France Israël : une amitié historique à l’épreuve du terrain

Nouvelles convergences dans les relations franco-israéliennes : éclaircie passagère ou embellie durable ?

P9 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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Si lesdéclarations d’amitié de l’Hexagone sont comme toujours au rendez-vous, sesrelations avec l’Etat hébreu sont depuis toujours en dents de scie, secouéespar des crises de confiance et ponctuée de fausses notes. Historiquementqualifiée de « grande amie d’Israël » par Shimon Peres, la France atoujours été tiraillée entre amitié bienveillante et franche inimitié enversl’Etat hébreu afin de ménager ses relations privilégiées avec le mondearabo-musulman, et se retrouver de fait, acculée à un jeu d’équilibriste savantqui perdure en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

Dans le systèmede la Ve République, c’est le président seul qui règne sur la politiqueétrangère de la France. Cela était vrai sous la droite et le reste sous lagauche. La politique extérieure de la France obéit bel et bien à des impératifsconstants quelle que soit la couleur politique de ses dirigeants. Realpolitikoblige.

Une convergenced’intérêts

La fin de laSeconde Guerre mondiale signe le retrait de la France du Proche-Orient, Syrieet Liban. Pendant ce temps, la Grande-Bretagne voit son hégémonie sur leshydrocarbures disputée par les Etats-Unis, qui veulent aussi renforcer leurprésence dans la région pour contrecarrer l’avancée du communisme. Après sonvote historique sur la partition de la Palestine, Paris, évincé du pacte deBagdad, table alors sur son rapprochement avec l’Etat hébreu pour reprendrepied dans la région et joue un rôle majeur dans la naissance de l’Etat juifsous de Gaulle : il le dote d’armes pour se défendre et d’une technologiede pointe. Avec le chasseur bombardier Mirage III notamment qui s’illustreradans la guerre des Six Jours, ainsi que la technologie nucléaire.

La France estencore aux côtés d’Israël en 1956-1957 dans la campagne du canal de Suez enréponse à sa nationalisation par l’Egypte. Cette crise se soldera par un échec,les Etats-Unis et l’Union soviétique reprennent alors la main dans la région etla France, quant à elle, amorce un virage en épingle à cheveux dans sapolitique à l’égard de l’Etat hébreu. Elle se tourne définitivement vers despartenaires arabes pour se positionner sur un marché plus juteux.


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La guerre des SixJours, qualifiée d’agression israélienne par Paris qui la condamne, etl’embargo sur les armes qui s’en suit, consomment la rupture – les proposcuisants du général de Gaulle à l’encontre des juifs sont restés dans lesmémoires. Le marché arabe lui ouvrant les bras, la France, 3e au rang mondialen ventes d’armes n’y résiste pas et Israël se tourne dès lors vers les USA.Valéry Giscard d’Estaing entérinera la politique de l’Hexagone, « armescontre pétrole », et le 22 novembre 1974 c’est la reconnaissance de l’OLPau sein de l’ONU comme membre observateur.

Droite et gauche d’uneseule voix… ou presque

Les rapportscomplexes du parti socialiste avec le conflit palestinien ne datent pas d’hier.Si Valéry Giscard d’Estaing a le premier considéré que des terroristes peuventêtre des partenaires pour des négociations de paix, c’est avec l’arrivée aupouvoir du socialiste François Mitterrand que la France va s’inscriredurablement aux côtés des Palestiniens, et ni son affection pour le socialismedes kibboutzim ni son admiration pour Ben Gourion ne l’empêcheront de sedéclarer en faveur d’un état palestinien à la Knesset en 1981, et d’œuvrer pourla mutation du chef de guerre Abou Amar, en chef politique Yasser Arafat pourle faire reconnaître par l’Union européenne.

La guerre duLiban marque un recul de l’inconditionnel soutien des socialistes – enparticulier de ses membres issus de l’immigration, surtout algérienne, ethéritiers de mai 1968 –, et en sonne le glas après le massacre de Sabra etChatila perpétré par les phalangistes chrétiens au Liban.

Puis surviennentles accords d’Oslo. Israël se voit contraint de reconnaître l’OLP comme seulreprésentant légitime du peuple palestinien, Chirac accueille Yasser Arafat surle sol français et lui exprime son amitié. Alors que la première visite d’Etatd’un président étranger en France après l’élection de Nicolas Sarkozy est unhonneur réservé à Shimon Peres qui déclarera ainsi : « NicolasSarkozy a renouvelé l’Alliance atlantique en renouant avec les Etats-Unis et adonné un nouvel élan aux relations avec Israël ». Le leader de l’UMP n’enaura pas moins entonné le chant des sirènes palestiniennes et plaidé en faveurde la division de Jérusalem.

