Dans moins de deux semaines, le pape François entamera une visite en Israël, en Jordanie et dans les territoires sous contrôle palestinien. Une tournée régionale qui devrait allier consultations politiques et appels pour une plus grande harmonie entre les religions et entre les peuples, mais aussi comporter plusieurs étapes de pèlerinage.Le ministre du Tourisme Ouzi Landau, responsable de la supervision et de la promotion des pèlerinages chrétiens en Israël, manifeste son enthousiasme à propos de la prochaine visite papale. Il souligne notamment l’importance de l’héritage religieux judéo-chrétien, berceau de la civilisation occidentale. Et note l’intérêt, pour les touristes du monde entier qui partagent ces valeurs, de découvrir les lieux où ont été posés les fondements de cette culture.Le ministre fait également état de l’instabilité et de la violence constatées ces dernières années dans l’ensemble du Moyen-Orient, en particulier des conséquences néfastes pour les communautés chrétiennes de la région. Car, pour Ouzi Landau, malgré les menaces qui pèsent sur les chrétiens des pays alentour, Israël reste un point d’ancrage et un refuge pour les populations chrétiennes locales, ainsi qu’un havre de paix pour les pèlerins chrétiens visitant le pays.En parallèle, il dénonce également avec véhémence le nombre croissant d’actes de vandalisme perpétrés par des extrémistes juifs en Israël, notamment contre des lieux saints chrétiens. Un problème moral selon lui, et une question d’éducation pour le pays, mais aussi un défi posé à l’état de droit.Il fait part ici de ses réflexions et de ses attentes suite à cette visite papale.
Quelle est, selon vous, l’importance de la visite du pape ?L’impact est forcément de taille, puisqu’il s’agit de la plus haute autorité du monde catholique. Accueillir un personnage mondialement connu et éminemment respecté est évidemment très important pour nous.Le pape François représente non seulement une puissante autorité morale, mais son attitude unique projette également un mélange de modestie, de bienveillance et d’autorité. Son visage brille de tendresse et d’amour des hommes. Nous aurions préféré une visite plus longue, afin de lui faire découvrir toute la Terre Sainte, le voir arpenter les lieux foulés par les rois et empereurs de jadis. Le voir emprunter les sentiers suivis par les prophètes qui ont jeté les bases de notre civilisation judéo-chrétienne. Ou marcher sur les traces des premiers chrétiens, de Nazareth au lac de Tibériade, de la Galilée à la vallée du Jourdain, des bassins baptismaux à Jérusalem. Mais il ne sera là que pour une seule journée et il nous faut faire avec.Pour cette raison, je me demande dans quelle mesure il sera exposé à la véritable nature d’Israël. J’espère malgré tout être en mesure de lui fournir un aperçu de ce qui se passe ici.
Le pays de la liberté
Cette visite aura-t-elle un impact sur l’image d’Israël à l’étranger ?Le simple fait de dire que le pape est en visite en Israël est de toute première importance pour la hasbara israélienne, ou l’éducation politique.Samuel Huntington parlait, il y a 20 ans, du choc des civilisations. Je pense que les ressortissants des pays où prévalent l’Etat de droit, la liberté et une profonde croyance en Dieu, doivent revenir sur les lieux où tout a commencé.Nous croyons également que le tourisme en général, et la visite du pape en particulier, constituent un pont pour la compréhension entre les peuples de différentes langues et religions. Son séjour ici va certainement apporter une pierre à l’édifice.Un des aspects de son voyage, et non des moindres, est en fait la rencontre historique entre le pape et le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople, une réplique de la réunion qui a eu lieu il y a50 ans, en 1964, entre leurs homologues de l’époque.Je voudrais aussi lui faire découvrir notre démocratie. Les différentes communautés de notre pays, les groupes ethniques et les différentes religions. Contrairement à ce qui se passe autour de nous, nous vivons tous les uns avec les autres, en bonne intelligence.En Israël, nous sommes juifs bien sûr, mais nous avons aussi des musulmans, des Druzes, des Chrétiens, des Circassiens, des Bédouins. Et malgré les nombreux problèmes que nous rencontrons dans ce pays et les tensions auxquelles il nous faut faire face, le niveau de vie continue à augmenter. Nous comptons aussi à notre actif des réalisations importantes dans de nombreux domaines.Parallèlement, les chrétiens ont de réelles difficultés au Moyen-Orient : ils sont persécutés par de cruels extrémistes musulmans.Voyez ce qui se passe en Irak, en Syrie et au Liban. Le Liban était un Etat chrétien. Voyez l’Egypte, même après la chute du régime Morsi, celui des Frères musulmans. Aujourd’hui encore on assiste à des émeutes au cours desquelles des églises coptes sont mises à feu.Il y a trois ans, l’Irak comptait encore 2,5 millions de chrétiens : il en reste aujourd’hui moins d’un demi-million.A Bethléem, où le pape va donner une messe, jusqu’en 1993, quand la ville était encore sous contrôle israélien, c’était une communauté à majorité chrétienne à plus de 80 %.Aujourd’hui, ce chiffre est inférieur à 25 %, certains disent même 20 %. A Ramallah, il ne reste presque plus de chrétiens. Pareil dans la bande de Gaza. C’est un problème majeur.Notre objectif est de montrer au pape que nous sommes un pays différent au Moyen-Orient, un pays où prime l’Etat de droit.L’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés à l’étranger, c’est que la plupart de ceux qui viennent en Israël, ou qui ne viennent pas, nous perçoivent comme la Terre Sainte. Mais ils ne font pas toujours le lien entre la Terre Sainte et Israël, ou entre Jérusalem et Israël. C’est un problème majeur pour le tourisme ici. C’est aussi un problème politique, auquel nous ne nous sommes pas encore attelés.
