradoxe en matièredes droits de l’Homme : la Libye. En 2003, ce pays a présidé la commission desdroits de l’Homme de l’ONU. Or, la communauté savait exactement quel genre detyran était Kadhafi.
Neuer cite l’affaire des infirmières bulgares. En 1999, 426 enfants sontinfectés par le virus HIV à l’hôpital Az Al- Fateh, à Benghazi, en Libye. Lesautorités libyennes accusent alors cinq infirmières bulgares et un médecinpalestinien qui travaillaient dans cet hôpital d’avoir délibérément infecté lesenfants. Accusés de conspiration avec le Mossad et la CIA, ils sont torturés etjetés en prison.
Après leur libération et près de neuf ans plus tard, UN Watch conduit le DrAshraf al-Hajuj, ce même docteur palestinien, pour témoigner devantl’ambassadeur de Libye à l’ONU, Nasat Hajjaji. Celui-ci était chargé par l’ONUd’enquêter sur la violation des droits humains par les mercenaires.
Le 19 avril 2009, alors que le représentant de la Libye a déclaré que son paysne pratiquait ni discrimination, ni inégalité, le docteur lui répond : « Je nesais si vous me reconnaissez. Je suis l’interne en médecine palestinien qui aété sacrifié par votre pays, la Libye, dans l’affaire du virus HIV à l’hôpitalde Benghazi. Comment allez-vous me dédommager pour ce que vous nous avez faitsubir, à moi et à ma famille ? Nous avons donné plus de trente ans de notre viepour servir la Libye, tout cela pour être expulsés de notre maison, menacés demort et devenir les victimes d’un terrorisme d’Etat. Quand votre gouvernementva-t-il le reconnaître ? Quand va-t-il me demander pardon, à moi, à ma famille,à mes collègues ? » Un témoignage poignant que cite Neuer pour souligner l’hypocrisieen vigueur dans les couloirs de l’ONU. Hypocrisie qui ruine la promesse de lacharte onusienne de pratiquer un traitement égal pour toutes les nations,petites ou grandes.
Pétrie de bonnes intentions
Pourtant, on ne peut faire fi de l’ONU. Pour Neuer,qui était avocat à New York avant de devenir le directeur de UN Watch, ils’agit-là d’une « organisation internationale forte d’une influence énorme.C’est une erreur de la rejeter d’un revers de main, comme le font parfois lesIsraéliens. L’ONU a un immense impact sur l’opinion mondiale. C’est le lieu derassemblement de divers pays, nations et cultures. Elle travaille et a descontacts avec des bureaux à l’étranger, des journalistes, des politiques, desdirigeants. Elle participe aux décisions politiques mondiales. Les sondages ontmontré que l’ONU reste une institution populaire à travers le monde, avec 50 %d’opinions favorables. On ne peut la négliger. » Il ajoute qu’au départ,certaines commissions onusiennes, comme celle des droits de l’Homme, ont étéfondées avec les meilleures intentions du monde. Cette dernière, établie en1946, constituait en fait une réponse à la Shoah. A l’époque, elle étaitprésidée par Eléonore Roosevelt, qui, par ailleurs, en tant qu’amie d’Israël,collectait des fonds pour le jeune Etat juif.
René Cassin, aussi, était membre de cette commission.
Avocat français, professeur de Droit et juge, il soutenait aussi Israël. «Cassin était un sioniste actif qui militait en faveur des droits civiques pourles Juifs. Il a été lauréat du prix Nobel de la paix », rappelle Neuer. «Durant la guerre des Six- Jours, il a écrit de nombreux articles pour la pressefrançaise défendant Israël. Un lycée de Jérusalem porte d’ailleurs son nom.»Pour Neuer, UN Watch joue un rôle important dans la supervision du bonfonctionnement de cette institution internationale. « UN Watch existe pourconstamment rappeler à l’ONU le but de sa création, le 24 octobre 1945 : sauverles futures générations du fléau de la guerre et réaffirmer leur foi dans lesdroits fondamentaux de l’homme sans distinction de race, sexe ou religion ».
L’année dernière, l’organisation UN Watch a ainsi amené Maikel Nabel, dissidentégyptien et ancien prisonnier politique du régime post-Moubarak, à témoignerdevant l’ONU. Dimanche dernier, Nabel a visité Israël avec UN Watch dans unemission pour la construction de la paix et pour partager son histoire et savision avec le public et la presse israélienne.
« Nous avons affaire à des forces mauvaises, même parfois diaboliques, mais UNWatch continuera à interpeller l’ONU pour qu’elle fasse ce qui est juste, mêmequand personne d’autre ne le fait », conclut ainsi Neuer.