Mais ce sont lesailes vertes et écarlates de la gauche française qui imposeront par la base larhétorique délétère et mensongère condamnant Israël, reprise en chœur par tousles antisémites en puissance qui parviendront à l’imposer dans les médias. Onne parlera bientôt plus que de colonies quand il s’agit de territoiresdisputés, de frontières quand ce ne sont que des lignes d’armistices.

Fin 2003, c’estle divorce de la gauche avec son aile ultra-gauche et la question du retour desréfugiés palestiniens de 1947 et 1967 fait son entrée fracassante ausein du parti socialiste, qui gagnera même le soutien de Ségolène Royal.

Hollande sur lacorde raide

François Hollandeest issu d’un courant du socialisme français qui a toujours eu la causesioniste en sympathie, comme Jacques Delors, François Mitterrand et LionelJospin avant lui. Ce qui lui a fait dire à l’occasion de ce voyage officieldans l’Etat hébreu, « Israël est victime de critiques injustifiées, car cepays est une démocratie exemplaire. »

Nul doute que desaffinités « socialistes » existent bel et bien entre la colombeisraélienne et le président français. Mais c’est en digne héritier de cettetraditionnelle équidistance de la France, que ce dernier se doit de poser unepierre sur les tombes de Theodor Herzl et d’Itzhak Rabbin et une gerbe surcelle d’Arafat. Obama lors de sa visite en Israël s’était lui aussi rendu aumont Herzl pour rendre hommage au visionnaire, fondateur du sionisme, de mêmeque sur celle de Rabin. Mais il avait évité de se rendre au mausolée du chef del’OLP. Sarkozy, soucieux de ne pas froisser les susceptibilités avait envoyéAlliot-Marie souscrire à ce rituel, mais s’était lui-même abstenu.

Nul doute quel’intention de François Hollande est d’honorer la mémoire du Prix Nobel de lapaix et non celle du terroriste patenté, même s’il s’agit bel et bien du mêmepersonnage. Mais ce faisant, il n’en souscrit pas moins à la traditionpalestinienne bien ancrée de glorifier la mémoire du raïs en le prenant commemodèle pour inspirer aux jeunes générations des actes de violence qualifiéserronément d’actes de résistances.

Pas de quoipousser des cris d’orfraie pour la communauté internationale, quand on sait quel’ONU a nommé Khadafi à la présidence des droits de l’homme et l’Iran membre dela commission de la condition de la femme en 2010 ; le dit monde libren’en est plus à une aberration près.

Les mairiesfrançaises honorent la mémoire d’assassins nommés pour la circonstance citoyensd’honneurs, leurs portraits s’affichent sur leurs frontons ou encore sontglorifiés dans les musées français. Qui s’offusquera alors de voir lesPalestiniens fêter des assassins transmués en héros nationaux quand Israëllibère des vagues de prisonniers. C’est cyniquement tendance. A ne vouloir voirque de blanches colombes partout, Hollande se voit donc une fois de pluscondamné à jouer les équilibristes et perpétue ainsi la tradition françaisedepuis la Seconde Guerre mondiale.

L’argent, le nerfde l’amitié

Si la Francemonte aujourd’hui au créneau contre le nucléaire iranien – ce qui lui vaut leprivilège de fouler un tapis rouge sans précédent déployé sur le sol israélien–, et résiste à la tentation de s’aligner sur l’Allemagne et les Etats-Unis,c’est en partie dans le souci de complaire aux exigences de ses alliés etbailleurs de fonds sunnites, pour en toucher les dividendes sonnants ettrébuchants dont son économie exsangue a grand besoin.

L’Hexagone vientde décrocher en juillet dernier deux contrats d’exportation vers les Emiratsarabes unis d’un montant total d’un milliard d’euros remportés par le groupefrançais d’armement Thalès, l’un pour une commande de 17 radars Thalès etl’autre de 2 satellites d’observation militaire fabriqués en France par Astrium.Client traditionnel de la France, la fédération des Emirats n’avait plus passéde commandes militaires significatives depuis 2007 et ces contrats marquent legrand retour de l’Hexagone sur ce marché.

S’est ajouté enaoût dernier un contrat militaire d’un milliard d’euros avec l’Arabie Saouditepour moderniser une partie de la flotte militaire du royaume. Enfin, la Francebrigue encore de 20 milliards d’euros de grands contrats dans le domainede la Défense toujours, avec le Qatar. Nul doute que voilà de quoi prêterl’oreille aux inquiétudes de Ryad, Abou Dhabi et Doha quant au nucléaireiranien.

Un rapprochementque ces pays du Golfe ont aussi initié en sourdine avec Israël. De quoi leverles obstacles pour un partenariat économique et politique intensifié entreParis et Jérusalem.