Le berceau des civilisations occidentales
Quel va être l’itinéraire du pape ?Il arrivera à l’aéroport Ben Gourion le dimanche après-midi et se rendra à Jérusalem, où il a, en partie, pris ses propres dispositions. Il va passer la nuit près du Jardin de Gethsémani et du mont des Oliviers, et rencontrer le président, le Premier ministre et les Grands Rabbins d’Israël. Il va également visiter Gethsémani et l’église qui s’y trouve, ainsi que le Cénacle sur le mont Sion, le lieu de la Dernière Cène. Il rencontrera ensuite le patriarche de Constantinople à l’église du Saint-Sépulcre.Il s’entretiendra également avec le Grand Mufti de Jérusalem, notre ennemi flagrant, sur le mont du Temple.
Doit-on craindre que cette réunion fasse figure de reconnaissance implicite de l’administration musulmane du mont du Temple, alors que parallèlement une demande accrue de visites juives et de droits à la prière se fait entendre ?Une telle suggestion, de voir les musulmans seuls exercer un contrôle exclusif sur ce site, serait pour le moins surprenante. Surtout au vu de ce qui se passe autour de nous, au Moyen-Orient. Je suis cependant inquiet de ce que le Grand Mufti va dire, mais nous n’avons aucun contrôle sur cela.
Peut-on s’attendre à une augmentation du tourisme au moment de la visite du pape et dans son sillage ?La visite du pape a un énorme potentiel pour générer une hausse des chiffres du tourisme. Cela va certainement attirer de nombreux pèlerins, mais nous devons attendre pour voir ce qui va suivre. Nous préparons une campagne de marketing afin de fournir des informations sur les lieux de son passage, dans les mois qui viennent.Nous souhaitons mettre l’accent sur le fait qu’il s’est rendu à Gethsémani et a visité le site de la Dernière Cène, et tous les autres lieux où il ira, ce qui va sans doute attirer l’attention.Nous réfléchissons encore à la manière dont nous pouvons encourager les catholiques et les autres chrétiens à suivre les traces des prophètes, et visiter les lieux saints ici.Mais il n’y a pas que des lieux saints dans ce pays. Nous constatons en fait que les touristes chrétiens s’intéressent aussi à ce que le pays peut offrir dans sa richesse et sa diversité. Ce sont des notions que nous souhaitons mettre en avant. C’est pour nous une occasion extraordinaire de promouvoir le vrai visage d’Israël, auprès de ceux qui n’ont jamais pensé à nous de cette façon.Nous investissons dans de nouvelles infrastructures, comme le Chemin des Evangiles, de Nazareth à Tibériade, les différents sites autour du lac de Tibériade, et les lieux où se déroulent les baptêmes. Nous essayons aussi de tendre la main aux communautés chrétiennes ici en Israël.C’est notre ministère qui a initié et contribué à l’Année de la célébration de la foi qui s’est tenue ici, à Nazareth, sur le mont du Précipice (en novembre dernier), sous la conduite du Patriarche latin Fouad Toual. Ce dernier m’a rendu visite ici au ministère et je lui ai rendu la politesse au Patriarcat latin, dans la vieille ville de Jérusalem. J’ai aussi effectué des visites réciproques avec le patriarche grec orthodoxe Théophile III.Nous essayons surtout d’aider les pèlerins dans la mesure du possible, de leur montrer un pays accueillant, respectueux de la liberté de culte de tous les croyants, d’où qu’ils viennent, qui prend à cœur la sécurité de tous.Mon souhait est de leur faire découvrir les lieux saints, qui représentent les preuves physiques et tangibles, l’une après l’autre, de toute l’histoire biblique, le berceau même de nos civilisations, juive et chrétienne.Des civilisations de la liberté humaine, de la décence, où le droit prévaut. Je nous vois ici, à Jérusalem, dans la Vieille Ville, sur le mont du Temple, et dans l’ensemble du pays, comme les gardiens de tous ces lieux pour le monde entier.
Est-ce que la récente vague de vandalisme contre plusieurs cibles, y compris les lieux saints chrétiens, met à mal l’image de protecteur de la liberté de culte d’Israël ?C’est une vilaine plante empoisonnée qui pousse dans notre arrière-cour. Je me fiche de ce que l’on peut écrire dans la presse internationale, c’est notre problème avant tout : un problème d’éducation et de maintien de l’ordre. Nous devons en faire une priorité, non pas pour la police, mais pour les services de sécurité. Il faut absolument éradiquer ce phénomène aussi vite que possible, pour notre propre bien. La manière dont notre société se regarde dans le miroir est notre responsabilité avant tout.