Dis-moi ce que tu dépenses, je te dirai qui tu es

Très connue du milieu francophone israélien, Valérie Halfon décline ses conseils en gestion de budget dans un livre publié aux éditions Albin Michel, Slow shopping thérapie

La couverture du livre de Valérie Halfon (photo credit: DR)
La couverture du livre de Valérie Halfon
(photo credit: DR)
Son groupe Facebook Gestion de budget lancé fin mars dernier compte déjà près de 500 personnes, et ses posts quotidiens, Un truc par jour pour gérer son budget, sont attendus par des lecteurs enthousiastes. Incontournable des réseaux sociaux, Valérie Halfon n’en est pas moins une conseillère ancrée dans la réalité, qui arpente depuis plusieurs années les villes d’Israël pour prodiguer ses conseils aux familles en difficultés financières.
La gestion de budget, elle est tombée dedans à l’adolescence. Le décès prématuré de son père, alors qu’elle n’a que 15 ans, plonge le foyer parental dans l’embarras économique. Un matin, sa mère lui confie 200 francs pour faire le marché. La jeune fille reviendra avec de quoi nourrir le foyer de quatre personnes pour une semaine, et… de la monnaie. La famille est stupéfaite. Dès lors, elle sera de corvée de courses tous les dimanches matin.
Bien des années plus tard, après avoir mené des études de gestion à Paris Dauphine, fait son aliya, travaillé comme économiste au ministère de l’Intérieur et fondé une jolie famille, Valérie Halfon se remet sur le marché du travail. En 2009, elle rejoint l’association Paamonim, qui aide les familles en difficulté à rééquilibrer leur budget. Un rôle de conseillère bénévole qui sonne comme une révélation pour elle : « J’avais trouvé exactement ce que je voulais faire. »
Eduquer
Son approche ? Rééduquer. Sa méthode ? Faire le lien entre l’argent et la vie. En guise de première question, elle demande à ses clients quels sont leurs rêves. Et son rôle consiste à leur faire comprendre qu’un budget bien géré peut leur permettre de les réaliser. A son programme, ni privation à outrance, ni frustration. Mais faire jouer la motivation. « Il faut voir tout ce que l’on peut gagner avec une diminution des dépenses », pointe-t-elle. Car selon elle, il est beaucoup plus facile de réduire ses sorties d’argent que de chercher à augmenter ses entrées.
Si elle jongle avec les chiffres, Valérie Halfon a incontestablement le sens des formules. Pour elle, l’argent est avant tout le reflet de ce que l’on est. « On est ce qu’on dépense », affirme-t-elle. « Les chiffres ne mentent pas. Et mon travail, c’est de les faire parler. Je suis en quelque sorte une coach budgétaire holistique. »
Parallèlement à Paamonim, où elle s’est spécialisée dans les familles monoparentales, elle s’est installée à son compte depuis quatre ans, en tant que conseillère en budget familial. Ses clients sont essentiellement des francophones. Des olim pour beaucoup, perdus dans les dédales d’un déracinement culturel, qui s’accompagne bien souvent d’une baisse du niveau de vie.
« Ils ont des réflexes de nouveaux immigrants, comme le fait de penser en euros, qu’il faut corriger. » Ce qui caractérise ceux qui débarquent de l’Hexagone, selon elle : un manque de préparation. « Beaucoup décident de venir en Israël sans savoir ce qui les attend sur place », note Valérie Halfon, qui participe régulièrement à des salons sur l’aliya en France, pour le compte de Paamonim, « ils ne savent pas combien ils vont gagner, mais s’engagent dans la location d’un appartement d’une surface identique à ce qu’ils avaient en France. » La conseillère a 15 minutes pour leur préconiser le budget ric-rac : « Attendez un peu avant d’acheter une voiture », s’époumone-t-elle, un poste de dépenses qu’elle évalue à quelque 2 000 shekels par mois.
Le poste du logement, lui, ne doit pas excéder un tiers du budget de la famille. Elle cite ainsi un couple d’immigrants lancés dans l’acquisition d’un grand appartement moyennant 11 000 shekels de remboursement mensuel de crédit. Au-dessus de leurs moyens. Pas le choix, leur a dit Valérie Halfon : vendre ou louer.
Ils finiront par accepter de louer pour s’installer dans un quatre-pièces à 5 500 shekels – avec une taxe d’habitation considérablement revue à la baisse – dans lequel ils se sentiront finalement beaucoup mieux.