D’autre part,dans une lettre commune adressée à la diplomate européenne n° 1, CatherineAshton, 27 députés issus de tout le spectre politique, ont exhorté lareprésentante exécutive de la Commission européenne, à renverser ou, au moinsatténuer les directives qui devraient prendre effet en janvier 2014 etinterdiraient le financement et les accords commerciaux avec les implantationsde Judée-Samarie et de l’Est de Jérusalem. Ils ont appelé Ashton à« prendre toutes les mesures nécessaires pour retirer les directives de laCommission ou, à tout le moins, parvenir à un accord avec le gouvernementd’Israël, pour s’assurer que leur instauration reflétera bien la profondeur desrelations bilatérales entre l’Union européenne et Israël et ne leur porterontpréjudice d’aucune manière ».

Israël a averti,en août, qu’il pourrait refuser de participer au projet de recherche etd’innovation de 70 milliards d’euros sur une durée de 7 ans :« Horizon 2020 », pour lequel il devrait contribuer à hauteur de600 millions d’euros.

Le retour enforce de Paris

Pour autant, pasquestion d’aller jusqu’à froisser les Palestiniens pour satisfaire l’Etathébreu. La construction dans les implantations des territoires disputés estdevenue un point de fixation dans le cadre des négociations de paix. Si l’onpeut se réjouir des échanges du président français avec de jeunes palestinienset d’accords de coopération, on peut parier sur son silence autour des2 milliards d’aide européenne gaspillés entre 2008 et 2012 parl’Autorité palestinienne. Selon les enquêteurs de l’UE, « les fonds n’ontpas été utilisés comme ils auraient dû l’être, pour cause de corruption et demauvaise gestion ».

Par ailleurs, lapromptitude du chef de l’Etat français à intervenir au Mali et son intention defaire de même en Syrie ont été salués. Interprétée comme une volonté louabled’affronter les djihadistes, l’opération militaire au Mali ne doit pas faireoublier pour autant que le pays est l’un des plus grands producteurs d’uraniumau monde, et que la France a pour objectif évident de sécuriser sonapprovisionnement du précieux minerai et les intérêts du géant nucléairefrançais Areva qui l’exploite.

Pour ce qui estde la Syrie le recul de la France lui a peut-être été soufflé par sespartenaires sunnites, actifs dans les rangs des rebelles. Pour autant, cesrécents développements semblent annoncer le retour en force de Paris surl’échiquier politique du Moyen-Orient et plusieurs éléments tendent à laisseraugurer de nouvelles alliances et de nouveaux rapprochements.

La Franceva-t-elle détrôner l’allié américain ?

Forte de cesnouvelles donnes, la France pourrait être tentée de s’engouffrer dans le videlaissé au Moyen-Orient par la nouvelle frilosité américaine. Si le Congrèsaméricain reste encore un allié privilégié d’Israël, l’administration Obama,tentée de se fourvoyer dans un rapprochement avec l’Iran à n’importe quel prix,pourrait se révéler une épine dans le pied pour l’Etat hébreu.

Le directeur del’AIEA, Yukiya Amano, qui s’est rendu à Téhéran le 11 novembre dernier adéclaré que rien n’avait changé dans le programme nucléaire iranien depuis laPrésidence de Rouhani et que les centrifugeuses étaient bel et bien installéessur les sites d’enrichissement, n’attendant que leur mise en activité, ce quivient confirmer le danger qu’il y aurait à s’aligner sur la politiqueaméricaine d’apaisement à tout prix.

Le Conseil desécurité nationale a adopté une position critique contre la politique duDépartement d’état américain. Non seulement au sujet du nucléaire iranien, maisaussi concernant l’Arabie Saoudite, le Golfe arabique et l’Egypte, ce quipourrait rassurer. L’allié bat de l’aile donc et tout repose sur le Congrès.Dans ce contexte, le fait que les arabisants du Quai d’Orsay aient perdu lamanche contre les spécialistes des affaires stratégiques, à l’occasion duménage de printemps opéré par Laurent Fabius au sein de l’institution, est unsignal fort en faveur d’une redistribution possible des cartes.

La France comptela plus forte population musulmane d’Europe et la plus importante communautéjuive. Nul doute que François Hollande aura soin de ne pas sortir des sentiersbattus de la rhétorique habituelle de la politique extérieure hexagonale. Dansun contexte intérieur pour le moins tendu, il a tout à gagner à se contenter aucours de ce voyage en terrain miné, à faire des déclarations consensuelles lemoins risquées possible.

Il se confirmenéanmoins au vu de ces récents développements, comme un ami d’Israël dontl’Etat hébreu a grand besoin, suite à la fragilité nouvelle de son alliéaméricain et son isolement croissant sur la scène internationale. Reste à espérerqu’il lui sera fidèle.

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