Le lieutenant-colonel de réserve,Boaz Harpaz, a agi seul. Telle est la conclusion du « rapport Harpaz », publiédimanche 6 janvier par le cabinet du contrôleur d’Etat. Contrairement à denombreuses allégations, celui qui est présenté comme un franc-tireur auraitfabriqué le faux document, à l’origine du scandale, de sa propre initiative.L’ancien chef d’état-major, le général Gabi Ashkénazi, est donc blanchi desprincipales accusations qui pesaient contre lui. En revanche, son aide de camp,le colonel Erez Viner, est sévèrement critiqué et pourrait essuyer despoursuites pénales. Dans le camp de Barak, le ministre de la Défense et sonproche collaborateur, Yoni Koren, sont eux aussi gravement visés pour avoirtenté de saboter la carrière d’Ashkénazi. Ce dernier est, malgré tout, accuséd’avoir eu « partiellement connaissance » des actions d’Harpaz et d’avoir troplentement réagi au moment où l’affaire a éclaté. Rappel des faits. Le 6 août2010, Aroutz 2 dévoile le « Document Harpaz » au journal 20 heures. Un dossierconfidentiel censé décrire des manigances pour abusivement nommer le général YoavGalant en tant que prochain chef d’état-major, et saboter le pouvoird’Ashkénazi, alors en poste. Ces révélations interviennent alors que Galantfait office de candidat favori à la succession d’Ashkénazi. A l’époque, lesrelations entre Barak et Ashkénazi sont, notoirement, très mauvaises. Ledocument est donc successivement attribué aux deux camps, dans le cadre d’unaffrontement plus général entre les deux hommes sur les procédures denominations aux hautes fonctions militaires. Traditionnellement, c’est le chefd’état-major qui soumet une liste de candidats au ministre de la Défense,notamment pour sa succession à la tête de Tsahal. Mais Barak veut contournercet usage et promouvoir Galant, qui ne figure pas sur la liste proposée parAshkénazi. La police décrète néanmoins rapidement que le document est un faux.Et que son auteur, qui s’avérera être Boaz Harpaz, souhaitait faussementincriminer Galant pour empêcher sa nomination. Une fois blanchi, le généralsera par ailleurs accusé dans un autre scandale autour des terrains de samaison, où il sera de nouveau acquitté, mais trop tard pour la fonctionmilitaire suprême qui reviendra finalement au général Benny Gantz.
« Guerreouverte »
Quant à l’affaire Harpaz, un rapport du contrôleur d’Etat, rédigésuccessivement par Micha Lindenstrauss et Joseph Shapira, rend compte d’unelongue enquête qui démarre en octobre 2011. Il recueille les témoignages deBarak, Ashkénazi, son épouse Ronit, son aide de camp, Viner, et plusieurs hautsgradés de Tsahal. Selon ses conclusions, Harpaz approche Ashkénazi, qui leconnaît, début 2010 et lui affirme être en possession d’informations sur demalveillants projets d’Ehoud Barak à son égard. A l’époque, les deux hommessont en pleine « guerre ouverte » et le chef d’état-major juge donc cesrévélations suffisamment plausibles pour demander à Viner de s’en occuper.Viner et Harpaz travaillent alors de concert jusqu’en août, où le faux documentest transmis à la presse. Ashkénazi prend connaissance de ce document au moisde mai et le tient pour vrai, mais demande malgré tout à Viner de s’en tenir àl’écart. « Laisse tomber. N’aie rien à voir là-dedans », lui intime-t-il autéléphone. Il lui demande également de ne pas communiquer ces informations àd’autres hauts-gradés, pour épargner « leur temps et leurs inquiétudes » à cesujet. Mais le rapport souligne par ailleurs qu’Ashkénazi savait qu’Harpazrassemblait des informations sur les activités de l’équipe de Barak, etconnaissait également le rôle de Viner. Le contrôleur d’Etat reproche égalementà l’ancien chef d’état-major de ne pas avoir pris contact avec Barak ou Galantau sujet de ces allégations et de ne pas avoir fourni le document Harpaz auxplus hautes instances juridiques, ou encore au Premier ministre. Il aurait dû,avance le rapport, faire plus activement cesser les agissements d’Harpaz etViner. Le ministre de la Défense ne ressort pas non plus blanchi du rapport. Ilest notamment accusé d’avoir cherché à saboter le pouvoir d’Ashkénazi enannonçant, plus de dix mois à l’avance, qu’il ne serait pas reconduit dans sesfonctions une année supplémentaire, alors qu’aux dires du général, ce derniern’aurait rien demandé. Et lorsqu’un communiqué, repris par Aroutz 1, suggèreune telle prolongation, Barak va jusqu’à demander à son porte-parole dedémentir l’information auprès de différents journalistes et d’attribuerl’erreur au général de brigade, Avi Benayahou, alors porte-parole de Tsahal. Cedernier, qui dira plus tard avoir été « profondément humilié », récuseimmédiatement ces accusations et refuse d’être entraîné « dans de mesquinescalomnies ». En clair, la guerre entre Barak et Ashkénazi a causé de profondsremous dans l’establishment militaire et même, des agissements criminels de lapart de leur entourage. De quoi gravement porter atteinte à leurs carrièrespolitiques respectives.