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Eviter les pièges
De nombreux pièges guettent les olim de France : les crédits proposés par les banques, le système des impôts prélevés à la source, les contrats de téléphonie pas toujours compréhensibles, la arnona ou taxe d’habitation, les prix du marché, etc. Autant de freins à l’intégration. La mairie de Netanya l’a bien compris, qui fait appel à Valérie Halfon pour animer des ateliers informatifs en français. Au programme : le couple et l’argent, les enfants et l’argent, ou une visite guidée dans un supermarché, avec 2 h 30 pour faire le tour des rayons et aider la quinzaine de familles présentes à réduire leur dépenses alimentaires de 30 à 50 %. Le budget idéal d’un panier selon la conseillère : 600 shekels par mois et par personne. « Cela comprend tout, les produits d’entretien, et les repas de fête. Il faut savoir quoi et comment acheter », pointe Valérie Halfon, qui passe au crible les tickets de caisse de ceux qui viennent la voir. Un exemple parmi d’autres, privilégier le fromage local, à la coupe, comme le Gilboa. Autres conseils : se baser sur des menus préparés à l’avance.
Et prendre uniquement ce dont on a besoin, pour ne pas gaspiller. « Les gens n’ont aucun problème à jeter de la nourriture », déclare-t-elle, « mais si on leur demande de mettre le feu à un billet de 50 shekels, ils s’offusquent. Ce qu’on jette, on a travaillé pour l’acheter ! »
Et de préciser : « Au début, cela demande une demi-heure d’investissement pour comparer les prix. Mais quand on fait des économies de 100 à 200 shekels sur un panier, c’est un gain net d’impôts. Et 100 shekels, sur un panier, cela fait 400 par mois, 4 800 shekels par an. » Pas question de parler de sacrifices pour Valérie Halfon. Mais plutôt de voir ce que l’on gagne en sérénité : « L’argent, il faut s’en occuper pour ne pas s’en préoccuper. »
Thérapie financière
Bien souvent, ce que la conseillère découvre va bien au-delà de la simple gestion de budget. Elle revient sur ces couples, qui gagnent bien leur vie, « entre 30 000 et 40 000 shekels par mois », mais n’arrivent pas à mettre de l’argent de côté.
En cause, un train de vie trop élevé. Valérie Halfon est alors là pour comprendre ce qui ne va pas. Elle n’a pas de recette miracle, chaque personne a son histoire et ses dépenses, elle laisse simplement parler les chiffres qu’on lui donne. « L’argent est un symptôme. Les gens viennent pour des difficultés financières, mais on découvre bien souvent que le problème est ailleurs », lance-t-elle. Et de prendre l’exemple d’une famille qui sort beaucoup : 2 000 shekels de restos et cafés par mois. L’explication du mari sera radicale : « Il y a une mauvaise ambiance à la maison. » « Quand on parle d’argent, les choses sortent », pointe Halfon, c’est comme une thérapie financière. Je suis comme un docteur à qui on demande un diagnostic. Les gens qui viennent me voir ont mal au portefeuille, et les symptômes, ce sont les chiffres. »
Autre exemple pour illustrer sa démarche, celui d’une femme qui dépensait sans compter. Un comportement qui n’affectait pas uniquement sa relation avec l’argent, mais aussi avec son entourage. Pour être incapable de mettre des limites, tout le monde abusait d’elle. Le travail de Valérie Halfon lui a permis de mettre le doigt sur son problème. Elle a su retrouver une relation harmonieuse avec ses enfants, et pour la première fois de sa vie, maigrir.
Contrôler sa vie
Pour bien gérer son budget, faut-il être particulièrement organisé ? Il faut que cela découle d’une prise de conscience, répond la conseillère, sans que cela soit une obsession. « Il faut regarder son compte une fois par semaine, pas plus, sans trop stresser. Mais il est important de noter toutes les dépenses en liquide, poste par poste. Contrôler son argent, c’est contrôler sa vie. »
Les résultats sont très bons, affirme-t-elle. Parfois, une seule séance de conseil peut changer la vie des gens. « Mais il faut faire des choix. Si on dépense 12 000 shekels et qu’on en gagne 10 000, on fait quoi ? » Ceux qui sont motivés réussissent très vite à réduire leur consommation. « Ils sont heureux, ont gagné en sérénité, peuvent réaliser leurs objectifs. Et surtout, ils se délestent d’un stress permanent. »
Un constat universel, valable non seulement pour les francophones d’Israël, mais pour tout consommateur de la planète.
Ce qui a poussé les éditions Albin Michel à publier le premier livre de Valérie Halfon, Slow shopping thérapie. En sous-titre : Consommez moins, vous irez mieux. Une méthode dans laquelle la conseillère développe son approche holistique, ou comment se comprendre soi-même à travers ses problèmes d’argent. « C’est un livre de développement personnel, mais aussi un ouvrage pratique. On y trouve les relations d’une famille à l’argent et les questions qui se posent. Comment fêter l’anniversaire des enfants ? Pourquoi gérer son budget ? », explique-t-elle, « l’idée, c’est que les gens réfléchissent. » Au menu, des conseils, des exemples vivants, et des outils. Mais Valérie Halfon insiste sur ce qu’elle considère la base de son travail : laisser libre cours à sa richesse intérieure. « L’important, c’est de se réaliser. La surconsommation est révélatrice d’un vide intérieur et il faut se remplir d’une autre manière, s’instruire, être utile. » Et de conclure : « On se réalise énormément en donnant, plutôt qu’en dépensant. Et là, on se remplit vraiment. » 
Slow shopping thérapie de Valérie Halfon
Editions Albin Michel
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